Violences, blessés, mort d’hommes, incendies, invectives verbales et plaintes devant les Cours et tribunaux marquent la campagne électorale en cours à une dizaine de jours de la présidentielle et aux législatives (nationales et provinciales) annoncées pour le 23 décembre 2018 en République démocratique du Congo (RDC). Actes condamnés par l’Onu et la SADC.
Lambert Mende dénonce des «agitateurs patentés »
Le gouvernement congolais a fustigé vendredi 14 décembre 2018 à Kinshasa « les entraves délibérées au processus électoral », et « une agitation assez préoccupante car fondée sur un regain de tension ponctuée de quelques débordements et incidents graves ».
« Si pour certains cette agitation constitue une surprise, pour des analystes plus avisés, il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’elle participe d’un plan prévisible car notoirement concocté par des individus et groupes d’individus qui n’ont jamais fait mystère de leur volonté radicale de saboter ce processus électoral », a noté le porte-parole du gouvernement Lambert Mende Omalanga, ministres des Médias et de la Communication, également en charge de la cellule de communication du candidat du FCC (Front commun pour le Congo), Emmanuel Ramazani Shadary.
Il a accusé la coalition électorale Lamuka (opposition) du candidat présidentiable Martin Fayulu d’être des « agitateurs patentés qui se comportent véritablement en +nègres de service + de certains intérêts hors de notre pays s’emploient, avec une rare véhémence, à attiser les braises de la haine et à ajouter de l’huile sur le feu dans le but de permettre à leurs mentors de réaliser leurs projets funestes ».
S’agissant de l’incendie jeudi dans un entrepôt de la Commission électorale nationale indépendante, il a rappelé que « dès le 13 septembre dernier déjà, un tweet assassin de l’un de ces pyromanes par procuration annonçait la couleur :+ Si Corneille Nangaa (le Président de la CENI) s’entête à imposer ses 100.000 machines à tricher, il devra déployer derrière chacune d’elles un policier pour qu’elles ne soient pas cassées, détruites, brûlées ! +».
« S’il s’avérait que l’incendie dans la nuit du 12 au 13 décembre d’un entrepôt de la CENI Ville-Province de Kinshasa avec son cortège de dégâts matériels procédait de la même logique criminelle, tout en rassurant notre peuple de sa détermination à offrir jusqu’au bout les meilleures conditions de sécurité au pouvoir organisateur et à toutes les parties prenantes de ce processus électoral, le Gouvernement a pris toutes les dispositions qui s’imposent pour élever le niveau de sécurité », a rassuré le porte-parole du gouvernement.
Lambert Mende a, dans la foulée, déploré « la position ambiguë de l’Union Européenne » qui «a décidé, contre toute logique, de maintenir des sanctions politiques injustes, illégales et illégitimes prises à l’encontre d’une quinzaine de personnalités congolaises, parmi lesquelles un candidat Président de la République et d’autres candidats aux assemblées nationales et provinciales dans le but manifeste de permettre à leurs +clients + au sein de la classe politique congolaise d’en faire usage pour les fragiliser en les discréditant par un amalgame douteux entre elles et une quelconque culpabilité criminelle dans leur chef. Heureusement sans succès ».
Martin Fayulu saisit la justice
Le candidat de la coalition Lamuka à la présidentielle, Martin Fayulu Madidi, par son avocat-conseil Me Jean-Marie Kabengela, a saisi vendredi 14 décembre 2018 la Cour de cassation et l’Auditorat général des forces armées de la RDC pour « terrorisme, assassinat, tentative d’assassinat, coups et blessures volontaires »,.en plus de détournement des moyens humains et matériels de l’Etat au profit du seul candidat du FCC, Emmanuel Ramazani Shadary, soupçonné de battre campagne avec des moyens de l’Etat.
« Nous attendons de la justice qu’elle joue réellement son rôle dans cette affaire», a déclaré Pierre Lumbi, le directeur de campagne du candidat Martin Fayulu, en précisant qu’ « .à Kindu, l’avion n’a pas reçu l’autorisation d’atterrir ; à Lubumbashi et à Kalemie, Martin Fayulu Madidi a violemment été empêché de s’adresser à ses partisans ».
L’ONU exige une enquête sur les violences perpétrées lors de la campagne électorale
La Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Mme Bachelet, a exprimé vendredi 14 décembre 2018 sa grande inquiétude face aux violences perpétrées cette semaine lors des meetings de campagne électorale en RDC..
« A seulement quelques jours des élections cruciales qui se tiendront en République démocratique du Congo, il est primordial que les autorités veillent à ce que les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique soient pleinement protégés et qu’elles prennent toutes les mesures possibles pour prévenir les actes de violence. Il s’agit notamment de veiller à ce que tous les candidats soient en mesure de tenir des réunions et des rassemblements pour faire campagne en faveur de leur élection », a déclaré Mme Bachelet.
Selon le communiqué de la Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, « le 11 décembre, au moins trois hommes ont été tués et plusieurs autres blessés après que la police aurait tiré à balles réelles et utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau contre un rassemblement de l’opposition à Lubumbashi, dans la province du Haut-Katanga. Le convoi du candidat à la présidence Martin Fayulu aurait également été attaqué par la police ».
Sept véhicules, dont un appartenant à la Police nationale congolaise, ont été détruits et le bureau du procureur a été incendié, lors des affrontements qui ont suivi entre partisans de différents partis.
Le document revient également sur la journée du 12 décembre. « Une jeune femme a été tuée et au moins neuf autres personnes ont été blessées, dont deux par balles » à Kalemie (Tanganyika) et le meeting de Martin Fayulu interrompu.
Jeudi à Mbuji Mayi, dans la province du Kasaï-Oriental, « le gouverneur de la province a déployé des soldats et des policiers sur plusieurs routes pour empêcher la population de saluer un autre candidat à la présidence, Felix Tshisekedi. Un garçon de 16 ans aurait été tué par un soldat des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ».
Mme Bachelet se dit « profondément préoccupée par les informations faisant état d’un usage excessif de la force, y compris des balles réelles, par les forces de sécurité contre les rassemblements de l’opposition. » Elle déplore également les discours incendiaires tenus par les dirigeants politiques.
« Par ailleurs, selon la même source, des menaces ont été proférées contre des partisans de plusieurs partis politiques, notamment ceux appartenant à la majorité présidentielle, en particulier au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. Des partisans de l’opposition auraient également perturbé les réunions de campagne organisées par les candidats de la majorité présidentielle dans les provinces du Kwilu et du Kasaï. Un certain nombre d’incidents visant des partisans de l’opposition ont aussi été enregistrés dans la province de Maniema », rapporte Radio Okapi.
La SADC reçoit l’opposition sur fond de tensions pré-électorales
Hage Geingob, président de la Namibie et également président en exercice de la Communauté de développement de l’Afrique Australe (SADC) a reçu, jeudi 13 décembre 2018, les opposants congolais Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi. Une réunion qui s’est tenue à Windhoek pour parler des élections mais aussi du climat de tension pré-électorale.
Pendant ces deux heures et demie de rencontre, Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi ont passé en revue les entraves à la liberté de manifester et de se réunir que rencontrent leur candidat, Martin Fayulu, et ses partisans.
Morts par balles
Au président Geingob, ils ont fait part des violences qui visent le candidat de la coalition Lamuka ainsi que les morts, par balles, qui ont endeuillé leur campagne, à Lubumbashi et Kalemie. La rencontre a d’ailleurs eu lieu quelques heures après l’incendie, à Kinshasa, d’un entrepôt de la Céni où 80% des machines à voter de la capitale sont parties en fumée.
Face à eux, le président en exercice de la SADC n’a pas caché sa vive préoccupation, d’après une source diplomatique sur place. Néanmoins, le chef de l’Etat namibien s’en tient à sa ligne, à savoir que c’est aux Congolais de trouver des solutions pour faire retomber les tensions.
« Nous n’avons pas à décider à la place des Congolais. Nous ne sommes là que pour aider. C’est au peuple congolais d’être juge. Je le répète : nous soutenons seulement. Je suis aux côtés de Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba pour les écouter, recevoir leurs points de vue et rapporter ensuite aux membres de la SADC », a déclaré, à la télévision namibienne, le président Hage Geingob.
Réunion de la SADC annulée
La SADC avait prévu de se réunir, ce week-end, pour parler justement de la situation en RDC mais la réunion a finalement été annulée. Il n’en reste pas moins que cette entrevue, à quelques jours des élections du 23 décembre, est un avertissement aux autorités congolaises et un signe d’inquiétude. La mission d’observation en RDC de la SADC a, en effet, appelé toutes les parties à s’abstenir de toute forme de violence.
Angelo Mobateli