
« Pour la Russie, le 9 mai est une fête nationale, un rendez-vous militaire important et il est à peu près sûr que, pour le président Poutine, le 9 mai doit être un jour de victoire ». Ces propos sont ceux du président français, Emmanuel Macron. C’était début avril, sur les antennes de la radio RTL France. Le chef de l’Etat français mettait alors l’accent sur cette date historique et symbolique pour la Russie qui, cette année, prend une dimension très particulière. Pourquoi le 9 mai 2022 est dans toutes les têtes ? Pourquoi cette journée « doit être une victoire » pour le président russe Vladimir Poutine ? Que faut-il attendre comme actes ou comme discours ? Voici les clés pour comprendre les enjeux et les points d’interrogation qui subsistent.Publicitéabout:blank
Pourquoi le 9 mai est « le jour de la Victoire » ?
Le 9 mai 1945, à 1h01 du matin exactement (heure de Moscou), à la demande de Staline, un acte de capitulation de l’Allemagne nazie est signé à Berlin devant le maréchal Gueorgui Joukov, qui représente alors le Haut Commandement soviétique. Une victoire des alliés de l’époque rendue possible notamment par l’entrée de l’Armée rouge dans la capitale du troisième Reich. Pour l’Union soviétique, cette date marque la fin de ce qu’on appelle là-bas la « Grande guerre patriotique ». Cela fait référence spécifiquement à la guerre menée contre l’Allemagne nazie entre 1941 et 1945, suite à l’invasion de l’URSS par les troupes du troisième Reich.

Des soldats soviétiques posent devant la porte de Brandebourg à Berlin, sous l’œil d’un caméraman américain, en mai 1945, au moment de la fin de la guerre.
Pourquoi est-ce une date aussi symbolique en Russie ?
En Union soviétique et puis en Russie, cette date est devenue un évènement érigé comme moment clé pour exprimer son amour à la patrie. Dans le pays, ce « jour de la Victoire » est férié depuis 1965, quand Léonid Brejnev, alors fraîchement secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique, a pris cette décision pour marquer les 20 ans de la fin de la seconde guerre mondiale.
Nous étions alors au cœur de la « guerre froide » et cette journée devenait une vraie vitrine pour l’URSS. Le 9 mai 1965, l’Union soviétique a organisé le premier défilé militaire du « jour de la Victoire », tout en grandeur, au cœur de Moscou, pour susciter le patriotisme et surtout exposer au monde son arsenal de l’époque, dont ses missiles nucléaires. Avec déjà une volonté de bomber le torse pour montrer à l’ennemi de l’époque, les Etats-Unis et leurs alliés, l’ampleur de la « force soviétique ». C’est ce qu’évoque cet article du journal officiel de l’URSS « les Izvestia » évoquant ce défilé de 1965 et cité par Libération 40 ans plus tard : « Devant les tribunes passent les terribles missiles de nos sous-marins océaniques. Ces fusées sont équipées d’ogives nucléaires qui, lancées sous l’eau, peuvent frapper des cibles éloignées de plusieurs milliers de kilomètres ».

Des soldats russes devant un monument évoquant 1945 à Moscou, au moment des commémorations des 60 ans de la fin de la Deuxième Guerre mondiale en mai 2005. 2005
Pourquoi le 9 mai en Russie et le 8 mai chez nous ?
Cette victoire des alliés sur l’Allemane nazie n’est pas commémorée le même jour partout. Elle n’est pas non plus synonyme de jour férié de la même façon dans tous les pays qui faisaient partie de cette alliance. En Belgique, par exemple, comme en France, la fin officielle de la Deuxième guerre mondiale est bien le 8 mai 1945. Car, en réalité, le document qui acte cette victoire a été signé à 23h01 précisément le 8 mai, au lendemain de la capitulation de l’Allemagne nazie. Mais, si on tient compte du décalage horaire, vu de Moscou, il était déjà 1h01 du matin le 9 mai quand le document a été officiellement signé. Voilà pourquoi ce décalage existe.
En Belgique, le 8 mai était considéré comme un jour férié jusqu’en 1983. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. « Il faut rappeler que la Belgique a été libérée en septembre 1944. Ce moment de la Libération a sans doute davantage marqué les esprits chez nous » expliquait Catherine Lanneau, professeure d’histoire à l’ULiège, il y a un an, au micro de Rudy Hermans. Dans notre pays, la date du 11 novembre, qui marque la signature de l’Armistice de la Première guerre mondiale en 1918, reste, lui, un jour férié et les cérémonies d’hommage et de souvenirs sont plus importantes ce jour-là.

Les préparatifs de la journée du 9 mai 2022 à Moscou (Russie).
Que va-t-il se passer ce 9 mai 2022, sur fond de guerre en Ukraine ?
Des défilés en Russie
Depuis plusieurs jours, des images nous parviennent régulièrement de Russie pour nous montrer la préparation du défilé militaire qui aura lieu au cœur de Moscou. Des images de jour ou de nuit montrant des militaires qui défilent au pas sur la place Rouge, drapeaux russes et drapeau commémoratifs rouge à la main. Les véhicules militaires qui participent à ces répétitions arborent sur leur flanc le ruban de Saint-Georges, aux rayures orange et noire. Ce symbole de la victoire de l’Armée soviétique sur l’Allemagne nazie est devenu aussi cette année un symbole de soutien à ce qu’on appelle à Moscou, « l’opération militaire spéciale » en cours en Ukraine. En clair : cela montre dans quel camp on se trouve, d’autant plus quand ce ruban est plié de façon telle qu’il forme la lettre « Z » identique à celle qu’on retrouve sur les véhicules de l’armée russe en Urkaine.
Par Eric Destine (RTBF.be)