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D’anciens ennemis jurés à « cousins germains » : comment l’Allemagne et la France peuvent faire avancer l’Europe ensemble

Linn Sell et Yves Bertoncini, présidente et président du Mouvement Européen en Allemagne et en France.

Face à la pandémie, les solutions doivent être paneuropéennes. Outre des plans de relance et de sauvetage, il faudra notamment doter l’UE d’un budget à long terme généreux et lever au plus vite les frontières au sein de l’espace européen.

Yves Bertoncini et Linn Sell sont respectivement président et présidente du Mouvement Européen en France et en Allemagne

Nous célébrons deux anniversaires importants et étroitement liés : aujourd’hui, le 8 mai, le 75e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale – qui fut d’abord une guerre européenne, et même franco-allemande ; et demain, le 9 mai, cela fera 70 ans que Robert Schuman a fait sa célèbre déclaration sur la création d’une Communauté européenne du charbon et de l’acier dont le but était de rendre la guerre entre l’Allemagne et la France « non seulement impensable mais matériellement impossible ».

Bien que l’Allemagne et la France jouissent de relations pacifiques depuis 75 ans, la rhétorique guerrière entourant l’endiguement de la pandémie du coronavirus s’est considérablement accrue. Les mesures de protection prises par les pays européens au début de la pandémie semblent également avoir été largement incontrôlées, dès lors que les États européens ne se sont tournés que vers eux-mêmes, « fermant » unilatéralement leurs frontières et accumulant du matériel de protection, même si les restrictions nationales sur le marché intérieur ont heureusement été levées. Les trajets entre l’Allemagne et la France sont encore beaucoup plus illustratifs d’une frontière que d’un point de passage. Nous sommes tristes de célébrer le 25e anniversaire de l’accord de Schengen – l’une des plus grandes réalisations de l’Europe, grâce à une initiative franco-allemande – derrière des lignes frontalières.

La crise du Coronavirus nous rappelle avant tout une chose : une pandémie internationale a besoin de solutions paneuropéennes. Il est bon que les dirigeants des 27 États membres de l’UE se soient mis d’accord sur un plan de sauvetage et une feuille de route pour la relance, même si certains gouvernements ont exprimé leurs divergences de vues de manière beaucoup trop vocale lors des négociations qui ont précédé.

Cependant, une grande partie du travail reste à faire :

– Nous devons arrêter l’érosion de l’espace Schengen : nous appelons les gouvernements français et allemand à travailler en étroite collaboration avec leurs partenaires européens pour assouplir leurs mesures de protection et abolir les contrôles systématiques aux frontières dès que possible.

– Nous avons besoin d’investissements pour une reprise équitable : cela nécessite un cadre financier pluriannuel (CFP) de l’UE porté à plus de 1 % du RNB, qui soit plus étroitement adapté aux futures tâches de l’UE. Le fonds de reconstruction proposé devrait faire partie intégrante de ce CFP, afin que le contrôle démocratique des investissements par le Parlement européen reste garanti.

– Nous devons faire en sorte que la zone euro soit adaptée aux nouveaux défis : le récent arrêt de la Cour constitutionnelle allemande indique clairement qu’une union monétaire telle que la zone euro ne peut pas laisser les progrès de l’intégration financière à la seule BCE. Nous encourageons donc les gouvernements de nos pays à poursuivre le débat sur les réformes de la zone euro dans le sens d’une plus grande solidarité européenne, combinée avec une plus grande responsabilité nationale.

– En temps de crise, nous n’avons pas besoin de moins de démocratie, mais de plus : si les gouvernements nationaux attaquent les valeurs communes de l’UE sous couvert de mesures de protection, il ne faut pas nous laisser abattre. À cette fin, l’UE-27 doit appliquer de manière cohérente le mécanisme de l’État de droit prévu à l’article 7 du traité UE et soutenir la proposition de la Commission visant à lier les paiements du budget de l’UE au respect des normes démocratiques. Nous avons également besoin d’un nouvel instrument pour surveiller la situation en matière de démocratie, d’État de droit et de droits de l’homme dans les États membres.

– Nous devons enfin donner forme au débat sur l’avenir de l’Europe : même le plus grand plan de sauvetage n’empêchera pas la prochaine crise si nous ne saisissons pas l’occasion des erreurs des dernières semaines pour débattre de la solidarité et de la démocratie dans l’UE et des projets les plus importants de l’Union pour l’avenir. La Conférence sur l’avenir de l’Europe aurait dû commencer le 9 mai et lancer un processus de discussion de deux ans entre les acteurs nationaux et européens issus du monde politique et de la société civile. Même si la pandémie a maintenant reporté le début de cette Conférence, un ample débat sur l’avenir de l’UE doit avoir lieu peu après la fin de l’interdiction des contacts et des déplacements. Dans la perspective de la présidence allemande du Conseil de l’UE qui débutera en juillet et de la présidence française deux ans plus tard, les gouvernements de nos deux pays sont particulièrement appelés à donner l’impulsion nécessaire à un dialogue ouvert et honnête sur l’Europe.

Comprendre la position de l’autre et résister aux stéréotypes simplistes exige beaucoup d’efforts et de dialogue des deux côtés du Rhin : c’est d’ailleurs l’une des composantes essentielles du « moteur franco-allemand ». Nous aimerions que nos gouvernements se traitent mutuellement de manière plus adulte – de la même manière que des cousins ou des « cousins germains » se traiteraient mutuellement. Nous sommes étroitement liés, mais même au sein d’une famille, il est normal que les intérêts et les sensibilités soient différents. Il peut y avoir des disputes, mais quand les choses se compliquent, nous devons nous serrer les coudes, comme dans toutes les familles.

Sur de nombreuses questions, telles que la politique de l’armement, les migrations, la gouvernance de la zone euro ou le budget de l’UE, beaucoup de pathos s’exprime et aggrave le fait qu’il n’y a pas d’accord franco-allemand spontané. Cela ne fait que retarder les processus de décision et ne contribue guère à renforcer la confiance mutuelle.

Souhaitons que la gestion de la pandémie donne l’impulsion nécessaire pour renforcer l’Union européenne en tant que communauté. Développer des solutions communes avec empathie et respect mutuel, au lieu de voir la racine du problème dans l’autre : tel est le cœur de la Déclaration Schuman, qui doit demeurer une précieuse boussole pour nos deux pays dans les années et décennies à venir.

Par Sandra MoroMoro/EurActiv

Oscar BISIMWA

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