Le Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, a présidé, mercredi 11 août 2021 à la Primature, la réunion du Comité de Conjoncture Economique (CEE) avec les ministres sectoriels concernés. Le CEE a relevé que l’augmentation des recettes publiques sert plus au fonctionnement des institutions de la République qu’aux investissements.
D’où, la décision imminente de revoir à la baisse, après examen au prochain Conseil des Ministres, le train de vie des membres du Gouvernement notamment par la baisse des émoluments des ministres et les frais de fonctionnement des ministères.
Faisant le compte rendu, le Ministre d’Etat au Plan, Christian Mwando, a donné les grandes lignes de cette importante réunion.
»La situation économique du pays est globalement stable. Les recettes sont sur une bonne voie. Cependant, le Premier Ministre et les membres du Comité de conjoncture économique ont constaté que les recettes servent essentiellement aux dépenses de fonctionnement et aux dépenses courantes, et très peu aux investissements. C’est ainsi qu’il a été suggéré par le Premier Ministre, qu’au prochain Conseil des Ministres, une proposition soit faite pour la réduction du train de vie du Gouvernement notamment par la baisse des salaires des Ministres et la baisse des frais de fonctionnement. Il a été également constaté que le ministre de l’Économie a signé l’arrêté sur le trafic aérien avec une baisse de 45 et 70 % des prix de vol à l’intérieur du pays. Mais l’application a pris un peu de temps et le premier ministre a instruit que cette application soit faite, que les mesures soient prises pour que cette application soit faite en tenant compte des pratiques du secteur. Les discussions ont également tourné autour de la question de la baisse des prix des produits surgelés. Le Premier Ministre a insisté pour qu’un panel de Ministres membres du Comité de conjoncture économique soit mis en place et que dans le plus bref délai, on puisse finaliser le contact avec les importateurs, de manière à ce que la baisse des prix soit effective conformément à ce qui avait été proposé par le Ministre de l’Économie. Pour le reste, la situation de la monnaie est stable, les réserves de change continuent leur croissance. Aujourd’hui, nous sommes à plus de 7 semaines de capacité d’importation sur les réserves de change ».
Étaient présents à cette réunion, les Ministre d’Etat, au Plan, Christian Mwando, et celui du Budget, Aimé Boji, le Ministre du Commerce extérieur, Jean Lucien Bussa, la Ministre de l’Emploi, Travail et Prévoyance Sociale, Claudine Ndusi, le Ministre des Finances, Nicolas Kazadi, le Vice- Ministre des Mines, Godard Motemona ainsi que Madame le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC).
ET SI L’ÉTAT RÉDUISAIT SON TRAIN DE VIE ?
Des millions de dollars sont engloutis chaque mois pour permettre à l’État de fonctionner et de payer ministres, gouverneurs, députés, sénateurs et leurs très nombreux collaborateurs. Pour le Trésor public, la facture est salée. Certains politiques et des membres de la société civile aimeraient mettre les institutions au régime sec.
Les institutions coûtent-elles trop cher ? S’il est un pays où la question mérite d’être posée, c’est bien la RDC, tant l’appareil d’État paraît budgétivore. Et pour cause : le gouvernement compte 57 ministres, qui disposent chacun de leur cabinet, 500 députés, qui ont eux aussi des assistants et des conseillers et 109 sénateurs, qui sont également secondés. Mais la RDC, c’est aussi 26 provinces, et donc autant de gouverneurs et de vice-gouverneurs, 780 députés provinciaux et 208 ministres provinciaux… Chaque mois, l’État engloutit donc plusieurs millions de dollars pour assurer son propre fonctionnement.
En moyenne, plus de 600 personnes travaillent à la seule primature. C’est vrai depuis que Sama Lukonde Kyenge est en poste, mais ça l’était aussi du temps de ses prédécesseurs. Une enveloppe de 10 millions de dollars est nécessaire chaque année pour payer les seuls agents affectés à la primature, sans compter les indemnités d’entrée en fonction (autrement dit les frais d’installation alloués aux équipes), soit au bas mot 5 millions de dollars par an.
Privilèges
Selon les données de la Direction générale des politiques et programmation budgétaire, une structure qui dépend du ministère du Budget, les dépenses allouées au fonctionnement de l’Assemblée nationale et du Sénat ont dépassé les 100 millions de dollars pour les cinq premiers mois de l’année 2021. À l’Assemblée nationale, 40,7 millions de dollars servent au fonctionnement de l’institution, et 25 millions sont consacrés aux rémunérations.
LA CLASSE POLITIQUE DOIT CESSER DE CONSIDÉRER LES FONDS DU TRÉSOR COMME SON ARGENT DE POCHE »
Des chiffres qui donnent le tournis et qui sont sans rapport avec les maigres recettes collectées par le Trésor public congolais. C’est pour cela que Jean Marc-Kabund-a-Kabund, le président intérimaire de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, au pouvoir) et vice-président de l’Assemblée nationale, a demandé au gouvernement de réduire le train de vie des institutions alors que les travaux d’élaboration de la Loi de finances pour l’exercice 2022 ont été lancés, le 16 juin.
« La réduction du train de vie des institutions est un impératif, abonde le député Delly Sesanga. Cela suppose un renoncement de la classe politique aux privilèges qu’elle s’est indûment octroyée. La classe politique doit cesser de considérer les fonds du Trésor comme son argent de poche. Et l’exemple doit venir du président de la République et du Parlement. À eux de faire preuve de leadership. »
« Inefficacité de l’État »
D’autant que le niveau de dépenses publiques par habitant demeure faible : pour l’exercice 2021, les dépenses prévues sont de l’ordre de 6,6 milliards de dollars pour 100 millions d’habitants, soit 66 dollars par Congolais, contre en moyenne 15 000 dans les pays de l’OCDE.
Ceux qui souhaitent mettre l’État congolais à la diète soulignent aussi que le non-respect des procédures d’exécution des dépenses publiques, qui se traduit par des dépassements systématiques, est désormais devenu la norme… notamment à la présidence.
Pour Delly Sesanga, « les faiblesses de la situation budgétaire de notre pays expliquent largement l’inefficacité de l’État et son incapacité à mettre la RDC sur l’orbite de développement. » « Le président de la République a le pouvoir de réduire notamment la taille du gouvernement central pour montrer qu’il veut concrétiser ce projet de réduction du train de vie des institutions politiques », insiste pour sa part l’Observatoire de la dépense publique.
La présidence pointée du doigt
L’ancien ministre Steve Mbikayi a quant à lui lancé une campagne, il y a plusieurs semaines, pour obtenir la suppression de certaines institutions jugées « budgetivores ». Dans sa ligne de mire : le Conseil national de suivi de l’accord du 31 décembre (CNSA), le Conseil économique et social (CES), et même le Sénat.
D’autres pointent la présidence et la taille du cabinet de Félix Tshisekedi, où émargent 1 018 personnes, selon la Loi de finances, pour près de 40,5 millions de dollars par an. Ils demandent au chef de l’État d’engager un dialogue avec les élus afin de réduire leurs émoluments et de fixer des seuils de rémunération pour les mandataires qui officient dans les entreprises publiques.
À les en croire, la réduction du train de vie des institutions pourrait permettre à l’État congolais d’économiser environ un milliard de dollars. Et de mettre enfin en œuvre la gratuité de l’enseignement de base, la prise en charge de la santé maternelle, néonatale et infantile, ou des investissements dans le secteur de l’agriculture… Des promesses souvent faites, mais rarement tenues.
Avec Deskeco/Stanis Bujakera Tshiamala (Jeune Afrique)