En République démocratique du Congo (RDC), une pétition réclamant la tenue d’élections locales, municipales et urbaines a été déposée, vendredi 16 août 2019, au palais présidentiel. Cette pétition a été lancée par l’église catholique et protestante et a recueilli 2 millions de signatures. Ainsi, la pression s’accentue sur le président Felix Tchisekedi pour des scrutins jamais organisés dans le pays. La Commission électorale nationale indépendante (Céni) explique cette impasse par le manque de moyens financiers et l’attente d’un nouveau gouvernement.
Protestants et catholiques font cause commune. Pour les deux confessions, il n’est plus question de repousser une nouvelle fois les élections locales.
« Depuis 2006, nous n’avons jamais eu le cycle complet des élections. Cette fois-ci, nous avons dit : nous ne voulons pas des nominations au niveau des acteurs locaux qui n’auront pas de comptes à rendre car cela favorise le clientélisme et la corruption. Il faut passer aux élections et que les choses reviennent dans le cycle normal de notre Constitution », souligne le révérend Eric Senga, porte-parole de l’Eglise protestante.
Deux millions de signatures ont été récoltées en seulement deux mois à travers le pays. C’est vingt fois plus que le seuil constitutionnel pour enclencher un débat sur le référendum.
En son temps, la CENI avait, elle aussi, alerté sur l’urgence d’organiser ces élections locales mais si rien n’est encore fait, se défend le rapporteur de la CENI, Jean – Pierre Kalamba, c’est par manque de moyens financiers et surtout faute d’un nouveau gouvernement.
« Il n’y a pas un problème ! Le calendrier de la Céni… dès qu’un gouvernement, responsable, disponibilise les moyens, on l’actualise et on relance ces élections. Qu’on soit patient. Cela ne sert à rien d’aller torpiller l’esprit des gens avec des pétitions. Le président, on lui a déjà parlé de ça et il est favorable eaux élections municipale et locale », précise-t-il.
Les confessions catholiques et protestantes ne comptent pas s’arrêter là et n’excluent pas de faire descendre les fidèles dans les rues pour appuyer cette demande.
La Ligue des électeurs insiste sur l’importance des élections locales
En République démocratique du Congo, la société civile insiste sur l’organisation des élections locales, municipales et communales.
Après la présidentielle, les législatives nationales, provinciales et les sénatoriales, le calendrier électoral prévoyait la tenue de ces scrutins pour la première fois depuis l’adoption de l’actuelle Constitution à partir de septembre 2019. Mais en ce mois de juin, la Céni n’a toujours rien organisé, notamment en raison, dit-on d’un manque de moyens. Les élections municipales et provinciales, gages d’une démocratie locale, ont toujours été sacrifiées.
En République démocratique du Congo, l’organisation des élections locales était prévue par la Constitution de 2006. Et pourtant, le régime de Joseph Kabila a utilisé le décret-loi du 2 juillet 1998 pour nommer directement les maires, les bourgmestres, les conseillers communaux et autres chefs de secteur. Des désignations sur proposition du ministre de l’Intérieur et entérinées par le chef de l’Etat, régulièrement décriées par l’opposition et la société civile.
Manque de moyens
Le gouvernement, les centrales électorales successives, ont toujours justifié ce procédé par un manque de moyens financiers et logistiques, rappelant, que même la communauté internationale, qui avait financé les élections de 2006 avait renoncé à organiser ces scrutins.
Ces élections avaient été annoncées pour 2015, reportées sine die, puis à nouveau promises pour septembre 2019. Mais aujourd’hui la Commission électorale nationale indépendante (Céni) n’a rien fait, ni convoqué le corps électoral, ni établi les listes des candidats.
Les évêques et pasteurs du Congo sont montés au créneau fin mai et ont lancé une grande pétition pour exiger la tenue de ces scrutins. Renforcer la démocratie locale pour contrebalancer le manque de représentativité et de légitimité des élus nationaux, dit-on.
Faire une véritable démocratie à la base
La société civile et notamment la Ligue des électeurs insistent pour que l’élection des maires, des bourgmestres, des chefs, ne soit plus le fait du prince. Elle a décidé d’en appeler directement au chef de l’État. Son secrétaire exécutif national, Patrick Ngoyi, demande à Felix Tshisekedi de s’investir pour enfin instaurer une véritable démocratie à la base.
Il faut que ces élections se tiennent pour que les autorités soient plus proches de leurs élus. Parce qu’au niveau local, ce sont des autorités qui sont connues de leur population et qui vivront avec elle et qui seront obligées de répondre à leurs attentes au quotidien…
Patrick Ngoyi met en garde les autorités : «Si elles ne le font pas, les populations, les électeurs seront en mesure d’actionner les différents leviers constitutionnels et les voies qui existent pour pouvoir tirer la sonnette d’alarme, pour pouvoir sanctionner ces personnes-là. Mais tant que ce sont des autorités qui dépendent de l’autorité suprême qui est le chef de l’État, elles se disent qu’elles n’ont rien à craindre. Tout ce qu’il faut, c’est plaire au président de la République qui les a nommées. Tant que le président de la République n’en a pas décidé autrement, rien ne peut leur arriver. Alors nous avons vécu ça, ce sont des petits roitelets qui n’ont rien à devoir aux populations qui sont sous leur administration. Donc il faut qu’on arrive à mettre un terme à cela. Nous devons arriver à des élections locales, ou faire fonctionner les mécanismes démocratiques au niveau de la base, que les populations locales elles-mêmes puissent participer au choix de leurs élus locaux. Alors comme le président Félix Tshisekedi est au tout début de son mandat, il y a lieu de marteler pour que cette option politique soit levée ».
Avec RFI