Les analystes de Attijari Global Research décortiquent le Budget 2022 du Maroc. Le pays devra consentir d’importantes dépenses, sans augmenter la pression fiscale. Avant de retrouver un rythme de croissance conforme à ses habitudes, l’année suivante.
« Un nouveau cycle de croissance se dessine », juge Attijari Global Research dans une note de conjoncture de novembre 2021, consacrée au Budget 2022 du Maroc. Le premier sous la direction du nouveau gouvernement, et conduit par la nouvelle ministre de l’Économie et des finances, Nadia Fettah Alaoui.
Durant dix ans, le Maroc dernier a été « fidèle » à un rythme de progression plutôt modeste mais sans grande volatilité. Bien sûr, l’économie marocaine a vécu une « sortie de trajectoire » avec une récession en 2020 de 6,3%. En 2021, la reprise est significative ; elle est attendue à 5,7%.
Principaux agrégats attendus pour le Maroc en 2022 : Croissance du PIB : 3,2%, dont 3,7% pour le PIB non agricole. Récolte céréalière : 80 millions de quintaux. Demande étrangère : +6,7%. Budget général (hors charge de la dette) : 358 milliards de dirhams (34,24 milliards d’euros). Déficit budgétaire : 5,9%
Lors de la phase 2022-2024, le ministère des Finances projette de renouer avec une dynamique de progression du PIB comparable à celle relevée lors de la période 2010-2014, avec des contributions plus qualitatives. « Dans ce contexte, l’année 2022 devrait asseoir de nouvelles bases de croissance », commentent les analystes de Casablanca.
Qui relèvent que l’élaboration du budget de l’année 2022 tient compte de différents impératifs qui engendrent « un surcoût considérable ». Et qui concèdent qu’en souhaitant éviter une hausse de la pression fiscale qui pourrait pénaliser la relance économique, cette version 2022 « doit prendre des risques supplémentaires pour assurer ses objectifs ».
Au registre des mesures fiscales, et dans la continuité des principales éditions, les dispositions de la loi de Finances 2022 dans sa version initiale, vont dans le sens de la simplification des régimes fiscaux, de l’unification des taux d’imposition, et également de l’incitation à l’investissement.
Performance exceptionnelle de l’agriculture en 2021
Bref, « un caractère volontariste et engagé, tout en s’inscrivant dans la lignée des précédentes éditions en matière de construction budgétaire ». Néanmoins, la réalisation effective de ses engagements demeure, plus que jamais, tributaire de facteurs exogènes non maîtrisables. Il s’agit particulièrement de l’amélioration continue de la situation sanitaire, de la stabilisation des prix des matières premières et d’une météo clémente.
Lors du quinquennat 2015-2019 qui a précédé le choc de la Covid-19, le rythme de croissance moyen avait décéléré à 3,1%. Cette cadence était légèrement plus soutenue lors de la période 2010-2014 avec une hausse moyenne de 3,7%. Le ministère des Finances prévoit donc un retour à ce rythme de croissance pour établir son Budget.
Pour l’année agricole 2021-2022, le PLF 2022 prévoit une récolte céréalière de 80 millions de quintaux (MQ), ce qui représente en absolu un niveau légèrement supérieur à la moyenne constatée sous le plan « Maroc Vert » qui se situe autour de 75 MQ.
Les analystes préviennent qu’il serait surprenant, au regard des précipitations qu’enregistre le Maroc en cette mi-novembre, que la campagne suivante face mieux qu’en 2020-2021, durant laquelle la production céréalière avait atteint 102 MQ, assortie d’un rendement record.
De son côté, alors qu’elle gravitait autour de 3,2% lors de la période 2016-2019, la croissance du PIB non agricole devrait, s’établir entre 3,5% et 4,0%, à horizon 2024, après 3,7% en 2022. Sur le plan de l’« amélioration qualitative » attendue, le PIB marocain devrait bénéficier davantage de la montée en charge du secteur secondaire.
En 2022, le surcoût budgétaire serait de l’ordre de 21 milliards de dinars. Il faut tenir compte du processus de généralisation de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) – « un chantier social coûteux » –, de la hausse des salaires, reportée de 2021 à 2022, ainsi que du soutien à la Santé et à l’Éducation.
Sans compter le report à 2023 du projet de libéralisation du butane, laquelle coïncide avec la hausse du cours du gaz à l’international. Tandis que l’État poursuivra l’appui à la relance économique par la dépense publique et particulièrement par la réalisation des projets stratégiques (portuaires) ou prioritaires (barrages et irrigation).
Deux risques exogènes
Grâce à une maîtrise constante du coût de la dette, la hausse des dépenses du budget général a été contenue à 8%. Face à cela, le Budget compte particulièrement sur une hausse des recettes d’impôts directs et indirects. Dans ce contexte, relèvent les analystes, le Trésor n’introduit pas de grandes réformes fiscales mais compte particulièrement sur l’amélioration de la situation sanitaire et la levée des restrictions qui soutiendraient la demande interne.
Toutefois, en voulant éviter une hausse de la pression fiscale, le Budget 2022 affrontera deux risques. D’une part, la propagation de la nouvelle vague épidémique de l’Europe vers le Maroc, où une mauvaise campagne agricole remettrait en question les perspectives de reprise économique annoncées. D’autre part, la tendance haussière et soutenable des prix des matières premières laisse présager des dépenses de compensation plus élevées que prévu.
Par Kimberly Adams (Le Magazine de l’Afrique)