Le nouveau procureur général de la Cour pénale internationale Karim Khan, le 9 septembre 2013 à La Haye.
L’avocat britannique Karim Khan a été investi, jeudi 16 juin 2021, nouveau procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), avec la promesse de « faire revivre » la juridiction après une série d’acquittements retentissants.
M. Khan, qui hérite d’une pile de dossiers concernant des enquêtes épineuses, notamment dans les territoires palestiniens, en Afghanistan et aux Philippines, a déploré que la CPI, basée à La Haye, ait prononcé « si peu » de condamnations.
Le Britannique est devenu le troisième procureur général de la juridiction, créée en 2002 pour juger les pires atrocités dans le monde. Élu pour neuf ans, le procureur général est chargé d’ouvrir des enquêtes et de porter les accusations contre les suspects. M. Khan, 51 ans, a pris le relais de la Gambienne Fatou Bensouda, arrivée au terme de son mandat, saluée pour avoir élargi l’étendue du travail de la CPI mais qui a également essuyé plusieurs revers cuisants, comme l’acquittement de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo.
M. Khan a déclaré vouloir « construire sur le terrain solide » laissé par Mme Bensouda, « mais aussi réparer ce qui est cassé, dynamiser, revitaliser dans la quête d’une plus grande efficacité et d’un plus grand impact ». « Nous ne pouvons pas investir autant, nous ne pouvons pas susciter autant d’attentes et obtenir si peu, si souvent en salle d’audience », a-t-il affirmé après sa prestation de serment.
Spécialiste des droits humains, M. Khan avait été élu en février à New York par les États parties au Statut de Rome, texte fondateur de la CPI. Il occupait auparavant le poste de sous-secrétaire général des Nations unies, où il a été chargé de diriger l’enquête spéciale de l’ONU sur les crimes du groupe jihadiste État islamique. Il est également intervenu du côté de la défense dans de nombreux procès devant la CPI, notamment pour Seif al-Islam, un fils de l’ex-dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.
Relations difficiles avec Israël et les USA
Des dossiers complexes attendent le successeur de Fatou Bensouda, notamment des demandes d’autorisation d’enquête en Ukraine, au Nigeria et sur la guerre antidrogue aux Philippines. Mais les dossiers les plus sensibles politiquement dont il aura la responsabilité se concentrent sur le conflit israélo-palestinien et des crimes de guerre présumés commis par des soldats américains en Afghanistan. L’administration du président américain Donald Trump avait imposé des sanctions à l’encontre de Mme Bensouda à cause de ces deux affaires. Ces sanctions ont depuis été levées, mais les relations avec les États non membres de la CPI comme Israël et les États-Unis restent difficiles.
M. Khan a tendu la main aux pays non membres, dont font également partie la Russie, la Chine et la Birmanie, souhaitant les inclure dans son « engagement dans cette quête commune de justice ». Il a cependant averti qu’il accomplirait son travail « sans crainte ni faveur ». Au XXIe siècle, à l’heure du tourisme dans l’espace et des voyages vers Mars, des « crimes médiévaux » sont encore commis, « un terrible témoignage des horreurs de l’humanité », a-t-il dénoncé.
Phase cruciale
Depuis sa création, diverses critiques ont été faites à la CPI et à son fonctionnement : partialité présumée, tendance à se focaliser sur des enquêtes en Afrique, salaires élevés des juges, durée des procès. « La CPI est dans une phase cruciale », critiquée pour ne pas avoir été « aussi efficace que les États parties le souhaitaient », estime Carsten Stahn, professeur de droit pénal international à l’Université de Leyde aux Pays-Bas.
Mme Bensouda laisse derrière elle un bilan mitigé. Sous son mandat, Laurent Gbagbo a été acquitté de crimes de guerre en Côte d’Ivoire, l’ancien président congolais Jean-Pierre Bemba a été acquitté en appel, et les poursuites contre le président kényan Uhuru Kenyatta ont été abandonnées. Mais elle a également enregistré des succès notables, comme la condamnation de Dominic Ongwen, enfant-soldat ougandais devenu un commandant de la brutale rébellion de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), ainsi que la condamnation de l’ex-chef de guerre congolais Bosco Ntaganda.
Dans sa déclaration d’adieu, Mme Bensouda a assuré que tout au long de son mandat, elle avait pris ses décisions « avec soin, mais sans crainte ni faveur. Même face à l’adversité. Même à un coût personnel considérable ».
Avec AFP