La République démocratique du Congo totalise 60 ans d’indépendance mardi 30 juin 2020. Il n’est pas exclu que Félix Tshisekedi, Chef de l’État, proclame Joseph Kasa Vubu, premier président de la Republique du Congo-Léopoldville héros national le 30 juin 2020 à l’occasion de l’anniversaire des 60 ans de l’accession du pays à la souveraineté nationale et internationale.
Joseph Kasa Vubu, héros national, le désir longtemps exprimé par plusieurs Congolais particulièrement les originaires du Kongo central, pourrait se concrétiser le mardi 30 juin 2020.
« Si cela est fait, ça corrigera l’histoire politique incomplète, tronquée , falsifiée du pays et réhabilitera la mémoire du père de l’indépendance », estime Crispin Mbadu, député national élu de Tshela au Kongo central, la province d’origine de Kasa Vubu.
Lors de ses premiers pas, Félix Tshisekedi avait marché sur le traces du premier président de la République du Congo. Il avait remis dans la caisse de l’Etat, les relicats de ses frais des missions. Ancien élève du collège Mbanza Mboma au Kongo central, il a toujours reconnu les valeurs de Joseph Kasa Vubu.
Si ce dernier est élevé au rang de héros national, Tshisekedi entrera dans l’histoire.
Sécuriser le mausolée Kasa Vubu
Le père de l’indépendance repose à Singini dans un mausolée construit par Joseph Kabila, ancien président de la RDC. Pour y arriver, c’est un casse-tête chinois. La route à partir de Manterne étant fortement délabrée. Crispin Mbadu rappelle, « l’urgence de sécuriser le mausolée menacé par les érosions mais aussi l’entretien permanent de la route ». Il a déjà adressé une question écrite au vice-Premier ministre des travaux publics à ce sujet.
Une autre personnalité pour laquelle des Congolais se décarcassent pour rejoindre les héros nationaux Lumumba et Laurent -Desiré Kabila, c’est le prophète Simon Kimbangu, un autre fils du Kongo central.
JOSEPH KASA VUBU EST MORT OUBLIÉ
Le sort s’acharne sur les artisans de la libération congolaise. Lumumba est mort assassiné, Tshombe est, comme Ben Bella, dans les oubliettes de Boumediène, Kasa Vubu vient de mourir à Boma, à l’embouchure du fleuve Congo, à l’endroit où Stanley installa la première capitale, en 1886. Des dizaines d’autres ont péri dans la guerre civile des années 60. Il ne reste en place aujourd’hui que le ministre des affaires étrangères, M. Justin Bomboko, le Talleyrand congolais, serviteur de tous les régimes, et M. Cyrille Adoula, l’exilé de Washington, où il est l’ambassadeur du général Mobutu, l’actuel président de la République, qui ne joua aucun rôle dans la lutte pour l’indépendance mais qui sut admirablement tirer les marrons du feu.
par Pierre De Vos
Joseph Kasa Vubu fut sans aucun doute le plus pur des nationalistes congolais. Petit homme timide, portant lunettes, et dont un ancêtre — dit-on — fut l’un de ces Chinois venus construire vers 1895 le chemin de fer Matadi–Kinshasa, il avait une volonté de fer. Il avait fait ses humanités chez les pères de Scheut. Séminariste, il avait été instituteur avant de devenir commis du gouvernement et père de famille nombreuse. Kasa Vubu et Lumumba s’étaient rencontrés vers 1958, mais en dehors de leur nationalisme ils n’avaient rien de commun. Lumumba était nerveux et entreprenant, d’un orgueil dévorant. Kasa Vubu était calme et lent, oriental dans son comportement et sans aucune ambition personnelle.
Paradoxalement, Kasa Vubu donna le signal du départ du nationalisme et Lumumba lui emboîta le pas. C’était en 1957, Kasa Vubu avait été élu bourgmestre d’un faubourg de la capitale qui s’appelait encore Léopoldville. Dès son installation, devant des fonctionnaires belges ahuris et scandalisés, il évoque l’indépendance de son pays, qui sera dorénavant son seul objectif, Quelques mois plus tard, le 24 août 1958, le général de Gaulle promet l’indépendance africaine de l’autre côté du fleuve, à Brazzaville. Aussitôt le Congo belge a les nerfs à fleur de peau. Le dimanche 4 janvier 1959 la poudrière éclate dans la capitale, malgré les appels au calme de Kasa Vubu, adepte de la non-violence. L’émeute gronde, le sang coule. L’armée intervient, Kasa Vubu est arrêté et considéré comme responsable de l’explosion.
Bruxelles réagit bien, le roi Baudouin promet aux Congolais l’indépendance « sans atermoiements funestes mais sans précipitation inconsidérée ». Pendant un an, après ce discours, le gouvernement belge se désintéressera du Congo, considérant le problème réglé, Kasa Vubu, remis en liberté, sera envoyé en résidence surveillée en Belgique, où il réussira à convaincre certains milieux politiques de la nécessité d’être réalistes. Comme la situation se détériore une nouvelle fois (à son tour Lumumba est emprisonné), une « table ronde » est organisée à Bruxelles, où le gouvernement de M. Eykens accorde l’indépendance dans la précipitation que le roi n’avait pas voulue et à laquelle le Congo n’était pas préparé. Dès ce moment le chaos devient inévitable.
ROI DU BAS-CONGO
Un parlement est constitué. Lumumba et Kasa Vubu se disputent le pouvoir, le premier voulant diriger un grand Congo uni, le second présider un Congo fédéral avec une région du Bas-Congo où il sera proclamé roi. Quand il parcourt la capitale, Kasavubu est d’ailleurs acclamé aux cris de « Vive le roi Kasa ». Peau de léopard sous les pieds et au poing un sceptre sculpté datant de la découverte portugaise, il reçoit le serment d’allégeance des chefs de villages prosternés devant lui.
Fin juin 1960 les deux candidats se mettent d’accord : Kasa Vubu sera président de la République et Lumumba premier ministre. Mais le jour même de l’indépendance, le 30 juin 1960, la querelle rebondit. Lumumba prononce un discours enflammé que Kasa Vubu juge offensant pour le roi Baudouin. Celui-ci d’ailleurs menace de rentrer sur-le-champ en Belgique. Le 7 juillet les émeutes éclatent dans l’armée et se propagent à toute la Belgique. Kasavubu et Lumumba conjuguent alors leurs efforts pour empêcher la sécession katangaise de Moïse Tshombe. Ils n’y arrivent pas ; les parachutistes belges interviennent pour sauver les Blancs. Et c’est l’arrivée des casques bleus. A bout de forces, Lumumba n’est plus qu’un pantin surexcité et désarticulé. Les querelles reprennent entre les deux hommes, et le soir du 5 septembre 1960 Kasavubu se rend soudain à la radio pour annoncer au peuple congolais la révocation de son premier ministre.
La se situe une tragi-comédie. Lumumba se rend également à la radio pour démettre à son tour le président de la République, puis le chef de l’armée, le colonel Mobutu, intervient pour neutraliser à la fois Lumumba et Kasavubu.
LE COUP D’ÉTAT DU GÉNÉRAL MOBUTU
Lumumba est arrêté, s’évade, est de nouveau incarcéré. Kasavubu est réinstallé. Aidé du général Mobutu et de ses ministres, il se réconcilie, momentanément, avec Tshombe, qui livre Lumumba, qui est assassiné à son arrivée à Elisabethville le 18 janvier 1961. Le Congo ne retrouve pas pour autant son calme. Tshombe part en exil en Espagne, mais la guerre civile continue. Le sécessionniste katangais est rappelé à Léopoldville par Kasavubu, qui en fait son premier ministre. Quelques mois plus tard, le 25 novembre 1965, par un nouveau coup d’Etat, le général Mobutu démet à la fois le président de la République et le premier ministre. Tshombe sera condamné à mort par contumace ; Kasavubu sera autorisé à se retirer dans le Congo, où peu à peu il reprend la vie tribale. Il y meurt dans l’indifférence la plus totale.
BIOGRAPHIE
Né en 1917[1] à Dizi près de Tshela centre dans le Mayombe (Bas-Congo), district du Bas-fleuve au Congo belge et décédé le 24 mars 1969 à Boma (Bas-Congo).
Élève brillant et discipliné au petit-séminaire de Mbata-Kiela, il a poursuivi ses études supérieures au grand-séminaire de Kabwe au Kasaï pour devenir prêtre catholique. Cependant, au cours de la dernière année de sa formation, il a été jugé trop indépendant et trop critique pour devenir prêtre. Exclu du grand-séminaire sans motif valable à ses yeux et fort de sa formation en philosophie, il s’engage alors dans l’enseignement colonial. S’estimant insuffisamment payé pour son niveau d’instruction, il abandonne la carrière d’enseignant, et devient employé dans la société Agrifor à Tshela pour ensuite devenir en 1942, comptable au service des finances du gouvernement colonial à Léopoldville.
C’est là qu’il subit les influences parfois divergentes de divers groupes d’« évolués » congolais et du mouvement de la décolonisation africaine. Il a été le premier Congolais à réclamer auprès du colonisateur les droits des premiers occupants en 1947.
LEADER DE L’ABAKO
Il s’est surtout révélé au grand public national et international en tant que dirigeant et président de l’Association de Bakongo, ABAKO en sigles, peuple qui constituait plus de 60 % de la population qui habitait la ville de Léopoldville dans les années 1950.
Association culturelle au départ, l’ABAKO s’est peu à peu transformée en parti politique vers 1955. Joseph Kasa-Vubu a, au nom de l’ABAKO, réagi au plan Van Bilsen qui demandait que l’élite congolaise soit préparée avant d’accéder à l’indépendance. Ce plan proposait 30 ans pour cette préparation.
En effet, le groupe congolais de la conscience africaine (Malula, Iléo, etc) répondit au plan Bilsen par un manifeste pour l’approuver tout en demandant l’intégration progressive du peuple congolais dans la gestion de la chose publique avant l’échéance de 30 ans. Par contre, l’ABAKO, à travers son contre-manifeste, voulait l’annulation du plan Bilsen et avait demandé l’indépendance immédiate et sans condition du Congo conduisant à la première crise politique belgo-congolaise. Par cet acte, l’ABAKO était le premier parti-politique à demander l’indépendance du Congo.
En 1958, après une élection largement remportée par l’ABAKO à Léopoldville, il devient le premier bourgmestre noir de la commune de Dendale (aujourd’hui commune de Kasa-Vubu)[2] situé au centre de la ville de Léopoldville (actuellement Kinshasa).
ÉMEUTES DU 4 JANVIER 1959
Le 4 janvier 1959, à la suite de l’interdiction par le pouvoir colonial du rassemblement politique de l’ABAKO devant être donné par Joseph Kasa-Vubu et les autres dirigeants de l’ABAKO, de graves émeutes éclatent à Léolpoldville. Les partisans de l’ABAKO revenant du lieu de l’évènement annulé, pour manifester leur colère, s’attaquent aux édifices coloniaux, commerces et magasins appartenant à des Blancs. Il s’est ensuivi un affrontement sanglant avec les forces de l’ordre lourdement armées. Ces émeutes font plusieurs morts et blessés, particulièrement du côté des manifestants.
À la suite de ces graves émeutes, Joseph Kasa-Vubu et les autres dirigeant de l’ABAKO (Daniel Kanza, Gaston Diomi Ndongala, Pindi, etc.) sont recherchés et certains d’entre eux arrêtés, mais à la suite de la pression populaire et politique de plus en plus montante, ils ont été vite libérés. La Belgique a alors ouvert des négociations avec les forces politiques locales, négociations dites de la « table ronde de Bruxelles », pour une indépendance immédiate.
TABLE RONDE DE BRUXELLES
Lors de la table ronde de Bruxelles, Joseph Kasa-Vubu s’est particulièrement illustré en demandant la libération immédiate de Patrice Lumumba et sa participation à la table ronde, menaçant de quitter lui-même la table ronde. Lumumba était incarcéré à la prison de Stanleyville pour un prétendu détournement des fonds de la société qui l’employait au profit de son parti politique. Grâce à son intervention, Lumumba a été libéré et a rejoint la table ronde.
Kasa-Vubu et le gouverneur général du Congo belge Cornelis.
À l’indépendance du pays (30 juin 1960), Joseph Kasa-Vubu est largement élu premier président de la jeune République du Congo par le premier Parlement congolais face à Bolikango. Il dirige le pays du 30 juin 1960 au 24 novembre 1965, dans un contexte de crises politiques, rébellions et tentatives de sécession. Il garde aujourd’hui en République démocratique du Congo une image généralement positive, et reste dans les mémoires comme un homme politique soucieux d’honnêteté et de transparence[3].
Quelques mois après l’indépendance, un conflit ouvert éclata entre Joseph Kasa-Vubu et le Premier ministre Patrice Lumumba. Ce dernier était accusé de mauvaise gouvernance, mais aussi de vouloir conduire le pays vers le communisme et aussi d’entretenir l’anarchie dans le pays notamment en poussant les militaires à se révolter contre les partenaires et techniciens étrangers encore présents au pays – d’où la décision de Joseph Kasa-Vubu de révoquer Lumumba et de demander au Parlement de pouvoir choisir un autre Premier ministre. Ce dernier, à son tour, par un message diffusé à la Radio nationale tenta de révoquer Kasa-Vubu avant d’être mis en résidence surveillée, puis assassiné.
Après avoir été évincé par le coup d’État militaire de Joseph Mobutu en novembre 1965, Joseph Kasa-Vubu fut astreint à résidence par ce dernier et meurt de maladie et du manque de soins en 1969 dans sa résidence surveillée de Kisundi, situé à Boma, dans l’actuelle province du Bas-Congo, à l’extrême ouest de la République démocratique du Congo.
Par CR/ IBC/Pierre Devos/WP