Devise | Justice, Paix, Travail |
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Hymne | La Zaïroise |
Statut | République |
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Capitale | Kinshasa |
Langue(s) | français (lingala, kikongo[1], swahili, tshiluba : langues nationales) |
Monnaie | Zaïre |
Domaine internet | .zr |
Indicatif téléphonique | +243 |
Population (1996) | 46 498 539 hab. |
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Densité (1996) | 19,8 hab./km2 |
Superficie (1996) | 2 345 410 km2 |
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30 juin 1960 | Indépendance de la Belgique |
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24 novembre 1965 | Coup d’État |
27 octobre 1971 | Proclamation |
16 mai 1997 | Renversement |
- Le Zaïre, en forme longue la république du Zaïre, était le nom porté par l’actuelle république démocratique du Congo sous la Deuxième République, entre 1971 et 1997, période marquée par la prise de pouvoir de Joseph-Désiré Mobutu. Cet article concerne l’histoire du pays de 1960 à 1997.
Histoire
Contexte
République du Congo (1960-1964)
En 1960, le Congo belge accéda à l’indépendance sous le nom de république du Congo, mais l’ancienne colonie française, avec laquelle l’ex-Congo belge partageait une frontière à l’ouest, adopta également le nom de république du Congo (en fait officiellement « République congolaise »). Depuis cette période, ces deux États sont également restés souvent différenciés par les noms de leur capitales : Congo-Kinshasa (alors Congo-Léopoldville) pour l’ex-Congo belge et Congo-Brazzaville pour l’ex-Congo français.
Les rébellions et incertitudes quant au détenteur du pouvoir se succédèrent jusqu’en 1965, date à laquelle le lieutenant-général Joseph Mobutu, alors commandant en chef de l’armée, prit le contrôle du pays et s’autoproclama président pour 5 années. Il consolida rapidement son pouvoir et fut bientôt élu président à l’issue d’un scrutin sans opposition.
République démocratique du Congo (1964-1971)
Rétrospectivement, Mobutu justifia la coupure intervenue en 1965, par un bilan de la Première République établi en ces termes : « chaos, désordre, négligence, et incompétence ». Le rejet de la légitimité de la Première République allait au-delà des mots. Au cours des deux premières années de son existence, le nouveau régime mit ses priorités sur les tâches de reconstruction et de consolidation politique. Créer les nouvelles bases de la légitimité de l’État, en particulier sous un régime de parti unique, devint la priorité de Mobutu.
Afin de distinguer les deux États voisins du Congo, on ajouta en 1964 le terme « démocratique » à la dénomination de l’ancien Congo belge[2],[3] qui reste désormais connu sous le nom de république démocratique du Congo (RDC) (une désignation qu’il ne gardera que jusqu’en 1971 et qui ne sera reprise qu’en 1997).
Du Congo divisé au Zaïre unifié de 1971 et la nouvelle Constitution de 1974
Une autre priorité est de reconstruire les structures sociales et politiques du pays, processus qui débute en 1970, qui se continue avec le changement de nom du pays en 1971, et qui culmine avec l’adoption de la nouvelle constitution de 1974, la zaïrianisation forcée avec la centralisation et la concentration croissante du pouvoir dans les mains du « Père de la Nation ». En 1976, cependant, cette politique commença à montrer ses limites, à générer ses propres contradictions, et à préparer le retour d’un système bula matari (« celui qui brise les rochers ») fait de brutalités et de répressions, y compris contre les différentes ethnies que le régime avait, dans un premier temps, tenté de gommer en leur attribuant une nouvelle identité.
Mobutu, Père autoproclamé de la Nation
Depuis 1965, Mobutu Sese Seko a dominé la vie politique du Zaïre, restructurant l’État à diverses occasions, et se donnant le titre de « Père de la Nation ».
Mobutu est né dans la ville de Lisala à proximité du fleuve Congo, le 4 octobre 1930. Malgré ce lieu de naissance, Mobutu n’appartenait pas à l’ethnie majoritaire dans la région, mais aux Ngbandi, une tribu (appartenant au grand groupe ethnique Ngala) dont le territoire se trouve à proximité de la frontière avec l’actuelle République centrafricaine.
Mobutu se référait constamment à ses origines modestes et à la renommée de son oncle, un guerrier et astrologue du village de Gbadolite. Né sous le nom de Joseph-Désiré Mobutu, il a zaïrianisé son nom en Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa za Banga, ce qui, selon certains, signifie « grand guerrier conquérant, qui va de triomphe en triomphe »[réf. nécessaire].
Quand, sous l’ère de l’authenticité début des années 1970, les Zaïrois durent adopter des noms « authentiques », Mobutu reprit le nom de son grand-oncle Mobutu Sese Seko Nkuku Ngbendu wa za Banga, ou plus communément Mobutu Sese Seko (zaïrianisation, radicalisation, et rétrocession).
Mobutu, qui passe quatre années à l’école primaire de Léopoldville, prend sept années pour atteindre le diplôme d’enseignement secondaire, fréquentant différentes écoles. Il a de fréquents conflits avec les missionnaires catholiques des écoles qu’il fréquenta. Il en est définitivement renvoyé en 1950 à l’âge de 19 ans. Il fut alors intégré pour sept années dans la Force publique.
Le service militaire est crucial dans la carrière de Mobutu. Contrairement à d’autres militaires, il maîtrisait très bien le français, ce qui lui valut rapidement un emploi de bureau. En novembre 1950, il fut envoyé à l’école pour officiers congolais, où il fit la connaissance de nombre des militaires qui devaient assurer le contrôle de l’armée après le départ des officiers belges à l’indépendance. Vers la fin de son enrôlement, en 1956, Mobutu avait acquis le grade de sergent-major, le plus haut rang accessible aux congolais. Il avait par ailleurs commencé à publier dans des journaux sous un pseudonyme.
Mobutu retourne à la vie civile alors que la possibilité d’une décolonisation se faisait jour. Ses articles de journal attirèrent l’attention de Pierre Davister, éditeur belge du journal L’Avenir. À cette époque, être parrainé par un Européen était une belle opportunité pour un Congolais ambitieux. Sous la tutelle de Davister, Mobutu devint un éditorialiste reconnu pour un nouvel hebdomadaire africain, Actualités Africaines. Davister rendit également plus tard service à Mobutu en donnant un écho favorable au régime de ce dernier via son propre magazine belge, Spécial.
Mobutu acquit une visibilité parmi l’élite africaine émergente à Léopoldville. Seule une barrière lui restait fermée pour l’obtention d’un statut dans la société coloniale : la reconnaissance complète en tant qu’évolué dépendait de l’approbation des autorités catholiques. Celles-ci lui refusant cette reconnaissance, il la rejettera par la suite.
Au cours des années 1959-60, les jeunes Congolais politiquement ambitieux s’affairaient à monter des réseaux et des alliances. La résidence de Mobutu en Belgique lui épargna nombre des difficultés auxquelles d’autres étaient confrontés, qui se contentaient de relations locales et ethniques. Mais cette approche ne lui aurait été d’aucun secours, les Ngbandi étant une tribu des plus minoritaires et parmi les Ngala, d’autres tels Bolikango étaient des opposants potentiels de poids. Mobutu emprunta une autre route, la diplomatie belge, les renseignements et les intérêts financiers locaux et internationaux recherchant des relais parmi les étudiants congolais de Bruxelles.
Mobutu croisa par ailleurs la route de Patrice Lumumba, lorsqu’il arriva à Bruxelles. Il s’allia à Lumumba, qui partageait notamment son anticléricalisme, à l’époque de la scission du Mouvement National Congolais (MNC) et des divergences d’avec Albert Kalonji. Au début 1960, Mobutu fut nommé à la tête du bureau du MNC-Lumumba à Bruxelles. Il assista à la Table ronde tenue à Bruxelles en janvier 1960, et retourna au Congo seulement 3 semaines avant la date du 30 juin prévue pour la proclamation de l’indépendance. Quand l’armée se mutina contre les officiers belges, la nomination de Mobutu était un choix logique pour combler le vide. Lumumba nomma commandant en chef un membre de sa propre ethnie, Victor Lundula, mais Mobutu était le choix privilégié de Lumumba, et il ne tarda pas à prendre une place importante dans l’armée.
Au cours de la période cruciale de juillet-août 1960, Mobutu construisit « son » armée nationale en liant des alliances extérieures avec les unités qui lui étaient acquises, en exilant les autres unités en des régions reculées, et en absorbant ou dissolvant les unités rivales. Il s’assura de la loyauté des individus en contrôlant leurs promotions et leurs rémunérations. Lundula, âgé et moins alerte, ne s’opposa que peu aux plans de Mobutu.
Après la démission de Lumumba par le Président Kasa-Vubu le 5 septembre, puis la tentative de Lumumba de bloquer cette démission par le Parlement, Mobutu prit les rênes pour la première fois le 14 septembre. Sous sa seule autorité (mais avec l’aide des États-Unis), il installa un gouvernement intérimaire, appelé « Collège des commissionnaires », composé essentiellement de diplômés et d’étudiants universitaires, et qui remplaça le Parlement pendant 6 mois en 1960 et 1961.
Au cours des quatre années suivantes se succédèrent des gouvernements civils faibles, le pouvoir réel s’exerçant en coulisse par le « groupe de Binza », un groupe de partisans mobutistes fortunés, dénommé d’après le quartier de Ngaliema où la majorité d’entre eux résidaient.
Quand en 1965, comme en 1960, les tensions se firent jours entre le président et le premier ministre et menèrent à l’instabilité du pays, Mobutu s’empara du pouvoir (de nouveau avec l’aide des États-Unis). Contrairement à la première fois cependant, Mobutu prit le pouvoir au-devant de la scène.
Reconstruction politique
Mobutu Sese Seko dans les années 1970, affichant ses symboles de la toque en peau de léopard, la canne et lunettes.
De 1965 à 1967, l’État de Mobutu s’attache à renforcer sa légitimité en démantelant graduellement les institutions de la première république et en même temps en accroissant la centralisation du contrôle du pouvoir autour du président. Bien que le parlement continuât à se réunir occasionnellement, ses prérogatives furent sensiblement réduites, les décisions exécutives étant généralement dorénavant prises par ordonnances-lois présidentielles. Tous les partis politiques furent dissous et les activités politiques interdites, Mobutu ayant promis que « pendant 5 années, il n’y aurait pas d’activité des partis politiques ». En 1966, les 21 petites provinces furent rassemblées en douze, puis huit et la capitale, et furent renommées régions en 1972. Elles furent transformées en de simples entités administratives directement responsables devant le gouvernement central, et leurs assemblées étaient plus consultatives que législatives. Après la suppression de la fonction de Premier Ministre en octobre 1966, le président détenait le quasi-monopole du pouvoir exécutif, et contrôlait les pouvoirs législatif et judiciaire.
Nombre de sympathisants de l’opposition tshombiste des années 1960 furent rapidement incorporés au système étatique à travers diverses opérations de patronage. Avec la même célérité, une justice sommaire put disposer des plus farouches opposants au régime. Le 30 mai 1966, quatre personnages-clef de la première république, dont l’ex-Premier Ministre désigné Évariste Kimba, furent accusés de complot envers l’État, jugés en une parodie de procès et pendus publiquement à Kinshasa. Les menaces contre le régime persistèrent cependant. Des poches d’insurrection existaient encore, notamment au Kivu (dont le maquis de Laurent-Désiré Kabila à Fizi) et au Haut-Zaïre (province Orientale). Des mois s’écoulèrent avant que ces foyers de dissidence puissent être contrôlés
Pendant ce temps, des rumeurs faisaient état d’un retour prochain de Tshombe, l’ancien homme fort de l’État du Katanga, exilé en Espagne. Ces rumeurs s’accentuèrent en juillet 1966 lorsque certains des anciens gendarmes katangais, aidés de mercenaires, se mutinèrent et prirent Kisangani (anciennement Stanleyville). Deux mois plus tard, ceux-ci furent repoussés après une intervention du mercenaire français Bob Denard. En juillet 1967, une autre importante mutinerie éclata à Kisangani, déclenchée par la nouvelle que l’avion de Tshombe survolant la mer Méditerranée avait été détourné vers Alger, où Tshombe était désormais détenu prisonnier. Alors que les rebelles étaient boutés de Kisangani par les forces de l’ANC, ils prirent Bukavu, à proximité de la frontière avec le Rwanda, qu’ils gardèrent pendant trois mois. Ils tentèrent des attaques infructueuses contre l’ANC, mais en novembre, ils passèrent la frontière rwandaise où ils se rendirent aux autorités locales. La campagne brillante et inattendue de l’ANC donna au régime une aura et une légitimité nouvelle. Le temps était venu pour de nouveau changements.
Déjà en janvier 1966, une étape majeure de la consolidation du régime fut effectuée avec la création du Corps des Volontaires de la République (CVR), une organisation dont les membres furent essentiellement recrutés parmi les étudiants de l’Union Générale des Étudiants Congolais (UGEC). Nombre des idées produites par le CVR provenaient d’un groupe d’étudiants radicaux promouvant les thèmes de nationalisme, d’indépendance économique, et de socialisation. Plus qu’un parti, le CVR était essentiellement un mouvement destiné à mobiliser la population derrière Mobutu, « notre deuxième héros national » (après Lumumba). Les succès variables du CVR comme agent de mobilisation populaire et politique, reflétant en partie les excès des étudiants impliqués, incitèrent Mobutu à lancer un mouvement plus large et plus fédérateur, par lequel, selon les mots de Mobutu, « serait animé par le Chef de l’État lui-même, et dont le CVR ne serait pas l’embryon ».
Quête de légitimité et mise en place du nationalisme zaïrois par le MPR
En 1967, Mobutu avait consolidé son pouvoir et œuvra pour donner au pays une nouvelle constitution qui validerait son système de parti unique. La nouvelle constitution fut soumise à un référendum populaire en juin 1967, et fut approuvée par 98 % des votants. Elle donnait un pouvoir accru au Gouvernement central et au président, qui devenait chef de l’état, de la police et de l’armée, et chargé des affaires étrangères. Le président approuvait ou démissionnait les ministres et leurs membres de cabinet, et fixait leurs attributions. Les ministres étaient chargés de la stricte exécution des ordres et programmes du président. Le président approuvait ou démissionnait également les gouverneurs de province, ainsi que tous les juges, y compris ceux de la Cour suprême.
Le parlement bicaméral fut remplacé par une assemblée unique, dénommée « Assemblée nationale ». Le président de la République avait le pouvoir de légiférer quant aux dispositions non prévues par les lois, sans préjudice de la Constitution. Sous certaines conditions, le président pouvait gouverner par des arrêtés présidentiels, qui prévalaient sur les lois.
Mais le plus important changement fut celui de la création du Mouvement populaire de la Révolution (MPR) le 17 avril 1967, marquant l’émergence d’une « nation politiquement organisée ». Plutôt que d’être un parti considéré comme une émanation de l’État, c’est l’État qui fut désormais considéré comme l’émanation du parti. Dès lors, en octobre 1967, les responsabilités des partis et de l’administration furent mises en commun en une structure unique, assurant l’emprise du parti à tous les niveaux de pouvoir, y compris dans les provinces et jusqu’aux syndicats de travailleurs, mouvements de jeunesse et organisations étudiantes. En peu de temps, le parti était devenu l’instrument exclusif et légitime de la vie politique du pays. Comme le déclara l’un de ses dirigeants, « le MPR doit être considéré comme une église, et son fondateur, le Messie ».
La fondation doctrinale suivit de peu la fondation du parti, et prit la forme du Manifeste de la Nsele (du nom de la résidence campagnarde de Mobutu à Kinshasa à Nsele, à six kilomètres de Kinshasa) publié en mai 1967. Le nationalisme, la révolution et l’authenticité y furent identifiés comme thèmes majeurs de ce qui serait bientôt qualifié de « mobutisme ». Le nationalisme impliquait la mise en place d’une politique d’indépendance économique.
Les descriptions de la révolution comme « une révolution nationale, essentiellement pragmatique, » c’est-à-dire « répudiant et le capitalisme et le communisme. » et « ni de droite, ni de gauche », devinrent rapidement des slogans légitimant le régime, en même temps que l’ « authenticité ». Le concept d’authenticité fut dérivé de la doctrine professée par le MPR d’un « authentique nationalisme zaïrois et une condamnation du régionalisme et du tribalisme ». Mobutu la définissait comme « être conscient de sa propre personnalité et de sa propre valeur ».
L’authenticité donna à Mobutu sa principale originalité philosophique. N’impliquant pas le rejet de la modernité, l’authenticité devait être vue comme un effort pour réconcilier les aspirations des traditions culturelles zaïroises avec les exigences de la modernisation. La façon d’arriver à cette synthèse ne fut cependant pas explicitée. Ce qui ne faisait pas de doute en revanche, c’est que l’usage de ce concept d’authenticité était envisagé par Mobutu comme un moyen d’asseoir son autorité. Comme il le proclamait lui-même, « en nos traditions africaines, il n’y a jamais de place pour plusieurs chefs… Ce pourquoi nous, les Congolais, désirons nous conformer aux traditions du continent, et avons décidé de joindre l’énergie des citoyens de notre pays sous la bannière d’un seul parti national. »
Les détracteurs furent prompts à dénoncer les raccourcis et les explications douteuses pour la légitimation du régime, en particulier les prétendues qualités inhérentes du parti et de son fondateur. Cependant, le centre de formation idéologique du MPR, l’Institut Makanda Kabobi, endossa sa tâche de formation et de propagande à travers le territoire, et propagea « les enseignements du Président-fondateur qui doivent être donnés et interprétés de la même façon à travers tout le pays ». Les membres du Bureau Politique du MPR furent ainsi sensibilisés à leur responsabilité de « garants du Mobutisme ».
À côté des mérites ou des défauts du mobutisme, le MPR forgea sa légitimité à partir des partis populaires qui firent leur apparition dès la fin des années 1950 à travers l’Afrique, un modèle qui fut aussi une source d’inspiration pour le MNC-Lumumba. C’était un héritage lumumbiste que le MPR essaya de s’approprier en son effort pour mobiliser la population « zaïroise » derrière le Président-fondateur. Étroitement liée avec la doctrine mobutiste, c’est la conception d’un parti unique qui devait régenter tous les secteurs d’activité de la nation.
Expansion autoritaire et centralisation du pouvoir
Traduire le concept « d’une nation politiquement organisée » dans la réalité impliquait une expansion du contrôle de l’État sur la société civile. Cela commençait par l’incorporation de la jeunesse et des travailleurs dans des organisations contrôlées par le MPR.
En juillet 1967, le Bureau politique annonça la création de la Jeunesse du Mouvement populaire de la révolution (JMPR), un mois après le lancement de l’Union nationale des travailleurs zaïrois (UNTZA), qui mit ensemble sous une seule organisation trois syndicats de travailleurs pré-existants. Le but était, selon les termes du Manifeste de la Nsele, de transformer le rôle des syndicats de travailleurs de « force de confrontation » en « un organe de support à la politique gouvernementale », devenant ainsi « un lien de communication entre les classes populaires et l’État ». De la même façon, la JMPR devait opérer un lien majeur entre les étudiants et l’État. En réalité, le gouvernement tentait de mettre sous sa coupe les secteurs les plus susceptibles de voir émerger une opposition au régime. En soumettant les dirigeants des travailleurs et de la jeunesse au Bureau politique du MPR, le régime espérait enrôler les forces syndicales et les étudiants dans la machinerie de l’État. Cependant, il fut remarqué par de nombreux observateurs qu’il n’y avait pas de preuves que la cooptation ait réussi à mobiliser un enthousiasme pour le régime au-delà d’un niveau superficiel.
Mobutu fut attentif à supprimer toute institution qui aurait pu favoriser les affinités ethniques. Résolument opposé à une mobilisation politique sur base de l’origine ethnique des personnes, il interdit nombre d’associations telles que l’Association des Lulua Frères, qui existait au Kasaï depuis 1953 en réaction à l’influence dans la région de l’ethnie rivale des Lubas, et Liboke lya Bangala (littéralement « paquet de Bangalas »), une association formée dans les années 1950 pour représenter les intérêts des locuteurs Lingala dans les grandes villes. Ceci permettait notamment d’éclipser l’origine ethnique de Mobutu lui-même. Les tensions ethniques réapparurent cependant à mesure que l’insatisfaction des congolais grandissait.
En parallèle avec les efforts visant à neutraliser toute source de pouvoir incontrôlée, d’importantes réformes administratives furent mises en place en 1967 et 1973 pour accroître l’emprise du pouvoir central sur les provinces. L’objectif principal de la réforme de 1967 fut l’abolition des gouvernements provinciaux, en les remplaçant par des fonctionnaires contrôlés par Kinshasa. Le principe de la centralisation fut ensuite étendu aux districts et aux territoires, avec un fonctionnaire dépendant de Kinshasa à leur tête. Les seules entités administratives qui ne tombèrent pas sous la coupe du gouvernement central furent les « collectivités », les « chefferies » et les « secteurs » (comprenant plusieurs chefferies).
L’État unitaire et centralisé ressemblait de plus en plus à celui mis en place sous le Congo belge, excepté le fait qu’en 1972 les provinces prirent le nom de régions.
La poursuite du contrôle des secteurs-clé sociaux continua. Les associations de femmes furent mises sous contrôle du parti, de même que la presse, et en décembre 1971 Mobutu commença à amputer la puissance des Églises ; trois d’entre elles étaient reconnues à l’époque : l’Église du Christ au Zaïre (alors Église du Christ au Congo mais rebaptisée plus tard lorsque le pays changera de nom), l’Église kimbanguiste et l’Église catholique romaine.
Entre 1966 et 1971, de nombreux lieux furent aussi rebaptisés. Quelques-uns de ces changements de dénomination parmi les plus importants sont :
- Léopoldville devint Kinshasa
- Stanleyville devint Kisangani
- Elisabethville devint Lubumbashi
- Jadotville devint Likasi
- Albertville devint Kalemie
- Luluabourg devint Kananga
La nouvelle République du Zaïre
Pour suivre cette voie et toujours en quête de légitimation (sous couvert d’authenticité) de la centralisation du régime (sous le couvert d’une uniformisation), le nom du pays fut changé en « république du Zaïre » en octobre 1971, et celui des forces armées en « Forces armées zaïroises » (FAZ). Cette décision était curieuse, dans la mesure où le nom « Congo », qui se référait à la fois au fleuve Congo et à l’ancien Kongo, était lui-même fondamentalement « authentique » et pré-colonial, alors que « Zaire » est un nom portugais adapté maladroitement d’un mot africain, « Nzadi » signifiant « fleuve » (ou de l’expression « Nzadi o Nzere », « la rivière qui engloutit toutes les autres rivières », autre désignation générique du fleuve Congo).
En 1972, le général Mobutu devient Mobutu Sese Seko et obligea tous les citoyens à adopter des noms africains en lieu et place de noms européens ou chrétiens. Les standards d’habillement occidentaux furent aussi abandonnés au profit de l’abacost, par souci d’authenticité.
La nouvelle monnaie : le zaïre
Avant que le pays change de nom, une nouvelle monnaie avait été introduite en 1967, baptisée zaïre et destinée à remplacer le franc congolais post-colonial en tant que monnaie nationale.
- 100 likutas (en lingala, le singulier est likuta, le pluriel est makuta) valaient 1 zaïre.
- Le likuta était lui-même divisé en 100 sengis. Cette subdivision était cependant de peu de valeur, la plus petite pièce ayant eu une valeur de 10 sengis.
En définitive, il n’était pas rare de voir exprimées les valeurs monétaires avec trois zéros après la décimale, même après les importantes dévaluations intervenues plus tard.
Les grands travaux, autres symboles du nouveau régimeM
C’est aussi l’époque des grands travaux et du rapprochement avec la république populaire de Chine, qui viendra édifier dans le pays le stade des Martyrs, le palais du Peuple et le pont Matadi. Le stade Tata Raphaël accueillera en 1974 l’un des matchs de boxe les plus mythiques, opposant Mohamed Ali à George Foreman. Les palais de Marbre et de Gbadolite datent également de cette époque.
C’est aussi celle de divers « éléphants blancs », dont le barrage d’Inga et la sidérurgie de Maluku, et même un programme spatial. Le réacteur nucléaire de Kinshasa fut géré par les Congolais seuls à partir de 1987.
La zaïrianisation forcée du régime
Article détaillé : Zaïrianisation.
Cette période est aussi celle d’une « zaïrianisation » forcée de tous les anciens symboles non seulement de l’ancienne colonisation (les villes rebaptisées en noms africains, ainsi qu’un certain nombre d’institutions publiques et privées), mais les noms d’identité sont aussi changés de force, et le régime tente de gommer les différences ethniques en leur attribuant une identité commune mais entièrement nouvelle. Pourtant certaines pratiques issues de l’ancien État colonial seront remises en vigueur progressivement, leur changement de nom servant surtout d’alibi africanisé pour masquer leur réalité dans un régime fortement autoritaire et de plus en plus autocratique.
La nationalisation des universités de Kinshasa et de Kisangani, alliée avec l’insistance de Mobutu de supprimer les noms chrétiens et d’installer des sections de la Jeunesse du MPR dans tous les séminaires, amenèrent rapidement des tensions avec l’Église catholique romaine. Celles-ci continuèrent jusqu’en 1975, date à laquelle, à la suite de pressions du Vatican, le régime cessa ses attaques contre l’Église qui récupéra certaines de ses prérogatives en matière d’enseignement. Cependant, conformément à la loi de décembre 1973, qui autorisait l’État à dissoudre « toute église ou secte troublant ou susceptible de troubler l’ordre public», des organisations non autorisées furent démantelées et leurs dirigeants jetés en prison.
Avec la réforme de juin 1973, une étape supplémentaire fut franchie dans la direction d’une centralisation accrue. Le but en était de réaliser une fusion complète entre les structures administratives et politiques en faisant de chaque responsable politique le chef de la section correspondante du parti. Une autre conséquence fut que la réforme entrava sérieusement la puissance des autorités traditionnelles au niveau local. Les autorités traditionnelles héréditaires n’étant désormais plus reconnues, l’autorité échoyait aux seules autorités mises en place par Kinshasa et contrôlée par voie hiérarchique. Dès lors, le processus de centralisation avait formellement éradiqué toute forme d’autonomie locale préexistante.
L’analogie avec l’État colonial devint encore plus flagrante si l’on s’intéresse à l’introduction du « service civil obligatoire » en 1973 (connu aussi sous le nom du terme lingala de « salongo »), et qui prenait la forme d’une après-midi par semaine pour des travaux d’intérêt général, généralement en agriculture ou en projets de développement. Officiellement présenté comme une tentative révolutionnaire de recouvrer les valeurs du communalisme et de la solidarité inhérentes aux sociétés traditionnelles, le Salongo avait pour objectif de mobiliser la population pour des travaux collectif d’intérêt général, « avec enthousiasme et sans contrainte ». Mais le Salongo était de fait un labeur forcé. Le manque d’enthousiasme de la population à l’égard du salongo mena à de vives résistances et un manque de motivation dans son exécution, ce qui amena de nombreux administrateurs locaux à chercher d’autres moyens de remplir leur objectifs. Le fait de ne pas accomplir les prestations obligatoires pouvait occasionner de un à six mois de prison vers la fin des années 1970, et bien peu de zaïrois s’opposèrent au salongo. En recréant un des aspects les plus détestés du régime colonial, le service civil obligatoire ne contribua nullement à endiguer l’érosion de la légitimité du pouvoir en place.
Cependant, une paix et une stabilité relatives prévalurent jusqu’en 1978, lorsque des rebelles katangais, basés en Angola, lancèrent une série d’attaques pour envahir le Shaba (Katanga). Ils furent évincés avec l’aide de paras commandos, belges et français, qui furent largués sur Kolwezi.
Au cours des années 1980, le Zaïre demeura un État contrôlé par un parti unique. Bien que Mobutu gardât le contrôle de la situation au cours de cette période, des partis d’opposition étaient actifs, dont le plus connu était l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Les tentatives de Mobutu pour contrer ces partis lui attirèrent de nombreuses critiques.
Affaiblissement du pouvoir personnel et instauration du multipartisme
Avec la fin de la Guerre froide, les pressions intérieures et extérieures contre Mobutu s’accrurent. Entre fin 1989 et le début 1990, Mobutu se trouva affaibli par diverses contestations internes, des critiques grandissantes de la communauté internationale contre son régime et ses violations des droits de l’homme, son économie en déroute et la corruption de son gouvernement, et l’assujettissement du budget national aux fins personnelles de Mobutu
En mai 1990, Mobutu marqua son accord au multipartisme et au partage d’un pouvoir issu d’élections libre et à la promulgation d’une constitution. Alors que le processus commençait à s’enliser, des militaires déclenchèrent des pillages à Kinshasa en septembre 1991 pour protester contre le non-paiement de leurs soldes. 2 000 militaires belges et français furent envoyés, dont certains amenés par des avions américains, pour évacuer les 20 000 étrangers menacés à Kinshasa.
En 1992, après plusieurs tentatives infructueuses, la Conférence nationale souveraine tant attendue fut finalement mise en place, comprenant quelque 2 000 représentants répartis dans près de 200 partis politiques le plus souvent basés sur une origine ethnique. La Conférence se donna un mandat législatif, élisant l’archevêque Laurent Monsengwo comme président de l’Assemblée, et Étienne Tshisekedi wa Mulumba, dirigeant de l’UDPS, Premier ministre. Les députés de cette conférence n’hésitent alors pas à critiquer ouvertement Mobutu, sa gestion économique catastrophique, son culte personnel. À la fin de l’année, Mobutu avait créé un gouvernement rival avec ses propres ministres et Premier ministre.
Retour aux conflits inter-ethniques et extension des conflits de pays voisins
Dès 1991, Mobutu commençait à soutenir Nguz et Kyungu. Un gouvernement de compromis fut finalement mis en place en 1994, intégrant des personnes des deux tendances sous le nom de Haut Conseil de la République-Parlement de Transition (HCR-PT). Mobutu en était le chef de l’État et Kengo Wa Dondo Premier ministre. Bien que des élections présidentielle et législatives aient été prévues pour deux années plus tard, elles n’eurent jamais lieu.
En 1996, les tensions avec l’État voisin du Rwanda s’accentuèrent, avec le déplacement des affrontements sur le territoire du Zaïre (voir Histoire du Rwanda). Les milices Hutu rwandaises (Interahamwe), qui avaient fui au Zaïre à l’arrivée du gouvernement Tutsi, utilisaient les camps de réfugiés établis dans le Zaïre oriental comme base arrière pour des incursions au Rwanda. Ces milices Hutues se coalisèrent rapidement avec les Forces armées zaïroises (FAZ) pour lancer des attaques contre les Tutsis zaïrois. Ceux-ci ne tardèrent pas à s’organiser pour contrer ces attaques. Quand le gouvernement zaïrois commença à être impliqué dans des massacres en novembre 1996, les milices Tutsies entrèrent en rébellion ouverte contre Mobutu.
La milice Tutsi fut rapidement rejointe par divers groupes d’opposition, et soutenue par plusieurs pays, dont notoirement le Rwanda et l’Ouganda. Cette coalition, dirigée par Laurent-Désiré Kabila, prit le nom d’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL). L’AFDL, dont l’ambition affichée désormais était la prise du pouvoir du pays, prit rapidement la direction de l’ouest, rencontrant peu de résistance, les premiers succès étant acquis début 1997. Des négociations intervinrent en mai 1997 entre Kabila et Mobutu, sous l’égide de Nelson Mandela, qui ne permirent pas à Mobutu de se maintenir au pouvoir. L’AFDL entra à Kinshasa le 17 mai. Kabila s’autoproclama président de la République, transforma l’AFDL de force militaire en organe de gestion du pouvoir et rendit au pays son nom de « République démocratique du Congo ».
Avec Wikipédia