Une agence du gouvernement britannique révèle que le nombre d’enquêtes ouvertes pour fraude augmente parallèlement aux sommes versées aux pays «fragiles », où la corruption est considérée comme une « norme culturelle ». Un article de notre partenaire, The Guardian.
Le nombre d’enquêtes pour fraudes impliquant l’aide aux pays en développement a été multiplié par quatre ces cinq dernières années, à mesure que l’aide versée à des pays « fragiles » augmente, selon le bureau du vérificateur national britannique (NAO).
Les réformes mises en place par David Cameron pour augmenter l’aide publique au développement et l’octroyer à des nations instables ont fait grimper le risque d’escroqueries, selon le NAO.
Dans un rapport publié le 8 février, l’agence explique qu’il est « particulièrement difficile » de détecter les cas de fraude dans plus de la moitié des dépenses du ministère du Développement international (DfID), parce que l’argent passe par d’autres organisations internationales, comme l’ONU, ou la Banque mondiale.
Problème « majeur et endémique »
Dans les organisations dépendant des Nations unies, la criminalité financière est probablement sous-estimée, et le problème pourrait être « majeur et endémique », selon l’agence britannique. Les spécialistes ont également souligné les difficultés auxquelles sont confrontés des représentants internationaux opérant dans des pays où les pots-de-vin sont considérés comme une « norme culturelle».
Sous le gouvernement de David Cameron, le Royaume-Uni s’est engagé à dépenser 0,7 % de son RNB à l’aide internationale. L’an dernier, cette somme s’élevait à 12 milliards de livres (14 milliards d’euros). Dans le cadre de son évaluation de sécurité et défense stratégique de 2015, le DfID a reçu l’ordre de dépenser au moins la moitié de son budget dans les « régions et États fragiles » jusqu’en 2020.
Une décision considérée comme un changement majeur dans la communauté de l’aide au développement, qui s’est inquiétée que le budget de l’aide soit utilisé à des fins de sécurité et de défense.
Dans leurs conclusions, les auditeurs de la NAO ne mâchent pas leurs mots, et estiment notamment que les réformes pourraient être à l’origine du risque accru de fraude lié au budget de 9,7 milliards de livres (11,4 milliards d’euros) du DfID. Entre 2010-2011 et 2015-2016, le nombre de cas répertoriés a ainsi quadruplé, passant à 429.
La plupart des nouveaux dossiers ouverts sont des allégations de « basse priorité ». Le nombre de cas graves est quant à lui stable, entre 20 et 25 incidents par an. La plupart des dossiers prioritaires concernent des faits en Afghanistan, en Somalie, en Syrie et en République démocratique du Congo.
Il y a en outre eu une intensification du nombre de cas enregistrés entre avril et décembre 2016. Pour la période 2015-2016, la fraude détectée a coûté 3,2 millions de livres (3,6 millions d’euros), soit 0,03 % du budget total.
Le NAO a cependant fait remarquer que l’augmentation du nombre d’enquêtes du DfID était également liée à une meilleure prise de conscience à ce sujet. Le département a cependant considérablement minimisé la manière dont ces fraudes sont exposées dans son rapport annuel et ses comptes publics.
Priti Patel, la secrétaire d’État au développement international, a par ailleurs déclaré que la hausse du nombre d’enquêtes coïncidait avec une approche plus rigoureuse vis-à-vis de la fraude ces trois dernières années.
« Le Royaume-Uni opère dans les pays les plus fragiles parce que ce sont les endroits où les citoyens les plus pauvres meurent de faim, des suites des sécheresses, ou de maladie. Ce sont les endroits où les conflits et les échecs économiques poussent à l’exode, et ce sont ces pays-là qui doivent se stabiliser et se sécuriser, dans l’intérêt national britannique », a-t-elle expliqué. « Nous nous attendons à ce que toutes les agences internationales aient la même
approche ‘zéro tolérance’ à l’égard des pratiques frauduleuses que nous si elles reçoivent de l’argent public. »
Les auteurs du rapport du NAO reconnaissent cependant que l’attribution de l’aide dans les pays en développement impliquait une confrontation à des sociétés où les pratiques frauduleuses sont la norme. « Le Royaume-Uni verse de l’aide à des pays qui fonctionnent selon des systèmes culturels et de valeurs économiques différents des nôtres », indiquent-ils.
Le ministère des Affaires étrangères a également connu une « augmentation considérable » du nombre de cas de fraude, avec 50 enquêtes l’an passé, soit deux fois plus qu’en 2011, par exemple. Les trois quarts de ces cas sont liés à des demandes de remboursement de frais excessifs.
« Dans certaines sociétés, il est considéré comme normal que des pots-de-vin soient payés aux fonctionnaires pour avoir accès à certains services, notamment la justice, où des relations familiales sont préférées à d’autres candidats à l’embauche et où les fonctionnaires gradés prélèvent une partie du salaire de leurs subalternes.
Source : EurActiv/The Guardian
Rajeev Syal