La République démocratique du Congo (RDC) enregistre chaque année, une fraude fiscale et des détournements des fonds évalués entre 10 milliards et 15 milliards de dollars américains. Un montant de loin supérieur au budget de l’Etat qui est en deçà de 8 milliards USD. Cet état de choses ne peut en aucun cas faciliter le décollage socio-économique du pays. Et pour faire face à ce fléau, des solutions durables doivent être prises. Et cela à tous les secteurs et à tous les niveaux.
Pour éradiquer ce fléau qui continue à gangrener la société congolaise, le gouvernement doit impérativement renforcer les mécanismes de lutte contre la fraude, enracinée depuis des décennies. Au cas contraire, le pays continuera à crier « au voleur » sans pouvoir résoudre le mal.
« La corruption est devenue endémique. Il faut l’arrêter et poursuivre ce qui a été fait avant mais autrement aujourd’hui », a affirmé en son temps Luzolo Bambi Lessa, alors conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement de terrorisme. Cet éminent professeur de droit est d’avis que dans cette gangrène, la victime expiatoire de cette corruption, c’est la population.
Par rapport au financement du terrorisme et au blanchiment des capitaux, Luzolo Bambi explique que « le danger du terrorisme aujourd’hui et l’expression du blanchiment des capitaux se traduit en termes d’infrastructures et d’immeubles à travers la ville ». Tout ce que nous dénonçons, déplore-t-il, aboutit à la paupérisation de la population.
Luzolo Bambi Lessa
Luzolo Bambi, les spécialistes sont d’avis que « tout congolais a le pouvoir de dénoncer les infractions, corruption et autres. Tout congolais peut déposer plainte ».
Le ver est dans le fruit
Un rapport de Global Witness publié en 2013 renseigne qu’en RDC, près de 15 millions d’hectares de forêt sont actuellement consacrés à l’exploitation forestière industrielle, soit six fois la superficie du Rwanda. Les partisans de l’exploitation industrielle des forêts en RDC affirment souvent que cette activité pourrait permettre à l’État congolais de dégager les recettes fiscales dont il a tant besoin.
Un document publié par la Banque mondiale en 2002 prévoyait que « les recettes fiscales (de l’exploitation des forêts)… pourraient atteindre entre 60 millions USD et 360 millions USD par an ».
Cependant, des documents officiels dont Global Witness a pu prendre connaissance font apparaître un manque à gagner pour le Trésor public congolais de plus de 11 millions USD dans la perception de la redevance de superficie, la principale taxe à laquelle le secteur de l’exploitation forestière est assujetti, pour les exercices 2011 et 2012.
En 2012, les redevances de superficie perçues par le Trésor représentaient seulement 10 % du montant qui aurait dû être collecté si les taxes avaient été payées dans leur intégralité.
Pour Global Witness, ce manque à gagner est en partie « dû à un arrangement entre le secteur forestier et des fonctionnaires du ministère de l’Environnement, Conservation de la nature et Tourisme (MECNT) qui pourrait coûter au Trésor jusqu’à 3 millions USD par an. Pour reprendre les termes de l’Observateur indépendant des forêts en RDC, dont la fonction est financée par l’UE, cette pratique « n’a pas d’assise juridique ».
Des spécialistes sont d’avis que l’évasion fiscale pratiquée de manière routinière et les arrangements fiscaux illégaux soulignent le peu de bénéfices économiques que retire la RDC de l’exploitation industrielle de ses forêts. Non seulement les précieuses ressources naturelles de la RDC sont en train de s’appauvrir, soulignent-ils, mais cette perte ne parvient pas à générer ne serait-ce que le minimum de revenus prescrit par la loi.
Signalons que dans le domaine forestier, pendant la crise financière mondiale, les compagnies forestières ont été dispensées de s’acquitter de la redevance de superficie pour 2009 et ont reçu une exemption de 50 % pour 2010. Mais même sans ces ristournes, les exploitants forestiers de la RDC sont déjà assujettis à une redevance de superficie le plus bas de toute l’Afrique centrale, soit 0,50 US $ par hectare. Au Cameroun, en République centrafricaine, au Gabon et en République du Congo, les taux se situent en effet entre 1 USD et 4 USD par hectare. Les éléments de preuve dont dispose Global Witness indiquent combien la RDC est lésée par son activité d’exploitation forestière industrielle.
Main dans la main
« Les exigences légales génèrent le strict minimum en termes de revenus pour la perte des précieuses ressources naturelles de la RDC. Mais même ces exigences sont considérées comme trop lourdes par un secteur forestier adepte d’évasion fiscale et d’accords fiscaux illégaux », indiquent les experts de Global Witness.
Somme toute, pour mieux éradiquer l’évasion fiscale et la corruption de manière générale, l’Etat doit mieux structurer et équiper les services habiletés à lutter contre la corruption. Seuls les slogans et autres fantasmes ne suffisent pas pour dissuader les ennemis de la République qui ne prennent plaisir qu’à voir l’Etat s’écrouler, notamment par manque de ressources nécessaires pouvant lui permettre de couvrir ses charges.
La lutte contre la corruption est un combat qui doit être mené par tous, étant donné que les racines sur lesquelles elle est assise sont suffisamment enfoncées sur le sol.
Par OKM/Congo-press.com (MCP)