La plate-forme « CongoPositif », dont Aurore Muongo est la cofondatrice, organisera une semaine culturelle sur le thème « À travers nos yeux », du 14 au 22 juillet, à l’espace Bilembo à Kinshasa, afin de célébrer la culture congolaise sous toutes ses formes. Pour plus d’informations sur l’activité, ses objectifs, ses initiateurs et ses acteurs, lisez cette interview de Aurore Muongo, cofondatrice de la plate-forme CongoPositif au Courrier de Kinshasa.
Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : En quoi consistent les activités de CongoPositif et pourquoi avoir créé cette plate-forme
Aurore Muongo (A.M.) : CongoPositif a été créé en 2015 afin de pouvoir véhiculer une meilleure image du Congo sur les réseaux sociaux. En 2018, CongoPositif est une communauté de plus de quatre mille personnes qui partagent de près ou de loin un amour pour le Congo et qui contribuent à augmenter sa visibilité. Nous repostons chaque jour les photos que des utilisateurs accompagnent de l’hashtag #congopositif afin de créer un canal regroupant des photos prises au Congo Brazzaville et au Congo Kinshasa et de se constituer en tant que véritable vitrine de la beauté et du potentiel de ces deux pays. Notre principal objectif est de se réapproprier l’image de notre pays, trop souvent mal représentée dans les médias. Nous avons donc choisi de ne pas procurer de photos à nos followers mais plutôt de leur laisser la possibilité de montrer le Congo sous leur propre perspective en utilisant notre hashtag.
L.C.K. : Quel est l’objectif de la semaine culturelle « À travers nos yeux » que vous organisez en juillet à Kinshasa ? Quelle sera sa particularité et quelles sont vos attentes par rapport à cet événement ?
A.M. : Nous organisons la semaine culturelle dans le but de rassembler les jeunes autour de la culture afin qu’ils puissent se reconnaître dans celle-ci, vu qu’il s’agit d’un événement organisé par les jeunes pour les jeunes. Que ça soit à travers notre exposition-photo ou l’une de nos activités, nous souhaitons honorer tous ceux qui partagent notre vision du Congo et rallier à notre cause tous ceux qui ne voient pas encore l’immense potentiel de notre pays. Notre particularité est justement celle de faire un événement pour les jeunes par les jeunes. Grâce à cette semaine culturelle, nous espérons que plus de personnes voient le Congo tel que nous le voyons. J’ai moi-même grandi à Kinshasa et j’ai été marquée par le fait que nous parlons souvent des problèmes et très peu du potentiel social, économique et culturel de la RDC. Aujourd’hui, avec CongoPositif, nous voulons placer ce potentiel au centre des conversations et faire en sorte, via nos activités, de donner des pistes aux jeunes pour qu’ils se focalisent à accomplir leurs objectifs et qu’ils se motivent eux-mêmes à faire ainsi.
L.C.K. : Quelles sont les activités prévues et quelle est leur pertinence par rapport à l’objectif de votre plate-forme ?
A.M. : Nous avons six activités qui se dérouleront du 14 au 20 juillet à l’Espace culturel Texaf-Bilembo. Le 14 juillet, se déroulera une pièce de théâtre jouée par les comédiens du Tarmac des auteurs et dont l’histoire tourne autour de l’immigration clandestine. Le 15 juillet, nous organiserons une activité pour les enfants de 8 à 12 ans dans laquelle nous laisserons place à la créativité débordante des plus petits en bricolant une maquette du Congo du futur. Le 17 juillet, nous aurons la chance de recevoir trois entrepreneurs, à savoir Laetita Kandolo d’Uchawi, Laurent Noterman de Jambo et Alain Yav de Pygma lors de notre conférence sur le thème de la contribution des jeunes dans le développement du Congo. Le 18 juillet, nous tiendrons un atelier en association avec l’organisation « Sœur, Lève-toi » au cours duquel nous aborderons le sujet de la digitalisation dans le contexte africain. Le19, nous nous allierons avec l’équipe du Kukula group pour organiser l’un de leur fameux « Motivation Day ». Enfin, le 20 juillet, nous clôturerons la semaine culturelle dans une ambiance musicale et humoristique en faisant découvrir à notre audience des talents locaux lors de notre Open Mic. Tout au long de la semaine, le public pourra visiter notre exposition-photo sur le travail de six jeunes photographes talentueux qui, eux aussi, montrent un Congo loin des clichés auxquels nous sommes habitués.Toutes nos activités sont liées à des objectifs qui nous tiennent à cœur et, en général, ont comme but de montrer un Congo dynamique et, surtout, positif.
L.C.K. : Trois ans après le lancement de CongoPositif, quel est son bilan ? Combien de vidéos avez-vous réalisées, de photos partagées et leur impact sur l’image du pays ?
A.M. : Après trois ans, notre mission ne peut s’évaluer au nombre de vidéos ni de photos publiées mais plutôt au nombre de personnes qui ont pu redécouvrir le Congo sous un autre jour. Que ce soit de la part des Congolais eux-mêmes ou de celle des étrangers, nous recevons de nombreuses réactions de personnes qui s’émerveillent de la beauté de notre Congo et qui, grâce à nos photos, décident de visiter de plus en plus le pays ou de venir le découvrir pour la première fois. En quittant la RDC, j’ai rencontré un bon nombre de personnes qui n’ont aucune idée de ce à quoi ressemble ce pays. D’autres pensent encore que nous vivons aux côtés des lions… Toutes ces rencontres renforcent notre motivation de dépeindre le Congo différemment, loin des clichés d’une Afrique qui meurt ou de celle où on ne fait que danser. Utiliser notre hashtag, c’est contribuer à la nécessité qu’il y a de montrer la diversité de nos pays dans lesquels existent de nombreux narratifs différents : nous voulons montrer la vie telle qu’elle est vécue par les gens. Nous savons que nous ne montrons pas la souffrance mais c’est tout simplement parce que nous estimons qu’elle est assez exposée au monde à travers les médias et qu’il y a un réel besoin de faire connaître d’autres sortes de réalités.
L.C.K. : Vous revendiquez une communauté de trois mille sept cents personnes. Où sont-elles principalement situées, au Congo ou en Belgique ? Par ailleurs, quel est leur apport en dehors du partage des photos ?
A.M. : Nos followers se situent principalement en RDC. En deuxième position vient la France, en troisième les États-Unis et ensuite seulement la Belgique, suivie du Congo Brazzaville. Nous utilisons le terme communauté, parce que nous ne sommes rien sans nos followers. Nous créons ensemble l’image du Congo et nous comptons aussi inclure le plus de monde dans nos vidéos et activités à venir pour éviter qu’il y ait un monopole d’informations. La beauté des réseaux sociaux est la mise en commun de nombreuses personnes venant de partout dans le monde et qui s’engagent à défendre des idéaux, à lever leur voix ou – comme nous et beaucoup d’autres (@congotravel, @visiterlafrique, @dakarlives, etc) – à se réapproprier l’image de nos pays et de notre continent.
L.C.K. : Comment la jeunesse congolaise doit-elle se réapproprier l’image du pays ? Quels sont les éléments positifs à mettre en avant, en dehors de la beauté des paysages ?
A.M. : La beauté des paysages a déjà toute son importance ! Comme mentionné plus haut, nous recevons beaucoup de messages de personnes d’horizons différents (certains sont au pays, d’autres l’ont quitté depuis plus d’une vingtaine d’années) qui nous disent à quel point il manque de représentation du Congo et comment ils se retrouvent dans nos photos, qu’elles soient prises à Katana, au Kwilu ou à Kinshasa. Le monde visuel dans lequel on vit aujourd’hui, la possibilité de voir des sites touristiques, des activités ou en général de voir tous les coins et recoins des deux Congo a encouragé plus d’un à partir explorer nos pays afin de voir de leurs propres yeux toutes les merveilles qui se trouvent sur notre page. CongoPositif est sans but lucratif mais lorsque nous recevons des messages de gens qui ont décidé de visiter un endroit, parce qu’ils l’ont vu sur notre page, nous considérons cela comme bien plus qu’une rémunération. Au-delà des paysages, nous pensons qu’il y a un réel besoin de partager les histoires de ceux que nous n’avons pas l’habitude d’entendre. Nous considérons que le « positif », c’est de pouvoir innover, réussir, s’améliorer… persévérer dans l’adversité. Il n’y a aucun pays sur terre qui ne connaît pas de difficultés. Dans nos pays, la difficulté est bien plus élevée que dans d’autres mais il y a des milliers d’individus qui se battent tous les jours à leur niveau pour améliorer l’environnement dans lequel ils vivent. Nous voulons partager leurs histoires. Étant donné que nous avons grandi dans la technologie et que nous sommes portés par l’envie de changer les mentalités, nous les jeunes (les digital natives) sommes les plus à même à accomplir cette mission.
L.C.K. : Quels sont les projets de CongoPositif
A.M. : Nous espérons être capables d’organiser une seconde édition de la semaine culturelle, si possible. Nous lançons très prochainement notre activité sur YouTube et nous continuons à faire grandir notre communauté sur Instagram. Pour le reste, Dieu seul sait…
Patrick Ndungidi