Le procès 100 jours, joutes frontales qui opposent accusés et témoins, a été au cœur d’une révélation sur l’opacité de la gestion de la Banque centrale du Congo, une véritable boîte à Pandore au cœur d’un des plus grands scandales judiciaires, une première en République démocratique du Congo.
Vital Kamerhe, mis hors jeu, est-il le seul coupable dans cette affaire ? ou existerait-il d’autres personnes qui ont prêté une aide telle que sans leur assistance le détournement n’eût pu être commis ? Le Tribunal appelle à la barre le Gouverneur de la BCC Deogratias Mutombo, l’ancien Ministre des Finances Henri Yav Mulang ainsi que l’ancien Ministre d’Etat du Budget Pièrre Kangudia. La chaîne de décaissement congolais mise à nue, une faiblesse qui ne pouvait laisser impunis les animateurs de cette institution (la BCC).
Pièce contre pièce, telle est la ligne de défense optée par Vital Kamerhe, alors que poursuivi pour détournement de 48.000.000$ USD par le Parquet, la lumière du procès en liminaire a révélé qu’il s’agissait plutôt de 57.500.000$ USD, montant décaissé par la BCC en faveur de la société SAMIBO de Samir Jammal.
Il a fallu l’intervention de certains témoins pour que la vérité éclate au grand jour. Marcellin Bilomba, le Conseiller Principal du Chef de l’État chargé de l’Economie et des Finances monte au créneau et passe à l’offensive, papier en main, donne le chiffre « réellement décaissé » de manière fractionnée par la BCC, 66.700.000$ USD contrairement à ce qui a été avancé par son Gouverneur.
Quel est le montant réellement décaissé par la BCC ? de nos jours, la BCC n’a jamais contesté les révélations du Conseiller Principal du Chef de l’Etat. Mais à quoi ont servi les 9.200.000$ USD d’excédent? La question reste encore pendante.
Interrogé sur la direction du montant décaissé par la Banque Centrale au profit de SAMIBO, l’ancien Ministre des Finances YAV MULANG confirme que la somme décaissée par la BCC devrait être versée au compte SAMIBO à ECOBANK et non pas à la RAWBANK. Du véritable film d’action !
Le Gouverneur de la BCC à son tour affirme la connaissance de l’instruction du Ministre des Finances, mais il évoque l’utilisation de la RawBank comme «correspondant » (Le dépositaire de la BCC qui disposait le plus des devises dans son compte pour ce paiement) pour faire parvenir la somme à l’ECOBANK.
Curieusement la BCC a semblé négliger le suivi et dit être surpris lors du procès 100 jours que le retrait par Jammal eût lieu à la RAWBANK. « Nous ne pouvons pas le savoir, nous ne pouvons pas le savoir » repond le Gouverneur de la BCC à la question du Ministère public, « la seule confirmation que nous avons du paiement c’est le débit de notre compte en dollar auprès de la RawBank(…) » est-ce évident ? aux experts financiers de nous en certifier.
Face à des révélations aussi cruciales du désordre caractérisé dans la chaîne des dépenses d’un pays qui peine à se développer où le décaissement pourrait se faire par voie téléphonique et ensuite activer la régularisation, la Justice ne pouvait-elle pas étendre le champs des co-auteurs qui auraient agi, à n’en point douter, en participation criminelle ? Quel rôle doit réellement jouer la BCC dans les opérations monétaires ? Que dit la loi sur la Constitution, l’organisation et fonctionnement de la BCC à cet effet ?
Son article 58 dispose que : « En sa qualité de conseiller du Gouvernement en matière économique, monétaire et financière, la BCC peut d’office ou à la demande du Gouvernement, émettre des avis ou des conseils sur toute politique ou mesure que le Gouvernement envisage de prendre. A cet effet, le Gouverneur prend part, à titre consultatif, aux réunions du Gouvernement au cours desquelles des questions à caractère économique, financier ou monétaire sont en examen. »
La BCC a-t-elle effectué ces contrôles dans le retrait d’une somme de plus de 47 Millions de dollars américains en liquides qui n’a pas été retracée dans le circuit bancaire?
Dans l’affirmative, quelle en ont été les mesures prises à cet effet ? En sa qualité de Conseiller du Gouvernement en matière économique, monétaire et financière, qu’avait-elle entrepris au titre de démarche auprès du Gouvernement lorsqu’elle s’est rendue compte que le paiement dans le dossier 100 jours avait touché la réserve monétaire Internationale ?
Mr Thierry Taeymans, ancien DG de la RAWBANK dont l’on connait le degré de la moralité dans sa gestion et dont on connaît l’implication de son ancienne institution dans la facilitation en RDC de blanchissement d’argent et du financement du terrorisme, s’est vu être viré de la RawBank.
Ecrit sur ce scandale, Nikole Kakese s’interroge : « Comment peut-on retirer d’aussi importantes sommes de plus de 47 Millions de dollars américains sans qu’elle ne signale ce mouvement ? ».
C’est ici qu’il faut interpeller le Directeur de la BCC qui a été complaisant dans ces mouvements suspects observés à la Rawbank. Cette complaisance a été à la base de la faillite de la BIAC où Deo Mutombo s’est contenté à accorder les crédits à une banque qui n’était plus sur la ligne. Une fois qu’Augustin Matata a demandé de stopper d’accorder les crédits à la BIAC, elle est tombée en faillite à cause de la complaisance du Gouverneur Mutombo qui s’est fait copain aux DG des banques privées, allant ainsi contre l’éthique et la déontologie d’une autorité monétaire. Poursuit-elle ;
En tout état de cause, comme dans le cas de la BIAC, Deo Mutombo aurait dû sanctionner la RAWBANK. Mais, pour des raisons qui lui sont propres, il a laissé l’argent du trésor être utilisé en désordre. Les fonctions d’un banquier de l’Etat sont semblables à la noblesse d’un prêtre. Mais là, c’est un danger lorsque l’on se rappelle la manière dont a été sanctionnée la SOCOBANQUE devenue la Banque du peuple rebaptisée la Banque Congolaise du Commerce Extérieur, aujourd’hui liquidée, pour avoir été incapable de payer la sanction lui infligée par la Banque Centrale du Congo à l’époque.
De même l’ancienne BANQUE DE DOKOLO lui avait été aussi ravie et remise à l’Etat pour n’avoir pas été en mesure de payer la sanction lui imposée, Conclut la même auteure.
La balle est désormais aux camps du Président de la République Félix TSHISEKEDI qui devra accélérer la réforme de la Banque centrale du Congo en renouvelant ses animateurs. Faut-il pour ce faire une entente FCC-CACH ? L’heure n’est plus aux ententes, la grande institution d’émission monétaire du pays est en péril, plusieurs dossiers inédites attendent des enquêtes sérieuses afin d’aboutir à la sanction des auteurs, co-auteurs et complices. Dossier à suivre.
KOLIKITE MOBALI YA TEMBE
Analyste politique
60 ans après le Congo mérite mieux