Après deux ans de négociations, le conseil d’administration du FMI a validé le programme établi de commun accord entre le Fonds monétaire international et les autorités du pays. C’était l’ambition du président Félix Tshisekedi depuis son accession au pouvoir. Sur trois ans, la RDC devrait recevoir 1,5 milliard de dollars par tranches, en échange de réformes et de respect de certains critères de gestion. Gabriel Leost, le représentant du FMI à Kinshasa, est l’invité de RFI.
RFI : Qu’est-ce que ça va changer la validation de ce programme avec le Fonds monétaire international ?
Gabriel Leost : Je dirais que ça va changer essentiellement deux choses. La première chose, c’est que c’est un soutien appuyé au programme à moyen terme du gouvernement qui vise à augmenter la croissance et aussi à réduire la pauvreté dans le pays, mais aussi par l’aspect un petit peu rassurant que donne le fait d’avoir un programme avec le Fonds monétaire. L’objectif, c’est de catalyser d’autres financements, que ce soit des autres partenaires au développement du pays, mais d’autre part aussi, cela pourrait attirer des investissements privés.
Il y a un milliard et demi de dollars qui sont prévus pour ce programme qui vont être décaissés sur trois ans. Quand peut-on attendre le premier décaissement ?
Le premier décaissement est immédiat suivant la décision positive du conseil d’administration du FMI. Donc, une première tranche équivalente à 217 millions dollars va être décaissée incessamment. Ensuite, il y aura des décaissements successifs qui, eux, seront en lien avec ce qu’on appelle « les revues du programme ». En fait, le programme et les avancées du programme sont revus périodiquement sur une base semestrielle et en fonction du résultat de cette revue, qui nécessite aussi à chaque fois un passage au conseil d’administration du FMI, si la décision est positive, il y a à chaque fois un décaissement associé.
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Justement quelles sont les conditions que vous posez à chacune des questions ? Quels sont les grands domaines de réformes que vous demandez ?
On demande essentiellement des réformes dans trois axes, qui sont en fait les réformes prioritaires qui ont été définies par le gouvernement. Premièrement, ce qu’on appelle créer de l’espace budgétaire, c’est-à-dire à la fois trouver un moyen de mobiliser plus de recettes, mais aussi de maîtriser un certain nombre de dépenses pour créer de l’espace budgétaire pour les dépenses les plus essentielles : les dépenses sociales, les dépenses d’investissement les plus nécessaires pour le pays. Un deuxième point important, c’est le renforcement du cadre de la politique monétaire et du secteur financier. Cela est un objectif aussi très important pour le développement du secteur privé et le développement de l’économie.
Et qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?
Cela veut dire à la fois améliorer le cadre de la politique monétaire, de la fixation des taux d’intérêt, la transition des taux d’intérêt qui sont fixés dans l’économie réelle, dans les crédits octroyés par les banques privées, au secteur privé, etc., pour un meilleur fonctionnement simplement du financement et de l’activité économique. Et enfin troisième point, qui d’ailleurs rejoint les deux premiers, qui est un point central du programme du gouvernement soutenu par le FMI, c’est l’aspect gouvernance et lutte contre la corruption qui est un enjeu majeur dans le secteur minier, mais pas seulement, dans tous les secteurs.
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Donc, cela veut dire publication des contrats ? On sait que la société civile en attend encore 200 sur les contrats qui ont été faits par le passé.
Tout à fait. Un des grands engagements qui est pris dans le cadre du programme, c’est de continuer à soutenir les activités de l’Eiti au niveau de la RDC, en lui allouant les ressources budgétaires et humaines nécessaires d’une part.
Donc, c’est une Initiative relative à la transparence des industries extractives (Itie- en anglais Extractive industries transparency initiative Eiti) ?
Merci de préciser. Et parmi les objectifs de l’Eiti, il y a clairement la publication des contrats, à la fois des contrats passés qui n’ont pas encore été publiés, même si nous devons souligner qu’il y a eu vraiment un effort très significatif de fait et que beaucoup de contrats ont déjà été publiés. Et puis naturellement, la publication de tous les contrats à venir.
Et cela, ce n’est que pour le secteur minier, parce qu’on sait qu’il y a des suspicions de détournement, de rétro commissions et autres sur d’autres contrats qui n’ont rien à voir avec le secteur minier…
Au-delà du secteur minier, le programme a aussi des objectifs en termes de finances publiques en général, et quand on parle de gestion des finances publiques, on parle de toute la chaine budgétaire en partant de la mobilisation des recettes, de la collection des recettes, de leur monitoring et puis, de leur utilisation. Donc, tout l’aspect budgétaire, de la préparation du budget jusqu’à son exécution. Donc, cela comprend aussi la passation de marchés publics…
Donc, cela veut dire qu’on peut s’attendre maintenant à un collectif budgétaire tous les ans, des rééditions de comptes détaillés, qu’on n’aura pu un budget fictif, parce que, à l’heure actuelle, on a toujours un peu un budget fictif ?
Pour ce qui est du budget 2021, vous savez que ça avait été une des actions préalables importantes en amont de ces négociations, que le budget de 2021 repose sur des hypothèses de recettes crédibles. Et c’est le cas, ce qui est inscrit dans le budget 2021 en termes de recettes et ce qu’on voit en termes de résultat sur les 5-6 premiers mois de l’année dont on connait les chiffres aujourd’hui, on n’a pas de grandes difficultés, on est même plutôt favorablement surpris. Par contre, le côté dépenses doit être revu et, comme vous le dites, il faut qu’il y ait une adéquation entre les lignes budgétaires qui sont votées dans la loi et ce que cela veut dire en termes d’engagements et de paiement de dépenses effectives.
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Par :Sonia Rolley