
Le comité de suivi des victimes du massacre de Yumbi et des organisations des droits de l’homme ont exigé, lundi 14 décembre 2020 à Kinshasa, un procès équitable sur ce massacre qui a décimé, selon des rapports officiels, des centaines des personnes, il y a deux ans dans ce territoire de Maï-Ndombe.
Pas de réconciliation sans réparation, expliquent des sources proches du comité de suivi des victimes, reconnaissant que les deux tribus de ce territoire sont obligées de cohabiter. Mais, avant toute chose, il faut que justice soit rendue aux victimes.
Même son de sloche du côté des organisations de droits de l’homme. Bopaul Mupemba, responsable des programmes de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), estime, par exemple, que le massacre de Yumbi ne doit pas tomber dans les oubliettes :
« Les victimes de Yumbi sont abandonnées à leur triste sort. Nous exhortons le gouvernement de la République de faire de tout son mieux pour que ses victimes soient rétablies dans leur droit, en organisant un procès où nous verrons défiler les différents acteurs de ces massacres de Yumbi. »
Toujours selon ACAJ, plusieurs auteurs présumés de ces tueries avaient été transférés à Kinshasa, à la prison de Ndolo, où ils attendent d’être jugés.
MASSACRE DE YUMBI : LA RDC RECONNAÎT LA RESPONSABILITÉ D' »ACTEURS POLITICO-ADMNISTRATIFS »
Le massacre de Yumbi mi-décembre 2018 en République démocratique du Congo « a été instrumentalisé par certains acteurs politico-administratifs locaux », a reconnu Kinshasa pour la première fois, en livrant de nouveaux détails atroces.
« Je peux vous dire que ce qui s’est produit à Yumbi en décembre 2018 n’est pas un motif de fierté pour mon pays », a déclaré mardi 20 mars 2019 à Genève la ministre congolaise des Droits humains, Marie-Ange Mushobekwa, devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
« Un conflit inter-communautaire, lié essentiellement à la terre, a été instrumentalisé par certains acteurs politico-administratifs locaux et a abouti malheureusement à ce cauchemar que nous vous décrivons aujourd’hui », a-t-elle ajouté dans ses propos transmis sur la Web TV de l’ONU et repris par la presse congolaise.
Au moins 535 civils, hommes, femmes et enfants,ont été massacrées les 16 et 17 décembre dans trois villages du territoire de Yumbi sur les bords du fleuve Congo à 300-350 km au nord de Kinshasa.
Les victimes étaient principalement des membres de la communauté banunu victimes d’une communauté rivale, les Batende, qui officiellement contestaient le lieu d’inhumation d’un chef coutumier banunu.
« Missions d’enquête »
« Des enfants de moins de dix ans, des innocents ont été tués parce qu’ils appartenaient simplement à une certaine communauté », a poursuivi la ministre congolaise.
« Des jeunes garçons ont été non seulement massacrés mais émasculés pour les mêmes raisons. Des femmes enceintes ont été également tuées puis éventrées. Leur bourreau ont même mutilé des foetus. Je vous épargne d’autres détails ».
Elle a indiqué que le nouveau président Félix Tshisekedi « a diligenté des missions d’enquête à Yumbi ».
Un rapport d’enquête « sera envoyé au Haut commissaire des Nations unies aux droits de l’homme dans les tout prochains jours ».
« Quoi qu’il en soit, les auteurs de ces massacres vont et doivent répondre de leurs actes devant les juridictions congolaises. Nous sommes bien conscient que sans la justice il n’y aura pas une paix durable en RDC », a conclu Mme Mushobekwa, qui s’est félicitée de « la première transmission pacifique » du pouvoir dans son pays en janvier.
La responsabilité étatique non établie par l’ONU
Le massacre de Yumbi pourrait « constituer des crimes contre l’humanité », avait estimé la semaine dernière le bureau conjoint de l’ONU pour les droits de l’homme, dénonçant une violence « facilitée par l’absence de l’Etat » et des tueries « planifiées ».
Une mission des Nations unies a enquêté du 17 au 26 janvier 2019 dans la région de Yumbi. Un reportage de l’AFP fin janvier-début février à Yumbi avait aussi mis en évidence le côté « planifiée et organisée » des tueries visant les Banunu.
L’enquête des Nations unies n’a pas permis d’établir « une responsabilité étatique ». « Néanmoins, la responsabilité de l’État peut être engagée dans la mesure où l’enquête a permis d’établir que les autorités nationales et provinciales avaient été informées du risque élevé de violences, mais n’ont pris aucune mesure préventive », selon les enquêteurs.
Par RO/Jeune Afrique/AFP