La Grande Guerre l’est aussi par les chiffres : 70 millions de soldats mobilisés, 10 millions de morts parmi les combattants, auquel il faut ajouter des millions de morts directes ou indirectes parmi les populations civiles.

Certains chiffres sont si élevés qu’il est difficile de se les représenter réellement. Lors de la journée la plus meurtrière du conflit pour l’armée française, en août 1914, 27.000 «poilus» sont morts pour leur pays, soit près de 19 chaque minute. C’est peut-être aussi cette difficulté à concevoir les chiffres de la Première Guerre mondiale qui les rendent pertinents pour mesurer toute l’ampleur de ce conflit mondial.
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Faute de sources fiables à l’époque des événements, les chiffres de la Première guerre mondiale sont souvent difficiles à établir avec certitude, et peuvent varier fortement selon les historiens. Nous avons retenu les chiffres aujourd’hui les plus communément admis, ou des fourchettes lorsque les écarts entre les estimations sont trop importants.
● Plus de 70 pays belligérants
Ce chiffre est quelque peu anachronique, la plupart de ces pays n’étant pas encore indépendants mais intégrés au sein des six empires ou puissances coloniales – Grande-Bretagne, France, Russie, Allemagne, Autriche-Hongrie, Empire ottoman – au centre du conflit.
En fait, seules une dizaine de nations indépendantes se retrouvent en guerre à l’été 14, les autres rejoignant le conflit progressivement, à l’instar de l’Italie en 1915 ou des États-Unis en 1917. Mais elles rassemblent plus de 800 millions d’habitants, la moitié de la population mondiale de l’époque. Une vingtaine de pays seulement demeureront neutres tout au long du conflit, pour l’essentiel en Amérique latine et en Europe du nord.
● 70 millions de soldats
Quelque 20 millions d’hommes sont mobilisés par les belligérants au début de la guerre en 1914, mais ce chiffre va croître régulièrement, pour arriver à un total de 70 millions sur l’ensemble du conflit.Ce contenu n’est pas accessible.Pour y accéder, cliquez ici
Sur la graphique, les pays de la Triple-Entente (France, Royaume-Uni, Russie) sont représentés en bleu. Les Etats-Unis sont entrés en guerre à leurs côtés en avril 1917. Avec la Révolution de 1917, la Russie a quitté la guerre après que les Bolcheviks ont signé avec les empires centraux le traité de Brest-Litovsk. Par ailleurs, les chiffres concernant les Français et les Britanniques incluent les deux millions de soldats qui seront recrutés au sein des colonies – surtout en Afrique (600.000 hommes) pour les premiers et en Inde pour les seconds. En rouge, les deux empires centraux, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, sont membres de la Triple-Alliance. L’Italie, qui en était le troisième membre avant la Guerre, a choisi de rester neutre au déclenchement du conflit, puis est entrée en guerre aux côtés de l’Entente dès 1915. L’Empire ottoman est quant à lui entré en guerre aux côtés des empires centraux au bout de quelques mois de guerre.
● 10 millions de combattants tués
Le conflit fera au total 10 millions de morts et 20 millions de blessés parmi les soldats.Ce contenu n’est pas accessible.Pour y accéder, cliquez ici
Il faut noter que, proportionnellement, la Serbiesubit les pertes les plus terribles: 130.000 morts et 135.000 blessés, les trois quarts de ses effectifs de cette petite armée.
Les batailles emblématiques de Verdunet de la Somme, en 1916, feront respectivement 770.000 et 1.200.000 victimes – morts, blessés et disparus – des deux côtés. Mais c’est le début de la guerre qui sera le plus meurtrier: 27.000 soldats français sont tués le 22 août 1914, journée la plus meurtrière de toute l’histoire de l’armée française.
70% des morts et blessés sont victimes de tirs d’artillerie. En France, terrain majeur du conflit, 3 millions d’hectaressont déclarés impropres à l’agriculture en raison de la présence dans le sol d’obus et de balles mais également de cadavres humains ou d’animaux. Victimes de l’artillerie, 5 à 6 millions resteront mutilés. Parmi eux, les «gueules cassées», touchées au visage, qui marqueront profondément la mémoire: on en compterait environ 300.000 en Europe, dont 15.000 en France. Les gaz de combat, utilisés pour la première fois en 1915, ne feront «que» 20.000 morts mais marqueront eux aussi profondément la mémoire.
● Des millions de victimes civiles
La guerre de mouvement à l’est, les exodes, les famines, puis la guerre civile en Russie et les conflits régionaux de l’après-guerre pourraient avoir fait 5 à 10 millions de morts parmi les populations, selon les estimations de certains historiens. Un chiffre qui inclut entre 1,2 et 1,5 million d’Arméniens (soit de la moitié aux deux tiers de la population arménienne, le chiffre étant disputé), victimes d’un génocide au sein de l’Empire ottoman. À la fin de la guerre, une pandémie mondiale de grippe dite «espagnole»fera encore des dizaines de millions de victimes en Europe.
● 16 traités de paix
Faisant suite à l’armistice du 11 novembre 1918, 16 traités de paix vont être signés de celui de Brest-Litovsk entre les Bolcheviks et les Empires centraux en mars 1918 à celui de Lausanne en juillet 1923 qui met fin à l’Empire ottoman. Le plus célèbre, côté français, est celui de Versailles, datant de juin 1919. Ses 440 articles règlent le sort de l’Allemagne, fixe les sanctions contre les États vaincus et annonce la création de la Société des Nations, ancêtre de l’ONU. L’ensemble de ces traités vont profondément redéfinir les frontières européennes.
ET AUSSI…
● 6 millions de prisonniers
● 20 millions de civils sous un régime d’occupation en 1915. Cette occupation, allemande, austro-hongroise ou bulgare, concerne pour l’essentiel la Belgique, la France, la Pologne et la Serbie.
● 10 millions de réfugiés dans toute l’Europe, dont 1,5 million de Russes blancs fuyant le bolchevisme.
● 3 millions de veuves et 6 millions d’orphelins.
● 1,3 milliard d’obus tirés durant le conflit.
● 10 milliards de lettres et colis entre les combattants du front ouest et leurs familles.
● Le coût de la guerre représente 3 à 4 fois le montant du PIB des pays européens, qui sortiront ruinés du conflit.
Par Alexis Feertchak et AFP/Le Figaro