Société anonyme, l’Equity BCDC a lancé une sorte d’avis de recherche. Les actionnaires détenant des titres au porteur sont invités à se faire identifier jusqu’au 30 septembre 2021. Motif: faire « convertir » les valeurs en leur possession auprès du secrétariat de l’Equity Banque commerciale du Congo (BCDC) à Kinshasa. Le ton est presque comminatoire.
Dans un « avis au public », sans date, intitulé « avis de conversion des actions au porteur en actions nominatives », l’Equity BCDC – la nouvelle banque née de la fusion entre l’Equity Bank Congo et la Banque commerciale du Congo – donne, aux détenteurs des « actions au porteur », jusqu’au 30 septembre 2021, pour faire « convertir » les titres en leur possession en « actions nominatives ».
A l’appui de cette démarche, l’Equity BCDC dit se référer « aux résolutions adoptées lors de l’Assemblée générale extraordinaire (AGE) du 28 avril 2021 exigeant entre autres que toutes les actions de la société prennent la forme exclusive d’actions nominatives ». Les actionnaires concernés devraient remettre le « certificat original » des dites actions au secrétariat de la banque qui pourra inscrire le titulaire des titres au porteur dans le registre des membres de la société l’actionnaire comme détenant un nombre similaire d’actions nominatives.
Quelle est la motivation de cette démarche? Selon un expert, « l’explication est simple ». Pour lui, l’Equity Group Holding voudrait devenir majoritaire à 100% à la BCDC. Le Groupe cherche à identifier les détenteurs d’actions au porteur afin de les racheter. Pour ce spécialiste, les actions nominatives permettent de connaitre les détenteurs successifs des actions.
UNE CERTAINE « BOULIMIE »
Notre interlocuteur fait, néanmoins, remarquer qu’il est « peu courant » qu’une société anonyme procède de la sorte avant la modification de ses statuts. Question: les statuts de l’Equity BCDC ont-ils été modifiés lors de l’AGE du 28 avril dernier? La réponse serait affirmative. A en croire notre spécialiste, de nombreux détenteurs d’actions au porteur ne donnent plus signe de vie. Le problème est que la banque doit, chaque fois, garder les dividendes destinées à ces personnes.
A tort ou à raison, des observateurs considèrent cette décision de l’AGE de l’Equity BCDC comme le signe de la « boulimie » qui caractérise ce groupe kenyan qui détient déjà 77,5% des parts sociales de l’ancienne Banque commerciale du Congo. Et ce depuis le 30 décembre 2020. « Actionnaire majoritaire, Ce groupe kenyan peut faire passer n’importe quelle décision à l’Assemblée générale ».
Qu’en est-il de l’Etat actionnaire? Le « Grand Congo », lui, ne contrôlerait « que » 15% du capital de la nouvelle banque. Les détenteurs des actions au porteur représentent plus ou moins de 10%. Question: quelle destination sera donnée aux dividendes destinées aux détenteurs des actions au porteur qui ne seront pas identifiés au 30 septembre prochain? Sous d’autres cieux, l’argent non encaissé est reversé au Trésor public au bout d’un certain délai.
AU COMMENCEMENT ÉTAIT LA « BANQUE DU CONGO BELGE »
Aujourd’hui, Equity Group Holding est devenu le propriétaire de la BCDC, une banque dont l’histoire se confond avec celle du Congo. Au commencement, c’était la Banque du Congo Belge. Celle-ci fut créée le 11 janvier 1909. Mission: assurer le développement du Congo. Le groupe bancaire kenyan a hérité du vaste réseau de représentation de la BCDC aux quatre coins du pays. Pour « contrer » cette présence étrangère « tentaculaire », d’aucuns estiment que l’Etat congolais devrait acquérir des parts dans le capital de l’Equity Group Holding au Kenya. « C’est une mission bien impossible dans la mesure où l’Etat congolais ne dispose pas de ‘banque nationale d’investissement’ selon le modèle scandinave pour assurer la présence de l’Etat dans les conseils d’administration de certaines entreprises »« .
Selon des sources bien informées, des cadres issus de la BCDC n’ont plus voix au chapitre. Ils ont été purement et simplement écartés des centres de décision. C’est le cas notamment du comité de direction. Et ce au profit des cadres d’origine kenyane et nationaux issus de l’Equity Bank Congo maîtrisant plutôt mal que bien le « business » au sein de la BCDC.
Un autre expert met un bémol sur les ambitions de ce groupe kenyan: « L’Etat congolais ne vendra jamais ses parts à l’Equity Group Holding ». A en croire notre interlocuteur, au départ, l’Etat congolais détenait 26% du capital. Pour lui, c’est un vrai mystère de constater que l’Etat n’a plus que 15%. « L’Equity Group Holding a fait une belle affaire avec l’acquisition de la BCDC. On assiste à un courant commercial entre le Kenya et le Congo particulièrement à l’Est. Le carburant fourni dans les provinces du Kivu vient de Mombasa au Kenya et Equity Group Holding a donné des ailes à ce groupe kenyan ». Reste que des Congolais sont divisés sur le passage de la BCDC dans l’escarcelle de ce groupe kenyan. « Georges Forrest était aussi un étranger », ricane l’expert.
« KABILA » CANDIDAT REPRENEUR DES PARTS DE FORREST A LA BCDC?
Un autre expert laisse entendre que c’est la BCDC qui avait racheté l’Equity Bank Congo et non le contraire. Selon lui, la preuve réside au fait qu’au début on parlait de « BCDC Equity ». L’ordre fut inversé après. On parle désormais « d’Equity BCDC ». Le Congo-Kin a-t-il été victime d’une escroquerie?
Après deux mois d’observation, Equity Group Holding a « viré » plusieurs anciens membres du comité de direction de la BCDC. Cette situation n’empêche pas un ancien banquier de clamer son admiration pour l’Equity. « Les cadres de l’Equity sont mieux formés que ceux de la BCDC. Chez Equity, tout le système est informatisé. Les opérations se font avec célérité. Ce n’est plus le système vieillot de la BCDC. Equity possède plusieurs guichets automatiques. Aujourd’hui, on trouve des agences Equity dans plusieurs communes kinoises. C’est un esprit nouveau ».
Filiale de la banque « Belgolaise », la BCDC fut rachetée après la liquidation de la « maison mère » en 2008. Le nouveau propriétaire n’était autre que l’homme d’affaires belgo-néozélandais Georges Forrest (GF). Il semble que « Joseph Kabila », alors chef de l’Etat, avait chargé le cabinet parisien Orrick de négocier le rachat des parts sociales de Forrest. En vain. « La famille Kabila aurait proposé 50 millions de dollars en cash, Georges Forrest aurait rejeté l’offre craignant une opération de blanchiment », précise-t-on. L’Equity Group Holding a arraché ce marché en faisant une meilleure offre de 100 millions de dollars. Forrest a dû se défaire de cette banque suite aux pressions subies de la part du « clan Kabila ». « Le groupe bancaire kenyan sera bien incapable d’acquérir 100% du capital en rachetant les 15% de l’Etat congolais », conclut l’ancien banquier.
Par Baudouin Amba Wetshi (Congo Indépendant)