L’ex-Congo Belge a accédé à la souveraineté nationale le 30 juin 1960. Et jusqu’en septembre 1992, le pays a connu des événements marquants repris dans le dossier suivant.

Les discours du 30 juin 1960: Roi Baudouin , Pdt Joseph Kasavubu et le 1er Min. Patrice Emery Lumumba
-Les discours prononcés par le Roi Baudouin Ier, le Président Joseph Kasa-Vubu et le Premier Ministre Patrice-Emery Lumumba lors de la cérémonie de l’indépendance du Congo (30 juin 1960) à Léopoldville (actuellement Kinshasa)
1. Discours du Roi des Belges, Baudouin Ier 2. Discours du Président de la République M. Joseph KASA-VUBU 3. Discours du Premier Ministre Patrice Emery LUMUMBA
-1. Discours du Roi des Belges, Baudouin Ier
Monsieur le Président, Messieurs, L’indépendance du Congo constitue l’aboutissement de l’œuvre conçue par le génie du roi Léopold II, entreprise par lui avec un courage tenace et continuée avec persévérance par la Belgique. Elle marque une heure dans les destinées, non seulement du Congo lui-même, mais, je n’hésite pas à l’affirmer, de l’Afrique toute entière. Pendant 80 ans la Belgique a envoyé sur votre sol les meilleurs de ses fils, d’abord pour délivrer le bassin du Congo de l’odieux trafic esclavagiste qui décimait ses populations, ensuite pour rapprocher les unes des autres les ethnies qui jadis ennemies s’apprêtent à constituer ensemble le plus grand des États indépendants d Afrique; enfin pour appeler à une vie plus heureuse les diverses régions du Congo que vous représentez ici unies en un même Parlement. En ce moment historique, notre pensée à tous doit se tourner vers les pionniers de l’émancipation africaine et vers ceux qui, après eux, ont fait du Congo ce qu’ il est aujourd’hui. Ils méritent à la fois NOTRE admiration et VOTRE reconnaissance, car ce sont eux qui, consacrant tous leurs efforts et même leur vie à un grand idéal, vous ont apporté la paix et ont enrichi votre patrimoine moral et matériel. Il faut que jamais ils ne soient oubliés, ni par la Belgique, ni par le Congo. Lorsque Léopold II a entrepris la grande œuvre qui trouve aujourd’hui son couronnement, Il ne s’est pas présenté à vous en conquérant mais en civilisateur. Le Congo, dès sa fondation, a ouvert ses frontières au trafic International, sans que jamais la Belgique y ait exerce un monopole institué dans son intérêt exclusif. Le Congo a été doté de chemins de fer, de routes, de lignes maritimes et aériennes qui, en mettant vos populations en contact les unes avec les autres, ont favorisé leur unité et ont élargi le pays aux dimensions du monde. Un service médical, dont la mise au point a demandé plusieurs dizaines années, a été patiemment organise et vous a délivré de maladies combien dévastatrices. Des hôpitaux nombreux et remarquablement outillés ont été construits. L’agriculture a été améliorée et modernisée. De grandes villes ont été édifiées et, à travers tout le pays, les conditions de l’habitation et de l’hygiène traduisent de remarquables progrès. Des entreprises industrielles ont mis en valeur les richesses naturelles du sol. L’expansion de l’activité économique a été considérable, augmentant ainsi le bien être de vos populations et dotant le pays de techniciens indispensables à son développement. Grâce aux écoles des missions, comme à celles que créèrent les pouvoirs publics, l’éducation de base connaît une extension enviable : une élite intellectuelle a commencé à se constituer que vos universités vont rapidement accroître. Un nombre de plus en plus considérable de travailleurs qualifiés appartenant à l’agriculture, à l’industrie, à l’artisanat, au commerce, à l’administration font pénétrer dans toutes les classes de la population émancipation individuelle qui constitue la – 3 – véritable base de toute civilisation. Nous sommes heureux d’avoir ainsi donné au Congo malgré les plus grandes difficultés, les éléments indispensables à l’armature d’un pays en marche sur la voie du développement. Le grand mouvement (de l’)indépendance qui entraîne toute l’Afrique a trouvé auprès des pouvoirs belges la plus large compréhension. En face du désir unanime de vos populations nous n’avons pas hésité à vous reconnaître, dès à présent, cette indépendance. C’est à vous, Messieurs qu’il appartient maintenant de démontrer que nous avons eu raison de vous faire confiance. Dorénavant la Belgique et le Congo se trouvent côte à côte comme deux États souverains mais liés par l’amitié et décidés à s’entraider. Aussi, nous remettons aujourd’ hui entre vos mains tous les services administratifs, économiques, techniques et sociaux ainsi que l’organisation judiciaire sans lesquels un État moderne n’est pas viable. Les agents belges sont prêts à vous apporter une collaboration loyale et éclairée. Votre tâche est immense et vous êtes les premiers à vous en rendre compte. Les dangers principaux qui vous menacent sont l’inexpérience des populations à se gouverner, les luttes tribales qui jadis ont fait tant de mal et qui à aucun prix ne doivent reprendre l’attraction que peuvent exercer sur certaines régions des puissances étrangères prêtes à profiter de la moindre défaillance. Vos dirigeants connaîtront la tâche difficile de gouverner. Il leur faudra mettre au premier plan de leurs préoccupations, quel que soit le parti auquel ils appartiennent, les intérêts généraux du pays. Ils devront apprendre au peuple congolais que l’indépendance ne se réalise pas par la satisfaction immédiate des jouissances faciles, mais par le travail, par le respect de la liberté d’autrui et des droits de la minorité, par la tolérance et l’ordre, sans lesquels aucun régime démocratique ne peut subsister. Je tiens à rendre ici un particulier hommage à la Force Publique qui a accompli sa lourde mission avec un courage et un dévouement sans défaillance. L’indépendance nécessitera de tous des efforts et des sacrifices. Il faudra adapter les institutions à vos conceptions et à vos besoins, de manière à les rendre stables et équilibrés. Il faudra aussi former des cadres administratifs expérimentés, intensifier la formation intellectuelle et morale de la population, maintenir la stabilité de la monnaie, sauvegarder vos organisations économiques, sociales et financières. Ne compromettez pas l’avenir par des réformes hâtives, et ne remplacez pas les organismes que vous remet la Belgique, tant que vous n’êtes pas certains de pouvoir faire mieux. Entretenez avec vigilance l’activité des services médicaux dont l’interruption aurait des conséquences désastreuses et ferait réapparaître des maladies que nous avions réussi à supprimer. Veillez aussi sur l’œuvre scientifique qui constitue pour vous un patrimoine intellectuel inestimable. N’oubliez pas qu’une Justice sereine et indépendante est un facteur de paix sociale : la garantie du respect du droit de chacun confère à un État, dans l’opinion internationale, une grande autorité morale. N’ayez crainte de vous tourner vers nous. Nous sommes prêts à rester à vos cotés pour vous aider de nos conseils, pour former avec vous les techniciens et les fonctionnaires dont vous aurez besoin. – 4 – L’Afrique et l’Europe se complètent mutuellement et sont appelées, en coopérant, au plus brillant essor. Le Congo et la Belgique peuvent jouer un rôle de première grandeur par une collaboration constructive et féconde, dans la confiance réciproque. Messieurs, Le monde entier a les yeux fixés sur vous. À l’heure où le Congo choisit souverainement son style de vie, Je souhaite que le peuple congolais conserve et développe le patrimoine des valeurs spirituelles, morales et religieuses qui nous est commun et qui transcende les vicissitudes politiques et les différences de race ou de frontière. Restez unis et vous saurez vous montrer dignes du grand rôle que vous êtes appelés à jouer dans l’histoire de l’Afrique. Peuple Congolais, Mon pays et moi-même nous reconnaissons avec joie et émotion que le Congo accède ce 30 Juin 1960, en plein accord et amitié avec la Belgique, à l’indépendance et à la souveraineté internationale. Que Dieu protège le Congo ! Baudouin Ier, Roi des Belges
– 2. Discours du Président de la République M. Joseph KASA-VUBU
Excellences, mes chers compatriotes, Au moment solennel où la République du Congo se présente au monde et à l’Histoire, pleinement indépendante et souveraine, au moment où nous ressentons intensément le caractère irrévocable et définitif du pas que nous franchissons, nous ne pouvons pas nous empêcher de mesurer la gravité de nos responsabilités et, dans une attitude de profonde humilité, de demander à Dieu qu’ il protège notre peuple et qu’il éclaire tous ses dirigeants. Avant toute chose, je voudrais exprimer ici une émotion, la reconnaissance que nous ressentons envers tous ces artisans obscurs ou héroïques de l’émancipation nationale, et tous ceux qui, partout sur notre immense territoire, ont donné sans compter leurs forces, leurs privations, leurs souffrances et même leur vie pour que se réalise enfin leur rêve audacieux d’un Congo libre et indépendant. (Applaudissements.) Je pense à ces travailleurs des chantiers, des usines, à ces agriculteurs de nos plaines et de nos vallées, à ces intellectuels aussi, à tous ceux, jeunes ou vieux, qui ont senti monter dans leur cœur un irrésistible idéal de liberté et qui, quoi qu’il put arriver, ont su rester fidèles à cet idéal et ont su l’accomplir. Je pense à nos femmes aussi qui, sans faiblir un seul instant, ont su réconforter leurs fils, leurs époux dans leurs luttes magnifiques et souvent même, se trouver à leurs côtés au plus près du combat. À vous toutes et à vous tous, artisans incomparables de la grandeur de Notre patrie, le Congo Indépendant que vous avez créé vous dit avec émotion sa gratitude infinie et vous assure solennellement que jamais vous ne serez oubliés. Tournons-nous maintenant vers l’avenir. L’aube de indépendance se lève sur un pays dont la structure économique est remarquable, bien équilibrée et solidement unifiée. Mais l’état d’inachèvement de la conscience nationale parmi les populations a suscité certaines alarmes que je voudrais dissiper aujourd’hui, en rappelant tous les progrès qui ont déjà été accomplis en ce domaine et qui sont les plus sûrs garants des étapes qui restent à parcourir. Que de différences, en effet, lors de la fondation de notre pays, entre des populations que tout contribuait à maintenir écartées les unes des autres : sans souligner les diversités de langues, de coutumes ou de structures sociales, rappelons simplement les distances énormes qui nous séparaient et le manque de moyens modernes de communication de la fin du siècle passé. Pour se reconnaître, il a fallu se rencontrer. Bon nombre de populations vivant aux confins de ce vaste pays se sentaient peu proches les unes des autres. Vous avez bien voulu rappeler, Sire, combien le progrès des moyens de déplacement contribua heureusement à enserrer le pays dans un réseau d’échanges qui servit aussi, et grandement, à rapprocher les hommes. Le développement économique, de son coté, amena la création de cités de travailleurs et de centres où les ressortissants des différentes ethnies apprirent à vivre ensemble, à mieux s’apprécier et où, insensiblement, une certaine osmose s’opéra. Les échanges se multipliant, les – 6 – régions devinrent petit à petit complémentaires les unes des autres et renforcèrent ainsi leur collaboration. Le développement de l’instruction, la création et la diffusion des journaux et périodiques, la multiplication des postes de radio, tout cela contribua à la naissance dans les villes d’abord, dans les milieux ruraux ensuite, d’une opinion publique d’où, petit à petit, se dégagèrent les éléments d’une véritable conscience nationale. La Belgique a eu alors la sagesse de ne pas s’opposer au courant de l’histoire et, comprenant la grandeur de l’idéal de la liberté qui anime tous les cœurs congolais, elle a su, fait sans précèdent dans l’histoire d’une colonisation pacifique, faire passer directement et sans transition notre pays de la domination étrangère à l’indépendance, dans la pleine souveraineté nationale. (Applaudissements.) Mais, si nous pouvons nous réjouir de cette décision, nous ne devons pas oublier que c’est à nous désormais à prendre le relais et à rassembler les matériaux de notre unité nationale, à construire notre nation dans l’union et dans la solidarité. Nous disposons pour cela d’un large éventail de moyens, mais il faudra que nous les utilisions avec sagesse, sans hâte ni lenteur, avec le souci de s’adapter harmonieusement au rythme normal des choses, sans essouffler les populations par une marche trop rapide qui les laisserait hors d’haleine sur le bord de la route, mais sans se complaire non plus dans une admiration béate de ce qui est déjà fait. La conscience nationale pousse depuis longtemps les populations congolaises vers plus de solidarité : nous aurons à favoriser plus que jamais ce mouvement de rapprochement national. Un rôle tout spécial sera dévolu, dans cette recherche d’une plus grande cohésion nationale, aux institutions centrales du pays et surtout à l’action des Chambres législatives. Certains d’entre nous, Messieurs les Sénateurs et Messieurs les Députes, ont pour la première fois, sans doute, côtoyé des élus venant d’autres provinces. Grande a été leur surprise de constater que votre idéal et vos préoccupations étaient si proches les uns des autres. J’ai la conviction que vous ferez de ces assises le véritable creuset d’une conscience nationale toujours plus développée. Nous saurons également, dans tout le pays, développer l’assimilation de ce que quatre-vingts ans de contact avec l’Occident nous a apporte de bien : la langue, qui est l’indispensable outil de l’harmonisation de nos rapports, la législation qui, insensiblement, a influencé sur l’évolution de nos coutumes diverses et les a lentement rapprochées et, enfin et surtout, la culture. Une affinité fondamentale de culture rapproche déjà tous les Bantous, aussi le contact de la civilisation chrétienne et les racines que cette civilisation a poussé en nous permettront aux sangs anciens revivifiés de donner à nos manifestations culturelles une originalité et un éclat tout particulier. Nous aurons à cœur de favoriser l’éclosion de cette culture nationale et d’aider toutes les couches de la population à en percevoir le message et à en approfondir la portée. Nous aurons là une mission essentielle à remplir, car la culture sera le véritable ciment de la nation. Cette recherche, ainsi que la mise en place des matériaux destinés à notre unité nationale, doit devenir la préoccupation dominante de tous. Aucun habitant de ce pays ne peut se refuser de participer à cette œuvre capitale. Nous saurons pour cela, dans ce vaste chantier de quatorze millions d’hommes qui est notre pays, éclairer et guider tous ceux qui y œuvrent dans l’enthousiasme. C’est cette communauté d’efforts, de peines et de travail qui achèvera le plus sûrement d’unir tous les Congolais en une grande, seule et solide nation. Nous montrerons ainsi au monde, par nos actes, que nous sommes dignes – 7 – de la confiance que le peuple a placée en nous, et que de nombreux pays nous témoignent déjà. Nous ne les décevrons pas. (Applaudissements.) Sire, La présence de votre Auguste Majesté aux cérémonies de ce jour mémorable constitue un éclatant et nouveau témoignage de Votre sollicitude pour toutes ces populations que vous avez aimées et protégées. Elles sont heureuses de pouvoir dire aujourd’hui à la fois leur reconnaissance pour les bienfaits que Vous et Vos illustres prédécesseurs leur avez prodigués, et leur joie pour la compréhension dans laquelle Vous avez rencontré leurs aspirations. Elles ont reçu Votre message d’amitié avec tout le respect et la ferveur dont elles Vous entourent et garderont longtemps dans leur cœur les paroles que Vous venez de leur adresser en cette heure émouvante. Elles sauront apprécier tout le prix de l’amitié que la Belgique leur offre et elles s’engageront avec enthousiasme dans la voie d’une collaboration sincère. Messieurs les Représentants des Pays Étrangers, Vous avez bien voulu partager nos joies et vous nous avez fait l’honneur de venir nombreux célébrer avec nous ces journées historiques. Aussi des relations d’amitié seront-elles faciles à nouer demain entre notre pays et chacun des États que Vous représentez. Vous qui voyez autour de vous l’immense enthousiasme qui s’empare de toute la Nation, vous qui sentez notre désir de réussir et de bien faire, je vous demande de faire connaître au monde cette image pleine d’espoir que vous emporterez du Congo, et qui est sa vraie image. Je proclame, au nom de la Nation, la naissance de la République du Congo. Joseph Kasa-Vubu, Chef de l’État
– 3. Discours du Premier Ministre Patrice Emery LUMUMBA
Congolais et Congolaises, Combattants de l’Indépendance aujourd’hui victorieux, Je vous salue au nom du gouvernement congolais. À vous tous, mes amis, qui avez lutté sans relâche à nos cotés, je vous demande de faire de ce 30 juin 1960 une date illustre que vous garderez ineffablement gravée dans vos cœurs, une date dont vous enseignerez avec fierté la signification à vos enfants, pour que ceux-ci à leur tour fassent connaître à leurs fils et à leurs petits-fils l’histoire glorieuse de notre lutte pour la liberté. Car cette Indépendance du Congo, si elle est proclamée aujourd’hui dans l’entente avec la Belgique, pays ami avec qui nous traitons d’égal à égal, nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier cependant que c’est par la lutte qu’elle a été conquise (applaudissements), une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle nous n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang. Cette lutte, qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en sommes fiers jusqu’au plus profond de nous-mêmes, car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l’humiliant esclavage qui nous était imposé par la force. Ce que fut notre sort en 80 ans de régime colonialiste, nos blessures sont trop fraîches et trop douloureuses encore pour que nous puissions le chasser de notre mémoire. Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou nous loger décemment, ni d’élever nos enfants comme des êtres chers. Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres. Qui oubliera qu’à un Noir on disait « tu », non certes comme à un ami, mais parce que le « vous » honorable était réservé aux seuls Blancs ? Nous avons connu que nos terres furent spoliées au nom de textes prétendument légaux qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort. Nous avons connu que la loi était jamais la même selon qu’il s’agissait d’un Blanc ou d’un Noir : accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine pour les autres. Nous avons connu les souffrances atroces des relégués pour opinions politiques ou croyances religieuses ; exilés dans leur propre patrie, leur sort était vraiment pire que la mort elle-même. Nous avons connu qu’il y avait dans les villes des maisons magnifiques pour les Blancs et des paillotes croulantes pour les Noirs ; qu’un Noir n’était admis ni dans les cinémas, ni dans les restaurants, ni dans les magasins dits européens ; qu’un Noir voyageait à même la coque des péniches, aux pieds du Blanc dans sa cabine de luxe. – 9 – Qui oubliera enfin les fusillades dont périrent tant de nos frères, les cachots dont furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient plus se soumettre au régime d’une justice d’oppression et d’exploitation ? (Applaudissements.) Tout cela, mes frères, nous en avons profondément souffert. Mais tout cela aussi, nous que le vote de vos représentants élus a agréés pour diriger notre cher pays, nous qui avons souffert dans notre corps et dans notre cœur de l’oppression colonialiste, nous vous le disons tout haut, tout cela est désormais fini. La République du Congo a été proclamée et notre cher pays est maintenant entre les mains de ses propres enfants. Ensemble, mes frères, mes sœurs, nous allons commencer une nouvelle lutte, une lutte sublime qui va mener notre pays à la paix, à la prospérité et à la grandeur. Nous allons établir ensemble la Justice sociale et assurer que chacun reçoive la juste rémunération de son travail. (Applaudissements.) Nous allons montrer au monde ce que peut faire l’homme noir quand il travaille dans la liberté, et nous allons faire du Congo le centre de rayonnement de l’Afrique tout entière. Nous allons veiller à ce que les terres de notre patrie profitent véritablement à ses enfants. Nous allons revoir toutes les lois d’autrefois et en faire de nouvelles qui seront justes et nobles. Nous allons mettre fin à l’oppression de la pensée libre et faire en sorte que tous les citoyens puissent jouir pleinement des libertés fondamentales prévues dans la déclaration des Droits de l’Homme. (Applaudissements.) Nous allons supprimer efficacement toute discrimination quelle qu’elle soit et donner à chacun la juste place que lui vaudra sa dignité humaine, son travail et son dévouement au pays. Nous allons faire régner, non pas la paix des fusils et des baïonnettes, mais la paix des cœurs et des bonnes volontés. (Applaudissements.) Et pour tout cela, chers compatriotes, soyez sûrs que nous pourrons compter, non seulement sur nos forces énormes et nos richesses immenses, mais sur l’assistance de nombreux pays étrangers dont nous accepterons la collaboration chaque jour qu’elle sera loyale et ne cherchera pas à nous imposer une politique, quelle qu’elle soit. (Applaudissements.) Dans ce domaine, la Belgique qui, comprenant enfin le sens de l’histoire, n’a pas essayé de s’opposer à notre indépendance est prête à nous accorder son aide et son amitié, et un traité vient d’être signé dans ce sens entre nos deux pays égaux et indépendants. Cette coopération, j’en suis sûr, sera profitable aux deux pays. De notre côté, tout en restant vigilants, nous saurons respecter les engagements librement consentis. Ainsi, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, le Congo nouveau, notre chère République que mon gouvernement va créer, sera un pays riche, libre et prospère. Mais pour que nous arrivions sans retard à ce but, vous tous, législateurs et citoyens congolais, je vous demande de m’aider de toutes vos forces. Je vous demande à tous d’oublier les querelles tribales qui nous épuisent et risquent de nous faire mépriser à l’étranger. Je demande à la minorité parlementaire d’aider mon – 10 – gouvernement par une opposition constructive et de rester strictement dans les voies légales et démocratiques. Je vous demande à tous de ne reculer devant aucun sacrifice pour assurer la réussite de notre grandiose entreprise. Je vous demande enfin de respecter inconditionnellement la vie et les biens de vos concitoyens et des étrangers établis dans notre pays. Si la conduite de ces étrangers laisse à désirer, notre justice sera prompte à les expulser du territoire de la République ; si par contre leur conduite est bonne, il faut les laisser en paix, car eux aussi travaillent à la prospérité de notre pays. L’Indépendance du Congo marque un pas décisif vers la libération de tout le continent africain. (Applaudissements.) Voilà, Sire, Excellences, Mesdames, Messieurs, mes chers compatriotes, mes frères de race, mes frères de lutte, ce que j’ai voulu vous dire au nom du gouvernement en ce jour magnifique de notre Indépendance complète et souveraine. (Applaudissements.) Notre gouvernement, fort, national, populaire sera le salut de ce peuple. Hommage aux combattants de la liberté nationale ! Vive l’lndépendance et l’Unité Africaine ! Vive le Congo indépendant et souverain ! (Applaudissements prolongés.) Patrice Emery Lumumba, Premier Ministre
CHRONOLOGIE
1960
30 juin
Proclamation de l’indépendance de la République du Congo (La Grande Encyclopédie du monde 1988, 4926).
Septembre
Joseph-Désiré Mobutu s’empare du pouvoir, laissant la présidence de la République à Joseph Kasavubu et faisant arrêter Patrice Lumumba, assassiné en 1961 (Documentation-Réfugiés 9-18 juill. 1988, 7).
1961
Mobutu rend le pouvoir aux civils. Le gouvernement est dirigé par le premier ministre Cyrille Adoula (ACDI 1987).
La Deuxième République 1965
Novembre
La crise katangaise se solde par un coup d’Etat. Le général Mobutu s’empare du pouvoir (Documentation-Réfugiés 9-18 juill. 1988; ACDI 1987).
Décembre
Mobutu interdit l’activité des partis pour une période de cinq ans, réduit le traitement des fonctionnaires et annonce la lutte contre la corruption; il suspend le droit de grève et crée le Mouvement des volontaires de la révolution (MVR) qui deviendra, en mai 1967, le Mouvement national de la révolution (MNR) (Cornevin 1972, 102).
1967
La constitution de la Deuxième République établit un régime présidentiel. Deux partis politiques sont autorisés, dont un d’opposition (Documentation-Réfugiés 9-18 juill. 1988, 7).
Pour la première fois dans l’histoire du Zaïre, l’élection du président au suffrage universel direct est étendue aux femmes (Cornevin 1972, 102).
1970
Mobutu est élu président de la république au suffrage universel. Le pouvoir du président est affermi par le biais du seul parti autorisé, le Mouvement populaire de la révolution (MPR) qui devient l’institution suprême de la république. C’est le début de la « politique de l’authenticité », également appelée politique de « zaïrianisation ». Les villes sont rebaptisées, le fleuve Congo devient le Zaïre (Documentation-Réfugiés 9-18 juill. 1988).
1971
En octobre 1971, la République du Congo devient la République du Zaïre. La doctrine de l’« authenticité » devient la doctrine officielle (ACDI 1987; Europa 1987 1987, 3172).
1972
Le multipartisme politique est aboli : le MPR devient l’unique parti. Joseph-Désiré Mobutu devient Mobutu Sese Seko alors que le gouvernement du Zaïre et le comité exécutif du MPR (seul parti autorisé au Zaïre) forment ensemble le Conseil exécutif national (ibid.).
1977-1978
En mars 1977 et en mai 1978, le Front national de libération du Congo (FNLC) envahit le Zaïre, s’emparant de la majeure partie de la région du Shaba. L’armée zaïroise repousse le FNLC à deux reprises (ibid.).
La première guerre du Shaba entraîne l’occupation du centre minier de Kolweizi. L’appui de la France aidera Mobutu à sortir de cette impasse (ACDI 1987).
Ces conflits entraînent d’importants mouvements de réfugiés (200 000 personnes environ) vers les pays africains voisins (Documentation-Réfugiés 9-18 juill. 1988, 5).
Quatorze personnes, reconnues coupables d’avoir troublé l’ordre public dans la région de Kwila, sont pendues sur la place publique à Idiofa (Amnesty International Report 1978 1978, 93).
1982
Malgré l’instauration du monopartisme, un deuxième parti politique naît illégalement : l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Treize membres du Conseil législatif national sont emprisonnés à la suite de leur adhésion à ce nouveau parti et de la formation, en octobre, d’une coalition de partis d’opposition, le Front congolais pour la restauration de la démocratie (FCRD) (Europa 1987 1987, 3172).
A la suite d’une grève, 15 étudiants sont arrêtés et détenus au quartier général du Centre national de recherches et d’investigations (CNRI, police de sécurité civile) à Kinshasa. Selon Amnesty International, ces étudiants ont été enrôlés de force dans l’armée et ont été libérés neuf mois plus tard (Amnesty International Communications mai 1983).
1983
Mai
A la suite de la publication d’un rapport critique d’Amnesty International, le président Mobutu offre l’amnistie à tous les prisonniers politiques en exil qui retournent au Zaïre avant le 30 juin de la même année (Europa 1987 1987, 3172).
1984
Janvier-mars
Des bombes explosent à Kinshasa et la ville de Moba, dans le Shaba, est sous le contrôle de forces rebelles que les troupes zaïroises captureront au mois de novembre de la même année. Alors que Mobutu accuse la Belgique de fomenter de telles rébellions, il est plutôt établi que ces manifestations servent à entraver le cours normal des élections (Europa 1988 1988, 3098).
Juillet
Mobutu est réélu président; il s’agit de son troisième septennat (ACDI 1987, 3173).
Une Garde civile, responsable des opérations antiterroristes et de la sécurité, est créée (Europa 1987 1987, 3173).
Novembre
Des « rebelles » venus de Tanzanie tentent d’occuper la ville de Moba. L’insurrection est maîtrisée et on estime à 150 le nombre de personnes tuées (ACDI 1987).
1985
Une centaine de personnes soupçonnées d’être des militantes de l’UDPS sont arrêtées et reconnues coupables d’avoir critiqué le gouvernement du Zaïre (Boyle 1988, 53).
1986
19 mars
Amnesty International dénonce, dans un rapport, les arrestations, la torture et les exécutions extrajudiciaires commises par les forces armées dans la région du Shaba. Le président reconnaît la véracité de certaines allégations contenues dans le rapport (Europa 1987 1987, 3173).
Mars
La secte des Témoins de Jéhovah est interdite au Zaïre (ODR-Bulletin d’information juin 1991).
1987
5 et 6 septembre
A la suite d’un symposium tenu en Suisse, des groupes d’opposition annoncent leur décision de former un gouvernement en exil. Un représentant de ce gouvernement, Léonard Mulopo, membre du Parti démocratique et socialiste congolais (PDSC) déclare que l’objectif de ce nouveau gouvernement est de rétablir la démocratie au Zaïre (Keesing’s 1988 1988, 35749).
Novembre
Trois anciens membres de l’UDPS rejoignent les rangs du Comité central du MPR, en vertu du « droit de tendance » négocié avec Mobutu (ODR-Bulletin d’information juin 1991).
Quatre Témoins de Jéhovah sont arrêtés à Goma (Amnesty International Report 1989 1989, 97).
1988
Mars
L’armée intervient lors d’une manifestation à Kinshasa organisée par des partisans de l’UDPS. Une cinquantaine de personnes sont blessées (Documentation-Réfugiés 21-30 mars 1988, 4).
Avril
Après que l’opposition eut appelé au boycott des élections locales qui se sont tenues le 10 avril, quelque 200 membres de l’UDPS sont arrêtés (Documentation-Réfugiés 10-19 avr. 1988)
Les quatre Témoins de Jéhovah arrêtés en novembre 1987 sont libérés; aucun chef d’accusation n’a été porté contre eux (Amnesty International Report 1989 1989, 97).
Au cours d’une manifestation de femmes à Kinshasa, 88 femmes sont arrêtées puis violées (New African sept. 1988, 22).
Octobre
Lors de la visite du président sud-africain Pik Botha, entre 700 et 800 étudiants ont manifesté à Kinshasa. Plusieurs d’entre eux ont été arrêtés (ODR-Bulletin d’information juin 1991).
1989
Février
Des étudiants manifestent contre la rareté des moyens de transport et leur coût élevé à Kinshasa et à Lubumbashi (Documentation-Réfugiés 4-13 janv. 1990). A la suite de ces manifestations, 38 personnes auraient trouvé la mort et 300 autres auraient été blessées (ibid.). L’Université de Kinshasa, l’Institut supérieur médical, l’Ecole de santé et l’Institut supérieur des techniques appliquées sont fermés (ODR-Bulletin d’information juin 1991).
6 mars
Le Service d’action et de renseignements militaires (SARM) arrête, durant la nuit, le chef de l’UDPS, Etienne Tshisekedi (Documentation-Réfugiés 4-13 janv. 1990).
Mai
Amnesty International soumet un mémorandum au gouvernement zaïrois demandant que les pouvoirs de détention des forces de sécurité soient réduits et que tous les détenus soient traduits en justice dans les jours qui suivent leur arrestation (Amnesty International Report 1990 1990, 268).
23 juillet
Les autorités de Kinshasa font cesser les activités religieuses de plus de 400 communautés et sectes non reconnues officiellement (Documentation-Réfugiés 4-13 janv. 1990).
Six Témoins de Jéhovah ont été jugés à Mbanza Ngungu, dans le Bas-Zaïre, pour avoir profané le drapeau national en « refusant de porter des badges du parti au pouvoir ou de scander des slogans du parti »; après avoir été battus, ils ont été relâchés (Amnesty International Report 1990 1990, 267).
1990
Janvier
Alors que débute une vaste consultation populaire sur l’avenir du pays, plusieurs personnes sont arrêtées lors de manifestations pour la démocratie à Kinshasa (Documentation-Réfugiés 13-22 févr. 1990; ODR-Bulletin d’information juin 1991).
23 février
Au cours de manifestations, plusieurs sympathisants de l’UDPS, parti interdit, sont présumément arrêtés à Kinshasa (Documentation-Réfugiés 25 mars-3 avr. 1990).
12 avril
Le président Mobutu annonce une série de mesures sociales en vue de temporiser la crise sociale que traverse le Zaïre (Le Devoir 25 avr. 1990).
24 avril
Dans un discours « historique », le président Mobutu annonce l’introduction d’un pluralisme limité, la légalisation de l’UDPS et la mise en liberté de son co-fondateur, Etienne Tshisekedi, ainsi que la transition vers une nouvelle constitution prévue pour avril 1991 (ODR-Bulletin d’information juin 1991; Country Reports 1990 1991, 446).
Mobutu démissionne de la présidence du MPR, remercie le conseil exécutif et donne naissance à la Troisième République qui sera mise en place dans l’année qui suit sa proclamation (Jeune Afrique 7 mai 1990, 11).
25 avril
Mobutu nomme Lunda Bululu (originaire du Shaba) chef du gouvernement de transition (Libération 26 avr. 1990).
29 avril
Mobutu exige que tout rassemblement politique devant se tenir à Kinshasa soit autorisé une semaine à l’avance (La Presse 1er mai 1990, E-6).
30 avril
Les forces gouvernementales zaïroises tuent au moins deux personnes lors d’une attaque contre les membres de l’UDPS, réunis publiquement pour la première fois depuis la levée de l’interdiction des partis d’opposition au Zaïre (The New York Times 2 mai 1990).
L’ABACO (Alliance des Bantous du Congo) exige la « convocation immédiate d’une Table ronde de tous les partis, un gouvernement de transition et l’élaboration d’une nouvelle constitution » (La Presse 1er mai 1990, E-6).
1er mai
Selon des sources de l’opposition zaïroise, huit personnes sont tuées et plusieurs autres blessées par la police de Kinshasa qui a ouvert le feu contre des manifestants réunis pour appuyer le leader de l’opposition Etienne Tshisekedi. Ce dernier, sa femme et un membre fondateur de l’UDPS ont été battus (La Presse 2 mai 1990, E-8).
3 mai
Le « calendrier démocratique » de Mobutu se définit ainsi : « adoption de la loi sur les partis, puis agrément des trois formations autorisées d’ici le 30 avril 1991; référendum sur la nouvelle Constitution, puis élection présidentielle avant la fin de cette même année; en 1992, enfin, ‘élections à tous les niveaux’ » (Jeune Afrique 28 mai 1990, 18).
9 mai
Manifestation étudiante à l’Université de Kinshasa qui dégénère en incidents au cours desquels des étudiants battent à mort l’un des leurs accusé d’être un indicateur de la police (La Presse 10 mai 1990).
11-12 mai
Sur le campus de Lubumbashi, « Plus de cinquante étudiants auraient été égorgés, tués à l’arme blanche par les troupes d’élite du régime zaïrois » (Le Devoir 23 mai 1990).
22 mai
Le Conseil national de sécurité (CNS) annonce une série de mesures destinées à mettre fin aux détentions administratives et au secret, ainsi qu’à la pratique de l’exil intérieur; selon le CNS, les centres de détention ne serviraient plus désormais qu’à l’emprisonnement de suspects pour de courtes durées. Au début de l’année 1991, ces mesures n’avaient pas encore été appliquées (Amnesty International Report 1991 1991, 255).
23 mai
Dans une lettre ouverte adressée au gouverneur du Shaba, Koyagialo Ngbabe Te Gerengbo, 21 professeurs de l’Université de Lubumbashi confirment l’arrivée du commando (de la Division spéciale présidentielle ou DSP) soupçonné d’avoir tué plusieurs étudiants dans la nuit du 11 au 12 mai dernier (Le Devoir 24 mai 1990, 7).
24 mai
Le ministre belge des Affaires étrangères, Mark Eyskens, confirme la mort de plusieurs étudiants zaïrois à l’Université de Lubumbashi le 11 mai; selon Amnesty International, entre 50 et 150 étudiants ont été tués (La Presse 25 mai 1990). En réaction à cette nouvelle, le gouvernement belge décide de geler les crédits publics destinés au Zaïre (Libération 26-27 mai 1990, 15).
25 mai
Manifestation des étudiants de l’Institut supérieur pédagogique (ISP) à Mbandaka (Equateur) pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail; Inunga Nkoy, étudiant âgé de 25 ans, « ramassé » par des gendarmes, meurt deux jours plus tard à la suite de mauvais traitements (Ligue zaïroise des droits de l’homme juin-sept. 1990, 7).
Une commission d’enquête parlementaire est créée pour enquêter sur les événements de Lubumbashi; son président est le Commissaire du peuple (député) Mwamba Maleba (Commission Justice et Paix août 1990, 89).
14 juin
Expulsion du propriétaire de l’hebdomadaire La Semaine (également, consul général d’Haïti au Zaïre) pour avoir pratiqué des « activités incompatibles avec son statut ». Cet hebdomadaire serait la publication « la plus indépendante que l’on puisse trouver au Zaïre » et est « le premier journal à publier des détails sur le massacre de Lubumbashi » (Documentation-Réfugiés 1er-10 août 1990, 6).
18 juin
Radio Kinshasa annonce les arrestations du gouverneur de la province du Shaba (Koya Gyalo Basete Gerengo) et de plusieurs autres responsables locaux (dont le recteur de l’Université de Lubumbashi et le responsable local de la sécurité) en rapport avec le massacre d’étudiants à l’Université de Lubumbashi (Le Devoir 20 juin 1990, 4).
Selon le rapport de la Commission parlementaire zaïroise, l’agitation et la violence étudiantes ne se cantonnent pas à Lubumbashi; des incidents ont eu lieu à Bukavu (où un homme aurait été tué), à Kinshasa (où une vingtaine de personnes auraient été blessées), à Kisangani, à Mbuji-Mayi et à Mbanza-Ngungu (La Presse 21 juin 1990, B-8).
26 juin
Au cours d’une déclaration épiscopale, les évêques catholiques du Zaïre demandent toute la lumière sur les massacres d’étudiants commis à Lubumbashi et « s’élèvent contre le coup d’arrêt donné, selon eux, à la démocratisation du régime » (Le Devoir 27 juin 1990, 4).
30 juin
Mobutu déclare que trois partis seulement seront autorisés à participer à la prochaine élection présidentielle après les élections primaires prévues en janvier 1991 (La Presse 1er juill. 1990, A-8). Seuls les trois partis qui obtiendront le plus de voix aux élections générales du début de 1991 seront autorisés (Amnesty International sept. 1990).
Entre-temps, tous les partis auront droit à une « existence reconnue jusqu’au 31 décembre 1990 ». Le président Mobutu rejette l’idée d’une enquête internationale sur les événements survenus à Lubumbashi en mai (Le Monde 3 juill. 1990, 6).
5 juillet
L’Assemblée nationale du Zaïre adopte une nouvelle constitution « qui élimine toute référence au MPR et à son rôle dominant ». Par la même occasion, le président annonce la libération du leader d’opposition Etienne Tshisekedi, assigné à domicile depuis mars 1989 (Amnesty International sept. 1990, 3).
10 juillet
Exigeant le paiement de certaines augmentations de salaires promises par le gouvernement, les fonctionnaires du Zaïre entament un mouvement de grève nationale illimité (Le Monde 12 juill. 1990, 24).
15 juillet
Un militant de l’UDPS est battu à mort à son domicile par des représentants de la Garde civile dans le quartier Mokali à Kimbanseke (Kinshasa). Des voisins rétorquent en infligeant une correction aux responsables du meurtre; cela leur vaut des représailles de la part de la Garde civile plus tard dans la journée : des maisons sont brûlées, des femmes sont violées, des personnes connues pour leur allégeance à l’UDPS sont portées disparues (Ligue zaïroise des droits de l’homme juin-sept. 1990, 7).
18 juillet
Le parlement zaïrois adopte une loi mettant en place un pluripartisme limité (La Presse 18 juill. 1990, B-4).
9 août
Le ministre de l’Intérieur donne l’ordre aux gouverneurs des provinces d’interdire les réunions ou les manifestations à caractère politique (Country Reports 1990 1991, 454).
16 août
L’UDPS accepte sous certaines conditions de participer à un gouvernement de transition (Documentation-Réfugiés 11-20 août 1990, 4).
Septembre
Le ministre des Affaires étrangères fait circuler deux notes auprès des diplomates étrangers pour restreindre leurs contacts avec des groupes politiques (Country Reports 1990 1991, 454).
6 octobre
Mobutu annonce qu’il va « légitimer rapidement toutes les formations politiques du Zaïre » et transformer le « multipartisme à trois », instauré le 24 avril 1990, en un « multipartisme intégral » (Documentation-Réfugiés 30 sept.-9 oct. 1990, 7).
Lors de cette annonce, Mobutu précise que les partis d’opposition peuvent dorénavant avoir accès à la télévision et à la radio (Country Reports For 1990 1991, 453).
22 octobre
Essolomwa Nkoy, rédacteur en chef du journal Elima, est arrêté et détenu pendant 48 heures à la prison de Makala à Kinshasa (Documentation-Réfugiés 9-18 nov. 1990, 6).
4 novembre
Des dizaines de personnes sont blessées et des centaines d’autres sont interpellées lorsque l’armée zaïroise charge des militants de l’UDPS, rassemblés pour participer à une manifestation autorisée (Documentation-Réfugiés 30 oct.-8 nov. 1990, 5).
3 décembre
A la suite de manifestations contre la dégradation du pouvoir d’achat et la raréfaction des denrées alimentaires de base, quatre personnes sont mortes et cinq autres sont blessées à Kinshasa, et deux personnes trouvent la mort et six autres sont blessées à Matadi (Jeune Afrique 12-18 déc. 1990). Des manifestations semblables ont eu lieu à Lubumbashi, à Bukavu et à Mbuji Mayi (Africa Confidential 7 déc. 1990).
4 décembre
Les grandes formations politiques zaïroises (UDPS, PDSC, Union des fédéralistes et des républicains indépendants – UFERI) et d’autres groupes dont les lumumbistes de toutes tendances lancent un appel pour l’organisation de manifestations exigeant le départ immédiat du président Mobutu; les partis demandent également la mise en place d’un véritable gouvernement d’union nationale, la réunion d’une conférence nationale et une enquête internationale sur les événements de Lubumbashi de mai 1990 (La Presse 5 janv. 1991).
14 décembre
La loi officialisant le multipartisme est adoptée par les députés de l’Assemblée législative : chaque parti doit faire une demande d’enregistrement qui peut prendre jusqu’à trois mois avant d’être publié dans le journal officiel (ODR-Bulletin d’information juin 1991).
19 décembre
Arrestation de plusieurs officiers supérieurs soupçonnés « d’un prétendu complot contre le régime » (ibid.).
31 décembre
Mobutu annonce qu’il inviterait un représentant de la Commission des Nations Unies sur les droits de l’Homme à assister au procès des accusés des événements de mai à Lubumbashi (Country Reports for 1990 1991, 456).
Lors de son message de voeux à la nation, le président Mobutu annonce l’organisation d’élections présidentielles et législatives pour 1991, ainsi qu’un référendum portant sur une nouvelle Constitution (Documentation-Réfugiés 29 déc. 1990-7 janv. 1991).
1991
10 février
Selon un communiqué du ministère de l’Administration du territoire, 66 partis politiques sont reconnus (Africa Research Bulletin 1er-28 févr. 1991, 10017).
22 février
Libération de N’Sasse Ramazani, directeur régional du journal Elima, arrêté au début février pour avoir écrit un article sur la corruption du régime Mobutu et ses « bavures » judiciaires (Ligue zaïroise des droits de l’homme janv.-mai 1991, 33; ODR-Bulletin d’information juin 1991).
14 mars
Démission du premier ministre Lunda Bululu et de son gouvernement. Cette décision est prise pour permettre à Mobutu de former un cabinet élargi, c’est-à-dire qui comprendrait des partis de l’opposition (Le Monde 16 mars 1991).
13-15 avril
A Mbuji Mayi, dans le centre du pays, la police a réprimé des manifestations organisées par l’UDPS. Ces rassemblements, qui ont dégénéré en scènes de pillage, auraient fait au moins cinq morts selon les autorités zaïroises. L’opposition, quant à elle, parle de treize victimes (Le Monde 22 avr. 1991; ibid. 23 avr. 1991).
Selon la Ligue zaïroise des droits de l’homme (LZDH), ces manifestations auraient fait 42 morts (Ligue zaïroise des droits de l’homme janv.-mai 1991, 12).
22 avril
L’UDPS lance un mot d’ordre de grève générale exigeant avec la majorité de l’opposition le départ du président Mobutu et la mise en place d’un gouvernement de transition (Documentation-Réfugiés 8-17 avr. 1991).
29 avril
La Conférence nationale, initialement prévue pour cette date à Kinshasa, est reportée (Africa Research Bulletin 1er-30 avr. 1991).
14 mai
Une manifestation étudiante à Kinshasa est réprimée par les forces policières. Deux étudiants de l’Institut technique des sciences appliquées (ITSA) sont morts et vingt personnes sont blessées (ODR-Bulletin d’information juin 1991).
23 juillet
Etienne Tshisekedi refuse le poste de premier ministre que lui propose le président Mobutu et demande à ce dernier de démissionner (Le Devoir 25 juill. 1991).
7 août
Ouverture de la Conférence nationale. Mulumba Lukoji dresse un bilan qu’il qualifie de « globalement négatif » des trente-et-une années qui se sont écoulées depuis l’indépendance (Documentation-Réfugiés 6-15 août 1991).
2 septembre
Des manifestants qui protestaient contre « la hausse vertigineuse des prix » à Kinshasa sont violemment dispersés par la police. Selon certains témoignages, au moins trois personnes auraient été tuées. Selon un membre de l’UDPS, des dizaines de personnes seraient mortes (Le Monde 4 sept. 1991; Libération 4 sept. 1991; Le Devoir 3 sept. 1991).
17 septembre
En raison des violations des droits de la personne et de l’« absence de programme économique cohérent », les Etats-Unis décident de suspendre leur aide économique au Zaïre (Le Monde 17 sept. 1991).
23-24 septembre
Un mouvement de contestation déclenché à Kinshasa par plusieurs centaines de militaires protestant contre le non-paiement de leur solde dégénère en émeutes. Une trentaine de personnes y trouvent la mort (Documentation-Réfugiés 25 sept.-4 oct. 1991).
14 octobre
Le président Mobutu signe une ordonnance portant sur la formation d’un « gouvernement de crise » dirigé par le nouveau premier ministre Tshisekedi (Documentation-Réfugiés 5-14 oct. 1991).
21 octobre
Le président Mobutu révoque son chef de gouvernement Etienne Tshisekedi parce que ce dernier refuse de prêter serment d’allégeance au chef de l’Etat (ibid. 15-24 oct. 1991).
23 octobre
Nomination de Mungul Diaka, président du Rassemblement des démocrates républicains (RDC) au poste de premier ministre. Sa nomination est dénoncée comme une « véritable provocation » par l’opposition qui réclame le retour de Tshisekedi (ibid.).
27 octobre
Des explosions détruisent les locaux du quotidien Elima, déjà mis à sac le 15 octobre, de même que la résidence du président de l’Union des démocrates indépendants (UDI), composante de l’Union sacrée (Jeune Afrique 6-12 nov. 1991).
25 novembre
Nomination de Nguz Karl-I-Bond, président de l’UFERI, au poste de premier ministre (Le Monde 27 nov. 1991).
4 décembre
Expiration du mandat présidentiel de Mobutu qui annonce « son intention de briguer un nouveau mandat présidentiel ». L’opposition affirme quant à elle que le maintien du maréchal Mobutu à la tête de l’Etat est inconstitutionnel (Agence France Presse 4 déc. 1991).
5 décembre 1991
Organisation par l’opposition zaïroise d’une « journée ville morte » à Kinshasa (AFP 5 déc. 1991).
4-5 décembre 1991
Selon la LZDH, une dizaine de personnes auraient été tuées à Kinshasa par des militaires et des miliciens. La Ligue ajoute que « D’autres personnes innocentes, dont des enfants, ont été grièvement blessées par balles, alors qu’elles se trouvaient devant leurs habitations, tandis que la milice a également procédé à plusieurs arrestations arbitraires et à des enlèvements » (ibid. 10 déc. 1991).
1992
14 janvier
Reprise des travaux de la Conférence nationale (Afrique contemporaine 93, 1992).
15 janvier
Des affrontements ethniques au Shaba opposent la population locale et des ressortissants du Kasaï. Huit personnes auraient trouvé la mort lors de ces affrontements et une cinquantaine d’autres auraient été blessées (AFP 16 janv. 1992).
19 janvier
Le premier ministre Karl-I-Bond décide de suspendre les travaux de la Conférence nationale (Documentation-Réfugiés 12-21 janv. 1992).
22-23 janvier 1992
Une trentaine de soldats auraient investi l’enceinte de la radio-télévision. Ils auraient réclamé la démission du président Mobutu et du premier ministre Karl-I-Bond, ainsi que la reprise des travaux de la Conférence nationale (Libération 24 janv. 1992).
7 février
Après 26 ans d’exil, Antoine Gizenga, bras droit de Patrice Lumumba, rentre au pays acclamé par quelque 3 000 membres du Parti lumumbiste unifié (PALU) (Afrique contemporaine 93 1992).
16 février
Les forces de l’ordre font feu sur des milliers de chrétiens qui participaient à « une marche pour la paix et l’espoir ». Selon les autorités, 13 personnes seraient mortes à la suite de cette intervention policière; la LZDH, quant à elle, estime à 32 le nombre de morts (Documentation-Réfugiés 11-20 févr. 1992).
21 février
Selon le rapport de l’ONU sur le massacre de Lubumbashi, « il existe de très bonnes raisons de croire que le gouvernement de Kinshasa a ordonné ou autorisé l’opération des deux groupes d’attaque de l’Université de Lubumbashi dans la nuit du 11 au 12 mai 1990 en conséquence de laquelle au moins 10 à 12 étudiants ont perdu la vie et au moins 34 autres ont été grièvement blessés » (AFP 21 févr. 1992).
2 mars
Arrestation d’un dirigeant du Rassemblement des libéraux pour le progrès (RLP). Cette arrestation pourrait être liée à son rôle dans l’organisation des manifestations du 16 février et du 1er mars 1992 (Documentation-Réfugiés 22-31 mars 1992).
4 avril
Procès de quelques trente membres des forces armées arrêtés en janvier 1992 après avoir brièvement occupés les locaux de « La Voix du Zaïre » à Kinshasa. Une partie d’entre eux ont été jugés in absentia, sans que l’on sache où ils se trouvaient, et condamnés à mort par contumace, ce qui fait craindre qu’ils n’aient déjà été exécutés. D’autres affirment avoir été torturés et soumis à des simulacres d’exécution (Amnesty International 22 avr. 1992).
6 avril
Reprise des travaux de la Conférence nationale suspendus depuis le 19 janvier (Documentation-Réfugiés 22-31 mars 1992).
16 avril
Les délégués de la Conférence nationale ont déclaré la souveraineté de leur forum (AFP 16 avr. 1992).
6 juin
Un ressortissant belge, qui devait témoigner devant la Commission d’enquête de la Conférence nationale sur le massacre de Lumumbashi en mai 1990, est assassiné à Kinshasa par un membre de la Division spéciale présidentielle (DSP) (Documentation-Réfugiés 10-19 juin 1992).
22 juillet
Arrestation du directeur de l’hebdomadaire satirique Le Manager grognon (Documentation-Réfugiés 20-29 juill. 1992).
28 juillet
Après une rencontre avec Mobutu, le président de la Conférence nationale déclare que le chef de l’Etat accepte désormais que le futur premier ministre soit élu par les délégués à la Conférence (Documentation-Réfugiés 30 juill.-8 août 1992).
29 juillet
A Kindu, dans le centre du pays, des militaires se sont livrés à des pillages à la suite d’incidents qui les ont opposés à des étudiants (ibid.).
4 août
Pour en finir avec le mobutisme, les délégués de la Conférence nationale décident de changer le nom du pays. Ainsi, la « République du Zaïre » s’appellera bientôt la « République du Congo ». L’hymne et le drapeau national seront aussi réhabilités (La Presse 5 août 1992).
14 août
Tshisekedi, président de l’UDPS, est élu au poste de premier ministre par les délégués de la Conférence nationale (AFP 15 août 1992).
30 août
La formation du nouveau gouvernement de M. Tshisekedi « marque la fin des hommes du président »; seul un ministre issu de l’entourage de Mobutu est nommé à l’Agriculture et au Développement rural (AFP 30 août 1992).
Septembre
A Likasi, dans le sud-est du Shaba (ex-Katanga), des combats interethniques opposant les communautés katangaise et kasaïenne font 20 morts et 60 blessés. Une centaine d’autres personnes sont arrêtées (Reuter 18 sept. 1992).
Avec Don Kayembe/Refworld.org