Six mois de prison ferme ont été requis jeudi au procès Bygmalion contre l’ancien président français Nicolas Sarkozy, poursuivi pour « financement illégal de campagne électorale ».
Une peine d’un an de prison dont six mois avec sursis et 3 750 euros d’amende ont été requis, jeudi 17 juin 2021, à l’encontre de Nicolas Sarkozy, jugé devant le tribunal correctionnel de Paris pour les dépenses excessives de sa campagne présidentielle de 2012.
À la fin d’un réquisitoire à deux voix, les procureurs ont souligné la « totale désinvolture » de l’ex-chef de l’État dans la gestion des finances d’une campagne « en or massif », qui a coûté près du double du plafond autorisé. Nicolas Sarkozy, absent à l’audience, est jugé depuis le 20 mai au côté de 13 autres prévenus.
Des peines allant de dix-huit mois à quatre ans de prison avec sursis ont par ailleurs été requis à l’encontre des 13 autres prévenus jugés au côté de l’ancien chef de l’État.
« Nicolas Sarkozy ne regrette visiblement rien puisqu’il n’est venu qu’à une seule audience », a soutenu la procureure Vanessa Perrée en dénonçant « la totale désinvolture » de l’ancien président.
« Ce comportement de ne pas se considérer comme un justiciable comme un autre, comme un citoyen parmi les citoyens, est à l’avenant de ce qu’il a été lors de cette campagne présidentielle, se situant hors de la mêlée », a-t-elle poursuivi d’un ton vif.
« Cette désinvolture vis-à-vis (des autres prévenus) et du tribunal est à l’image de la désinvolture dans sa campagne », a -t-elle insisté.
En mars, Nicolas Sarkozy était devenu le premier ex-président de la Ve République à être condamné à de la prison ferme (trois ans dont un ferme), pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite « des écoutes ».
« Il y a 14 prévenus et presque autant de versions »
La campagne de Nicolas Sarkozy a été marquée par une « improvisation et une impréparation totale » a dit Vanessa Perrée lors de son réquisitoire. La procureure a aussi ironisé sur ces « professionnels de la politique » qui ignoraient tout du coût de meetings électoraux.
« Nicolas Sarkozy a dit : ‘Qui peut oser dire que ma campagne a dérapé ? C’est une farce !’ Mais c’est une farce de nous faire croire que ces personnes là ne surveillaient rien. C’est une farce que de les voir se retrancher derrière leur absence de compétence », s’est-elle indignée.
« Il y a 14 prévenus et presque autant de versions. Ces multiples versions et leur impossible combinaison montre qu’il y a nécessairement des mensonges », a affirmé de son côté le procureur Nicolas Baïetto.
Malgré les notes d’alerte sur le risque de dépassement du coût de la campagne, dès le 7 mars 2012, « Nicolas Sarkozy veut un meeting par jour » et dès lors « vogue la galère », a ironisé le procureur.
Pour eux, la culpabilité des ex-dirigeants de Bygmalion, qui organisait les meetings, et de sa filiale chargée de l’événementiel Event & Cie et des ex-cadres de l’UMP ne fait « aucun doute ».
Tout au long des débats, les anciens cadres de l’UMP – devenue Les Républicains – et de Bygmalion, le directeur de campagne, les experts-comptables, ont tous cherché à minimiser leur rôle, voire à le nier.
Seuls 4 des 14 prévenus (3 ex-cadres de Bygmalion et l’ancien directeur de campagne adjoint du président-candidat, Jérôme Lavrilleux), ont reconnu partiellement leur responsabilité dans la mise en place d’un système de fausses factures imaginé pour masquer l’explosion des dépenses de campagne du président candidat à sa réélection.
Trois ans de prison avec sursis requis contre Jérôme Lavrilleux
Les procureurs ont demandé trois ans de prison avec sursis et 50 000 euros d’amende pour Jérôme Lavrilleux. Contre les trois ex-cadres de Bygmalion qui ont admis avoir accepté la mise en place du système de fausses factures, dix-huit mois de prison avec sursis ont été requis.
La peine la plus lourde (4 ans d’emprisonnement avec sursis) a été requise à l’encontre d’Éric Cesari, ex-directeur général de l’UMP, et de Guillaume Lambert, qui était le directeur de la campagne en 2012.
Révélé deux ans après la défaite de Nicolas Sarkozy, le scandale avait entraîné des déflagrations en série à droite.
L’enquête a révélé que le prix réel des 44 meetings organisés par l’agence événementielle Bygmalion avait été drastiquement réduit – 80 % des factures ont disparu – et le reste réglé par l’UMP au nom de conventions fictives du parti.
L’enquête « n’a pas établi » que Nicolas Sarkozy l’aurait « ordonné », qu’il y aurait « participé », ni même qu’il en aurait été informé, selon l’accusation. Par contre, il en a « incontestablement » bénéficié, disposant ainsi de « moyens bien supérieurs à ceux que la loi autorisait ». Le plafond légal a été dépassé de 22 millions d’euros.
Une thèse vigoureusement contestée par le chef de l’État pendant ses quatre heures d’interrogatoire.
Il n’y a eu « aucun emballement » de la campagne, qui ressemblait « comme une sœur » à celle de 2007, voire à celle de son opposant au second tour, François Hollande, a martelé à la barre l’ancien président. Comment la campagne de 2012 aurait-elle alors pu « coûter le double », a-t-il scandé. « Invraisemblable ! »
L’ancien patron de l’UMP Jean-François Copé, entendu comme simple témoin dans le procès, a fustigé jeudi sur France Inter la « stratégie de défense intenable » de Nicolas Sarkozy et son incapacité à « assumer » ses actes.
France 24 (Avec AFP)