Dans cette série spéciale sur la COP24, Euractiv vous emmène à la conférence sur le climat de Katowice (Pologne). Au menu : négociations, poursuites juridiques en Bulgarie, engagement financier de la Russie, et révolution dans le transport maritime.
Du côté des négociations
Les négociations sur les aspects techniques de l’accord de Paris ont officiellement démarré le 4 décembre 2018
« Ce que les négociateurs essayent de faire est de rationaliser le texte actuel », a expliqué pour Euractiv Lucile Dufour, qui représente la France dans le Réseau action climat international.
« Il y a tant d’options sur la table, le pire et le meilleur. Les négociateurs doivent essayer de se rencontrer quelque part au milieu, dans ce qu’on appelle les ‘landing-zones’ au sein des négociations. »
Les délégués travaillent actuellement sur un document d’environ 200 pages, plus court que le texte de 307 pages que les négociateurs ont présenté à la fin de la session de Bangkok en septembre dernier. D’ici la fin de la semaine, ils doivent présenter un document considérablement réduit et homogène.
Dans ce processus, un élément notoire est apparu, qui a atteint un statu de quasi star lors de la COP21 de Paris en 2015 : les crochets.
Les crochets servent de baromètre de l’avancée des négociateurs sur des points spécifiques de l’ordre du jour. Moins il y a de crochets, plus les compromis sont susceptibles d’être atteints.
La tâche est loin d’être aisée : les négociateurs et les dirigeants mondiaux ont jusqu’au 14 décembre pour encourager 196 parties à se mettre d’accord sur une option unique et à éliminer tous les crochets afin de rendre l’accord de Paris opérationnel.
Russie
La Russie a promis de verser de l’argent au Fonds vert pour le climat, quelques jours seulement après que l’Allemagne a annoncé qu’elle verserait une nouvelle tranche de 750 millions d’euros ces deux prochaines années.
Ce fonds de l’ONU soutient des projets sur la protection et l’adaptation au changement climatique dans les pays en développement et émergents. Les leaders mondiaux se sont accordés sur la mise en place du fonds en 2010 lors de la conférence climat à Cancun, au Mexique et jusqu’à présent, près de 10 milliards d’euros ont été promis par des sources privées et publiques.
Bulgarie
Alors qu’une société charbonnière bulgare s’apprête à creuser une mine de charbon à ciel ouvert dans trois villages, un agriculteur local a intenté une action en justice pour l’arrêter, a déclaré l’ONG ClientEarth dans un communiqué de presse.
Emil Mirchev, qui cultive les terres de sa famille à Aldomirovtsi depuis des décennies, a intenté une action en justice pour bloquer la décision du Conseil des ministres bulgare autorisant les mines. Il a reçu l’aide juridique de la coalition militante Za Zemiata Access to Justice et des avocats environnementaux de ClientEarth dans la préparation du procès.
« Nous sommes contre la mine parce que son ouverture portera gravement atteinte à la qualité de vie d’au moins trois villages de la région. La mine se trouve à proximité d’un bassin versant et il existe un risque réel de pollution. De plus, le matériel de transport lourd à destination et en provenance de la mine ruinera la toute nouvelle infrastructure. L’exploitation minière mettra fin à l’agriculture pourtant très importante pour la population locale. Notre terre fertile vaut beaucoup plus pour nous et nos enfants que l’argent qu’ils nous paieront en guise de compensation », a déclaré Emil Mirchev.
La « mine Slivnitsa » s’étendrait sur 2 km2. Les principales sources d’approvisionnement en eau des villages de Barlozhista et Radulovtsi seront probablement détruites et deux lacs populaires de Bratushkovo et Radulovtsi, utilisés par les sportifs et les vacanciers, seront drainés et éliminés, a expliqué l’ONG. La mine alimenterait la centrale au charbon Bobov Dol, un grand pollueur du sud-ouest de la Bulgarie, dont les risques sont bien connus. Cela soulève de grandes préoccupations pour la santé de la population bulgare et pour le climat, a-t-il ajouté.
« L’Europe essaie de sortir du charbon et cette mine, qui devrait rester ouverte pendant 30 ans, est injustifiable », a déclaré Dominique Doyle, avocat de ClientEarth. « À l’avenir, nous verrons surement l’UE légiférer pour aider la région à sortir du charbon – l’investissement dans une mine comme celle-ci, avec un impact si dévastateur pour la région environnante et des milliers de personnes, est incroyablement court-termiste, » a-t-il ajouté.
Canada
Selon la ministre canadienne de l’Environnement, Catherine McKenna, son pays sera prêt à mettre en place un plan de réduction d’émissions drastique dès que l’accord de Paris entrera en vigueur en 2020.
« Ce n’est que le début. Le Canada a des décennies de retard en matière d’objectifs climatiques, tout en ayant investi pendant tout ce temps dans l’industrie des combustibles fossiles. Nous avons donc beaucoup à rattraper pour faire notre part », a déclaré Catherine Abreu, directrice générale du Réseau action climat Canada.
« Nous avons hâte de collaborer avec la ministre McKenna et son équipe afin de mettre au point un ensemble de lois ambitieux qui saura répondre à l’accord de Paris et à ce que la science attend de nous », s’est-elle réjouie.
L’accord de Paris invite les pays à revoir leurs promesses en matière de climat d’ici 2020, a rappelé l’ONG, ajoutant que c’était l’une des priorités de la COP24. Malgré tout, personne ne sait combien de pays s’y plieront, et cette initiative du Canada montre la voie.
L’État et le secteur privé se renvoient la balle
Dans le Wall Street Journal, le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre jamaïcain Andrew Holness ont appelé le secteur privé à accélérer les investissements dans les solutions faibles en émissions, en vue du sommet onusien de septembre 2019 pour le développement durable. Une prise en charge de l’État est bien entendue cruciale, mais le secteur privé doit se verdir en parallèle, écrivent-ils.
Toutefois, la lettre ouverte d’Emmanuel Macron et Andrew Holness fait suite à une autre lettre publiée le 29 novembre, signée par 50 chefs d’entreprise du monde entier, exhortant les chefs d’État à accélérer la lutte contre le changement climatique.
« En tant que chefs d’entreprise du monde entier, nous avons un message urgent mais simple à l’adresse des chefs d’État et de la communauté internationale en vue de la COP24 à Katowice », écrivent-ils. « Nous sommes déterminés à agir pour le climat. Nous voulons tout faire pour trouver une solution rapide pour lutter contre le réchauffement climatique, et atteindre les objectifs de l’accord de Paris. »
En résumé, voici ce que revendiquent les PDG :
Une tarification efficace sur le carbone et les émissions dans le monde entier
La stimulation de la finance et des investissements verts par des politiques logiques de transfert des flux financiers de tout ce qui pollue vers ce qui ne pollue pas, encourageant ainsi l’innovation et la transition
Des outils politiques pour éduquer et influencer positivement la société et sa demande pour des solutions à faible émissions
Transport maritime : Maersk au top
AP Moller Maersk, le plus grand armateur mondial de porte-conteneurs, s’est engagé le 5 décembre à réduire ses émissions nettes et à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Une démarche qui dénote avec une industrie qui n’a adopté qu’en avril dernier son premier accord visant à réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 50 % d’ici 2050, mettant un terme à des années de progrès à vitesse escargot.
Pour atteindre cet objectif, les navires neutres en carbone doivent être commercialement viables d’ici à 2030. L’armateur accélérera également l’innovation et la transition de nouvelles technologies.
« Les cinq à dix prochaines années seront cruciales. Au cours des quatre dernières années en tous cas, nous avons investi environ 1 milliard de dollars et engagé plus de 50 ingénieurs par an pour améliorer notre efficacité énergétique. Nous ne pouvons pas y arriver seuls », commente Søren Toft, directeur de l’exploitation chez AP Moller Maersk.
« Le seul moyen d’atteindre la décarbonisation totale de l’industrie est de transformer de A à Z nos chaînes d’approvisionnement tout en passant aux carburants durables », poursuit-il.
Selon ses dires, les émissions de CO2 de AP Moller Maersk ont déjà baissé de 46 % par rapport à 2007, soit environ 9 % de plus que la moyenne de l’industrie du transport maritime, qui représente 2 à 3 % des émissions mondiales de CO2 et pourrait atteindre 10 % d’ici 2050 si rien n’est fait pour arranger la situation.
Industrie automobile
Selon le quotidien économique allemand Handelsblatt, Volkswagen, le plus grand constructeur automobile allemand à l’origine du Dieselgate, a décidé, de manière inattendue, de réduire sa production de voitures à combustion d’ici à 2026, tout en éliminant progressivement les moteurs à combustion actuels au strict minimum.
Ce faisant, Volkswagen prend la direction opposée du gouvernement allemand, coincé dans une politique de maintien du statu quo.
L’entreprise planifie la production climatiquement neutre de son prochain modèle électrique ID Neo, qui succède au modèle électrique E-Golf le plus vendu de l’entreprise et considéré comme l’entrée de Volkswagen sur le marché de la voiture intelligente, a rapporté le quotidien allemand.
La production de l’ID Neo devrait démarrer en 2020 dans la ville de Zwickau, dans l’est de l’Allemagne, où Volkswagen prévoit de construire la plus grande usine de voitures électriques d’Europe avec une production annuelle de 330 000 véhicules, a-t-elle ajouté.
Un représentant de la société a déclaré que la production ne pouvait être totalement sans émissions dès le premier jour, mais que Volkswagen prévoyait de compenser cela, par exemple par le biais de certificats pour le reboisement des forêts tropicales.
Euractiv/CR