La conférence Mining Indaba, qui rassemblait du 5 au 8 février 2018 plus de 5000 professionnels du secteur extractif africain au Cap, en Afrique du Sud, s’est terminée sur un constat : la concentration de la production de cobalt entre la RDC et la Chine fait peser un risque sur l’approvisionnement mondial.
L’abandon annoncé par la France et la Grande-Bretagne des véhicules à essence et diesel d’ici à 2040 et le virage de l’industrie automobile mondiale vers les véhicules électriques ont placé le cobalt au centre d’un débat complexe.
En effet, ce métal entre, avec le lithium, dans la composition des batteries lithium-ion des voitures électriques comme dans celles des smartphones.
Les projections de Transparency Market Research estiment ainsi que le marché mondial des batteries au lithium-ion devrait passer d’une valeur de 24 milliards d’euros en 2015 à 61 milliards à l’horizon 2024.
Cette progression s’expliquant essentiellement par la demande de l’industrie automobile.
Le cabinet de conseil Morgan Stanley estime ainsi que les véhicules électriques devraient représenter la moitié des ventes mondiales à l’horizon 2050.
66% de la production mondiale
Mais cette dépendance aux batteries au lithium-ion repose sur une faiblesse préoccupante.
Les géants de l’industrie mondiale tels qu’Apple, Samsung, Volkswagen ou Tesla sont dépendants des livraisons d’un pays africain plongé dans un profond marasme politique : la République démocratique du Congo (RDC), qui assure à elle seule les deux tiers de la production mondiale de cobalt, estimée à 148.000 tonnes en 2015 par la British Geological Survey.
L’autre particularité du cobalt est que les pays de production diffèrent souvent de ceux où ce métal est raffiné.
De ce point de vue, la Chine arrive largement en tête puisqu’avec plus de 48.000 tonnes par an, elle raffine à elle seule près de la moitié du cobalt disponible sur le marché mondial.
D’ailleurs la Chine est largement présente en RDC puisqu’elle raffine la plus grande partie du cobalt extrait dans ce pays.
RDC
3,400,000
Australie
1,000,000
Cuba
500,000
Philippines
290,000
Canada
270,000
Zambie
270,000
Russie
250,000
Madagascar
130,000
Chine
80,000
Nouvelle-Calédonie
64,000
Chart: DW Afrique Source: US Geological Survey
Dès lors, il y a un véritable danger pour l’industrie automobile, ou celle des téléphones portables, à dépendre ainsi de la RDC.
Dans un article publié par le site de vulgarisation scientifique The Conversation, Ben McLellan, chercheur à l’université de Kyoto au Japon, estime que l’industrie automobile « devrait se soucier du fait que l’approvisionnement d’un de ses minéraux essentiels (…) pourrait être trop centralisé dans un seul pays. »
Si la Chine demeure par ailleurs un Etat plus fiable du point de vue économique, la crise d’approvisionnement en terres rares, entre 2009 et 2012, a montré que Pékin pouvait avoir une utilisation politique de ses ressources minérales.
« Il y aura une pénurie d’approvisionnement en cobalt à l’avenir, lorsque le marché des véhicules électriques va se déployer », a prédit à Bloomberg Ivan Glassenberg, le PDG du géant minier Glencore.
Ainsi, en cinq ans, le prix de la tonne de cobalt a quasiment été multiplié par trois et la tendance reste à la hausse au London Metal Exchange, la bourse des métaux de Londres.
La RDC s’apprête d’ailleurs à réviser son code minier jugé trop favorable aux capitaux étrangers, pour que son économie profite aussi de l’envolée des cours du cobalt, notamment par l’intermédiaire de l’entreprise nationale Gecamines.
Travail d’enfants
Mais ce n’est pas le seul souci. Dans un rapport publié en novembre 2017, Amnesty International a dénoncé les conditions de travail effrayantes dans les mines de cobalt en RDC, où 20% de la production serait assurée par des exploitations artisanales.
Amnesty International a accusé des entreprises comme Volkswagen, Daimler, Microsoft et Renault de ne pas agir suffisamment – voire pas du tout – pour tracer l’origine du cobalt qu’ils intègrent dans leur production.
Un cinquième de la production de cobalt en RDC est extrait dans des mines artisanales
Un cinquième de la production de cobalt en RDC est extrait dans des mines artisanales
Volkswagen a annoncé en janvier sa décision de s’installer au Rwanda pour y bâtir une usine d’assemblage. L’intention du constructeur automobile allemand est également de se rapprocher des gisements de cobalt en République démocratique du Congo.
« 20% de la production totale de cobalt en RDC est réalisée à la main. Les mineurs extraient le cobalt avec des outils rudimentaires et sans protection », explique Lauren Amistead d’Amnesty International.