Après s’être succédé à Paris, les présidents rwandais Paul Kagame et angolais João Lourenço se croiseront à Bruxelles début juin. Les différentes rencontres bilatérales devraient donner lieu, avec la diplomatie belge, à de nouvelles discussions sur la crise en RDC.
Le dialogue est décidement très dense, ces dernières semaines, entre les chefs d’État d’Afrique centrale et leurs homologues européens. Début juin, deux d’entre eux, João Lourenço et Paul Kagame, qui viennent de se succéder à Paris, devraient à nouveau se croiser. À Bruxelles, cette fois.
Le président angolais João Lourenço effectuera une visite officielle en Belgique du 3 au 5 juin. Il doit y rencontrer le roi Philippe, le Premier ministre Charles Michel et le vice-Premier ministre en charge des Affaires étrangères, Didier Reynders. Il devrait également en profiter pour effectuer une visite au port d’Anvers, ainsi qu’à son secteur diamantaire.
Le Royaume de Belgique s’apprête par ailleurs à accueillir, presque simultanément, un autre chef d’État : le Rwandais Paul Kagame, également président en exercice de l’Union africaine (UA), y séjournera en effet du 4 au 6 juin, à l’occasion des Journées européennes du développement.
Il doit notamment rencontrer le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, le président du Conseil européen, Donald Tusk, ainsi que celui du Parlement européen, Antonio Tajani. Cette visite aura également une composante bilatérale importante, puisque Paul Kagame rencontrera lui aussi le roi Philippe et Charles Michel.
Ce ballet diplomatique bruxellois interviendra à peine une semaine après la visite de ces deux mêmes chefs d’État en France, où ils ont chacun rencontré leur homologue français Emmanuel Macron. Comme à Paris, la crise politique en RDC fera partie des principaux sujets de discussion.
Macron et Lourenço répondent à Kinshasa et clarifient leur position
Quarante-huit heures après la convocation des ambassadeurs de la France, de l’Angola et du Rwanda à Kinshasa, le président français, Emmanuel Macron, et son homologue angolais, João Lourenço, ont clarifié lundi leur position au sujet de la voie de sortie de la crise en RDC.
Il a suffi d’un mot pour mettre les autorités congolaises en colère. Le 23 mai 2018, lors de son point presse avec son homologue rwandais et président de l’Union africaine, le président français, Emmanuel Macron, a déclaré qu’il soutenait « l’initiative » prise par Paul Kagame « en lien étroit avec le président angolais [João Lourenço] » au sujet de crise politique en RDC.
Depuis, Kinshasa ne cesse de crier à la machination étrangère contre le pouvoir de Joseph Kabila. Le samedi 26 mai, des ambassadeurs de la France, de l’Angola et du Rwanda, accrédités dans la capitale congolaise, ont été convoqués dans le bureau de Léonard She Okitundu, le chef de la diplomatie de la RDC, pour une « demande d’explication ». Quarante-huit heures plus tard, c’était au tour de Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais, de monter au créneau. Au cours de son point presse, ce lundi 28 mai, le ministre de la Communication et des Médias a dénoncé « les messes basses et les complots à ciel ouvert contre la souveraineté » de la RDC.
« Les pays africains qui se hasarderont à servir de tête de pont ou de sous-traitants à des stratégies extérieures hostiles à la RDC [et] élaborées ailleurs seront toujours payés en monnaie de singe, en plus de la résistance farouche du peuple congolais […] », a menacé Lambert Mende, visant, sans les citer, l’Angola et le Rwanda dont les chefs d’État viennent d’être reçus tour à tour à l’Élysée.
Les précisions de Macron et de Lourenço
En visite officielle en France pour trois jours, le président angolais João Lourenço a en effet été reçu ce lundi par son homologue français, Emmanuel Macron. Outre la signature d’un certain nombre d’accords de coopération dans les domaines agricole et de la défense, les deux chefs d’État ont également abordé la situation en RDC.
« Nous soutenons la médiation régionale », a affirmé Emmanuel Macron, lors d’un point presse au Palais de l’Élysée avec João Lourenço. Les deux présidents ont tenu à rappeler leur attachement à l’accord de la Saint-Sylvestre et à la tenue des élections le 23 décembre « auxquelles Joseph Kabila n’aurait pas à participer », dixit M. Macron. Ce dernier a précisé que la France « n’a pas à dicter » au président congolais ce qu’il doit faire.
M. Lourenço a lui affirmé que la médiation est menée par tous les responsables des organisations régionales, « Omar Bongo, Denis Sassou Nguesso, Cyril Ramaphosa, et Paul Kagame » avec qui « nous discutons régulièrement de l’avenir de la RDC, tout comme avec M. Kabila ».
Appel au respect de l’accord de la Saint-Sylvestre
Si le langage utilisé a été prudent, il a mis en avant le fait que « l’accord [de la Saint-Sylvestre] a reçu la bénédiction de l’Église, et tout ce qui est béni doit être respecté. Nous conseillons à Joseph Kabila de suivre ce chemin. Mais un conseil n’est pas une obligation ». Et d’ajouter : « Nous n’avons pas le droit de dire [à Joseph Kabila] qu’il doit [le] quitter, c’est aux électeurs de le dire à travers les urnes. Mais on se croit dans notre droit à se protéger de toute déstabilisation. »
Ces élections à venir doivent se passer dans un climat apaisé, selon le président angolais. « Si c’est pour organiser des élections pour en faire, on peut les faire dès demain même, mais si personne ne les reconnaît, on ne gagne rien avec ça », a-t-il déclaré.
« Nous soutenons l’esprit et la méthode de M. Lourenço », a déclaré Emmanuel Macron
« La France viendra en soutien des initiatives qui seront prises par les pays de la région et l’Union africaine », a maintenu Emmanuel Macron. Il s’agit des initiatives visant à « faire appliquer les accords qui seuls permettront la clarification de la situation politique [en RDC], sans aucune complaisance, dans le calme et avec clarté », a précisé le président français. Ce compromis politique, conclu fin 2016, prévoyait entre autres la libération des prisonniers politiques emblématiques, la cessation des poursuites contre des opposants et l’organisation des scrutins crédibles et apaisés.
Faisant probablement référence à la dernière réaction de Kinshasa, à la suite des propos d’Emmanuel Macron lors de la venue de Paul Kagame à Paris, João Lourenço a pris soin d’expliquer qu’il n’y avait pas de décisions prises « en secret », ni de « conspiration », mais un « grand besoin de montrer à Joseph Kabila qu’il doit respecter l’accord… Nous nous rencontrons dans quelques jours, j’espère que ça se réalisera », a-t-il souligné. « Nous soutenons l’esprit et la méthode de M. Lourenço », a conclu le président français.
Le président angolais, qui doit rencontrer environ 80 entrepreneurs français, se rendra mardi dans le sud de la France, avant de rejoindre la Belgique.
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Jeune Afrique