Selon un rapport dévoilé vendredi 3 novembre 2017, la société congolaise d’exploitation du cuivre et du cobalt agirait en véritable « État parallèle » en RDC, négociant les permis avec les autres miniers et opérant sans aucune supervision des institutions d’État.
Le Centre Carter, ONG créée en 1982 par l’ancien président américain Jimmy Carter, a rendu publique ce vendredi la première partie d’un rapport sur les pratiques contractuelles et financières de la Gécamines, la société d’État qui exploite cuivre et cobalt en RDC.
« Alors que le code minier de 2002 avait pour objectif de casser le monopole de la Gécamines, celle-ci est au contraire devenue le véritable gardien des ressources minières de la RDC », estiment les auteurs de « La privatisation des concessions de cuivre du Congo : une affaire d’État ».
En effet, la Gécamines ayant été autorisée à conserver ses meilleurs permis, « la plupart des investisseurs ont préféré négocier avec la société d’État pour bénéficier de ces ressources, plutôt que se lancer dans un processus d’exploration plus incertain », poursuit le Centre Carter.
Selon les contrats que les enquêteurs ont pu étudier, les joint-ventures ainsi noués ont permis à la Gécamines de générer en moyenne 262 millions de dollars (225 millions d’euros) par an entre 2009 et 2014, soit 1,5 milliards de dollars. Une manne dont seulement 5 % a été reversée au Trésor national sous forme de taxes et d’avances sur dividendes.
Des fonds transférés au groupe de Dan Gertler
Le rapport fait également état de sommes « disparues », pour un montant de 750 millions de dollars sur la période 2011-2014, « dont une partie a été transférée vers une des plus proches relations d’affaires du président, le Groupe Fleurette, de Dan Gertler, en remboursement d’un prêt. L’opacité de la gestion financière de la Gécamines, ainsi que la faiblesse de sa production officielle, alimentent la spéculation sur la possibilité d’un détournement des revenus de l’entreprise au profit d’un petit nombre d’acteurs politiques ». Ce chiffre concorde avec celui avancé en juillet par l’ONG Global Witness, dont l’étude portait sur la période 2013-2015.
Outre ces question financières, le Centre Carter dénonce aussi le jeu trouble de la société, qui a officiellement perdu son statut d’entreprise publique, « mais se sert de son caractère quasi-public pour obtenir des privilèges que ne peuvent avoir les sociétés privées ». la Gécamines peut ainsi transformer ses permis de recherche en licences d’exploitation, sans remplir les prérequis financiers, techniques et environnementaux exigés par la loi, « ce qui lui a permis d’amasser près de deux fois plus de permis que ce que prévoit le code minier ».
La Gécamines, en tant qu’entreprise publique, peut percevoir des aides émanant d’institutions financières internationales officiellement destinées aux « gouvernements africains ». En revanche, « elle invoque son statut d’entreprise privée pour échapper à la supervision du gouvernement et parer aux questions quant à ses pratiques contractuelles, ses revenus et ses dépenses », notent les auteurs, qui recommandent une plus grande transparence et une application plus stricte du code minier.
Jeune Afrique a essayé sans succès de joindre le président du conseil d’administration de la Gécamines, Albert Yuma Mulimbi, pour l’interroger sur ce rapport. De même, notre courrier électronique adressé au service communication de l’entreprise est resté lettre morte à l’heure où nous publions cet article.
(Jeune Afrique)