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L’Est de la RDC plongé dans des conflits armés: l’UE impose le traçage des métaux rares pour lutter contre le trafic des “minerais du conflit”

RDC: Les principaux groupes armés encore actifs dans l'Est du pays

L’Est de la République démocratique du Congo est plongé depuis des décennies dans divers conflits armés entretenus par le trafic des “minerais du sang”. Désormais, c’est le coltan l’objet de toutes les convoitises.

Depuis le 1er janvier 2021, l’Union européenne impose une plus grande traçabilité à certains minerais “sensibles”. Désormais, l’étain, le tungstène, le tantale (extrait du coltan) et l’or – fréquemment appelés “minerais du conflit” – doivent provenir exclusivement de sources traçables sur toute la chaîne, de l’extraction à la transformation. L’Union tente ainsi de répondre aux accusations de laxisme dont seraient coupables des entreprises européennes sur leur approvisionnement en métaux rares, entretenant ainsi un trafic meurtrier. Elle rejoint les Etats-Unis qui ont pris un engagement similaire en 2010 dans le cadre de la loi Dodd-Frank.

Le nouveau règlement “prévoit l’obligation pour les entreprises européennes intervenant dans la chaîne d’approvisionnement de veiller à ce que leurs importations de ces minerais et métaux proviennent exclusivement de sources responsables et ne soient pas issues de conflits”.

Le coltan au banc des accusés

Le trafic de l’or et des diamants est clairement identifié depuis des décennies. Il permet à des seigneurs de guerre de s’équiper en armement et de mener des guérillas meurtrières. Mais avec l’avènement des équipements électroniques, un petit nouveau a fait son apparition : le coltan. On en extrait le tantale (entre 20 et 40% du minerai). Excellent conducteur électrique, résistant à la corrosion et facilement étirable, il est devenu indispensable dans les smartphones et autres ordinateurs, mais aussi dans la construction aéronautique.

Le coltan est, à l’exception notable de l’Europe, présent un peu partout dans le monde. Selon le BRGM, l’organisme français chargé des ressources minières, l’Afrique centrale arrive au cinquième rang des réserves mondiales. C’est une exploitation très marginale (2 000 tonnes de tantale raffinées dans le monde), comparativement au volume du cuivre (20 millions de tonnes), du nickel ou du fer. Mais le coltan a un atout, c’est le prix du tantale : entre 200 et 600 dollars le kilo. Les transactions se font de gré à gré, et le minerai n’a pas de réelle cotation en bourse.

Minage illégal

La région du Kivu en RDC, où se situent les plus importants gisements d’Afrique centrale, est aussi depuis des années une zone de conflits meurtriers dont l’accaparement des richesses naturelles serait une des raisons. Le minage illégal par des moyens rudimentaires, à la pelle et à la pioche, serait une source de revenus pour des bandes armées qui font travailler des populations à la recherche d’un modeste revenu. Le travail contraint des enfants, dans ces mines de tous les dangers, est régulièrement rapporté, même si officiellement il est interdit en République démocratique du Congo.

Le Sud-Kivu compte 900 mines artisanales tous secteurs confondus, rapporte le site internet L’Echo. Un processus de certification a été lancé pour garantir des mines “propres”, notamment en ce qui concerne le travail des enfants, ou sur la déclaration des volumes extraits et leur commercialisation. Mais “à ce jour, 150 mines à peine ont été certifiées. Le reste, c’est le flou absolu”, explique L’Echo, qui ajoute que rien n’est prêt pour l’application du règlement européen.

Faute de statisques, on ne connaît pas les réserves de coltan dont dispose la République démocratique du Congo. Les chiffres qui apparaissent ça et là lui accordant 80% des réserves mondiales seraient très fantaisistes.

“Minerais du sang”

On n’en sait pas beaucoup plus sur les volumes extraits qui ne cessent officiellement de décroître depuis la flambée spéculative des cours en 2000. Ici, comme dans d’autres secteurs économiques du pays, l’administration a bien du mal à asseoir son autorité, partagée entre le manque de moyens et la corruption.

Mais les saisies réalisées à la frontière avec le Rwanda en disent long sur l’existence d’un important trafic. En août 2020, les douaniers ont saisi coup sur coup 1,2 tonne de coltan dissimulée dans un camion-citerne, puis plus de 500 kilos sur des passeurs.

La structure même de la filière, où les opérateurs préfèrent transformer leur matière première chez le voisin rwandais, à l’abri des conflits et de la corruption, ne fait que rajouter à l’opacité. Dans un tel contexte, la volonté européenne d’assainir le marché des métaux rares, si elle va dans le bon sens, risque de n’être qu’un geste pour se donner bonne conscience.

Une centaine de groupes armés actifs dans l’est de la RDC

ADF, FDLR et Maï-Maï

Les rebelles les plus connus sont sans aucun doute les ADF ougandais et les FDLR rwandais. A leurs côtés, se retrouvent des groupes d’autodéfense congolais – les Maï-Maï – qui affirment défendre leurs communautés locales en profitant d’une “économie de guerre”, nous explique Boniface Musavuli, auteur de l’ouvrage “Les massacres de Beni”.

“Il y a les Maï-Maï de Kata Katanga qui opèrent dans l’ancienne province du Katanga. Il y a aussi les Maï-Maï Yakuntumba dans la province du Sud-Kivu et les Raïa Mutomboki qui opèrent dans le Sud-Kivu et un peu dans le Nord-Kivu. Enfin, il y a les NDC qui opèrent principalement dans le Nord-Kivu qui ont été récemment cités dans l’opération qui a abouti à la mort de Sylvestre Mudacumura, le chef militaire des FDLR dans l’est du Congo.” 

RED-Tabara, FNL et Forebu

Aux activités de ces milices locales s’ajoutent celles d’autres groupes armés étrangers qui opèrent dans les plateaux d’Uvira, dans la province du Sud-Kivu, frontalière du Burundi.  

Il s’agit des rebelles burundais du RED-Tabara, des FNL et du Forebu dont certains sont soutenus par le gouvernement rwandais. 

Ces milices armées sont à l’origine des mouvements de populations dans l’est de la RDC, témoigne Helène Shaddai, coordinatrice du Directoire des organisations féminines pour la paix, le DIOFAP : 

“Les Maï-Maï sont appuyés par des milices burundaises et les Banyamulenge (groupe rwandophone, ndlr) sont appuyés par des milices rwandaises et ougandaises.”

Une économie de guerre

Quant aux Maï-Maï, ils représentent plus d’une cinquantaine de groupes, pas tous actifs. Ils se sont formés à l’origine pour combattre les envahisseurs ougandais ou rwandais. Leur prolifération s’explique par les rivalités autour du trafic illicite de minerais, dont une partie franchit la frontière, en direction du Rwanda notamment.

Une stratégie commune 

Depuis son élection, le président congolais Félix Tshisekedi s’efforce de mieux coordonner l’action militaire contre ces groupes armés avec le Rwanda et l’Ouganda afin de mettre un terme à la violence qui dure depuis des décennies et qui est entretenue par une économie de guerre. 

“Il y a des dizaines de groupes armés qui ont pour point commun d’exploiter la population civile et les ressources minières. Et donc l’armée congolaise a maintenant décidé d’en finir avec ces groupes armés, ce qui n’est pas une mince affaire”, explique Colette Braekmann, journaliste, spécialiste de la RDC. 

Aucun groupe armé ne semble toutefois en mesure de s’emparer d’une grande ville congolaise. A l’inverse de ce qu’il s’était passé il y a sept ans avec le M23 à Goma. Le groupe rebelle avait ensuite été détruit en 2013 par une action conjointe de l’armée congolaise et de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco).Bob Barry

Par Jacques Deveaux (Franceinfo)/BBC

angelo Mobateli

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