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Kigali : comment le Rwanda utilise son “lac tueur” pour produire un tiers de l’électricité consommée par le pays

La capacité de production du projet KivuWatt est de 25 MW soit un 1/6e de la capacité totale du pays.
La capacité de production du projet KivuWatt est de 25 MW soit un 1/6e de la capacité totale du pays. 

Au Rwanda, le lac Kivu, l’un des trois seuls “lacs tueurs” au monde, est utilisé par KivuWatt afin de produire de l’électricité, à hauteur de près de 30 % de la consommation annuelle du pays.

Quand en mai 2021, le volcan Nyiragongo a craché une énorme coulée de lave et secoué de sa colère toute la région du lac Kivu, les ingénieurs de KivuWatt ont dû, malgré “la peur”, garder leur sang-froid. Cette centrale, située au beau milieu d’un des grands lacs du Rift, entre Rwanda et République démocratique du Congo, fabrique de l’électricité à partir des immenses quantités de gaz piégées dans les profondeurs du lac Kivu, et qui font de lui une menace mortelle pour ses riverains.

Ne vous fiez pas à la beauté de ses collines vertes, plongeant par chapelets dans les eaux calmes et silencieuses : le Kivu est “un lac tueur”, plante d’emblée François Darchambeau, limnologue belge (scientifique spécialiste des lacs) et responsable environnemental de KivuWatt. La géologie particulière du lac, notamment sa profondeur et l’activité volcanique alentour, ont conduit depuis des milliers d’années à une accumulation gigantesque de méthane et de dioxyde de carbone sous sa surface.

“Le risque avec ce type de lac est d’avoir une sursaturation de gaz dans l’eau et que cela déclenche ce que nous appelons une éruption limnique”, détaille François Darchambeau (droite). ©AFP

“Le risque avec ce type de lac est d’avoir une sursaturation de gaz dans l’eau et que cela déclenche ce que nous appelons une éruption limnique”, poursuit l’expert, en faisant visiter à l’AFP la centrale. Autrement dit, “une énorme explosion de gaz, depuis les eaux profondes jusqu’à la surface”, ajoute-t-il, détaillant un scénario catastrophe et imprévisible fait de “vagues, de tsunamis” mais, surtout, d’un nuage toxique de CO₂.

Seuls trois “lacs tueurs” existent dans le monde: le Kivu et les lacs Nyos et Monoun, au nord-ouest du Cameroun, qui ont tous deux connu une éruption limnique dans les années 1980, tuant plus de 1 700 personnes dans cette région rurale.

Mais autour du lac Kivu, une région densément peuplée, vivent deux millions de personnes qui seront “en danger” en cas d’éruption limnique grave, note M. Darchambeau. Des deux côtés de la frontière, la crainte s’est ancrée chez ces riverains et nombre d’histoires populaires décrivent de mystérieuses disparitions de nageurs, asphyxiés ou aspirés par les eaux.

Transformer le danger en énergie

Le pari de KivuWatt a été de transformer cette menace diffuse en “opportunité”, en pompant ce gaz pour le transformer en électricité.

Pour accéder à cette centrale électrique unique au monde, il faut grimper dans un hors-bord, qui en une vingtaine de minutes amène à la plateforme off-shore, un enchevêtrement compact de bouées et de tuyaux, haut comme un immeuble de plusieurs étages. Dans un bruit assourdissant, on y pompe à environ 350 mètres sous la surface (la profondeur du lac atteint près de 500 mètres) une eau saturée en gaz. En remontant, eau et gaz se séparent en raison du changement de pression. “Comme lorsqu’on ouvre une bouteille de soda”, explique Priysham Nundah, directeur de KivuWatt, une installation, pointe-t-il, à “mi-chemin entre centrale thermique et renouvelable”.

D’un côté, le méthane est envoyé via un pipeline dans une deuxième installation située sur la rive, où il est transformé en électricité. Le CO₂ est quant à lui réinjecté dans le lac, à une profondeur calculée pour ne pas risquer de le déstabiliser. En retirant petit à petit le méthane, qui crée de la pression dans le lac – l’un des facteurs pouvant déclencher une éruption limnique-, KivuWatt participe aussi à réduire la menace.

Des extensions à venir ?

Mais en mai dernier, la peur d’une telle catastrophe s’est cependant réveillée lorsque le volcan Nyiragongo, situé au nord du lac, est entré en éruption – un autre facteur de risque. Une énorme coulée de lave a tué 32 personnes et calciné des centaines de maisons, puis des tremblements de terre ont secoué toute la région tandis qu’une deuxième coulée de lave se frayait un chemin dans les profondeurs de la terre, sous le lac.

De leur plateforme, les ingénieurs de KivuWatt ont pu voir le ciel se teinter de rouge autour de “la montagne”. “C’était très effrayant“, raconte Priysham Nundah, le directeur : “Lorsque le niveau et la fréquence des secousses ont commencé à monter (…) personne ne savait vraiment ce qui allait arriver.”©AFP

Face au danger, un arrêt a été envisagé mais n’a finalement pas eu lieu.

Il aurait été lourd de conséquences pour le Rwanda : KivuWatt, avec ses 26 mégawatts (MW) inaugurés en 2015, totalise 30 % de l’énergie consommée annuellement dans le pays, selon ses chiffres.

ContourGlobal, sa société-mère américaine qui opère des centrales électriques à travers le monde, a mis en pause une extension du site (à 100 MW) tandis qu’une autre entreprise travaille sur un projet de 56 MW. Aucune centrale n’est attendue à court terme côté congolais, selon les informations de l’AFP.

Le temps que mettront KivuWatt, ou d’autres, à épuiser cette immense réserve de gaz dépendra du rythme de l’extraction, soulignent les scientifiques, comme Martin Schmid, chercheur à l’Institut suisse de recherche sur l’eau et les milieux aquatiques (Eawag).

“Avec seulement KivuWatt cela prendra, disons, des siècles avant d’avoir une réelle réduction du méthane dans le lac”, estime ce fin connaisseur du Kivu et de ses périls.

Avec Lalibre.be

angelo Mobateli

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