Si la chute a été moins forte que redouté en Afrique subsaharienne l’an passé, le rebond sera moindre qu’espéré en 2021, selon la Banque mondiale. Qui pointe les pays dépendants des aléas du pétrole et ceux où persiste le risque d’une aggravation de la pandémie.
L’économie mondiale devrait progresser de 4 % en 2021, après une récession de 4,3% en 2020, prévoit la Banque mondiale (BM) dans sesPerspectives économiques mondiales. Ce pronostic suppose que le déploiement actuel des vaccins contre la Covid-19 débouche sur des campagnes massives de vaccination tout au long de l’année.
Tout retard des autorités politiques serait préjudiciable. La BM prévoit une reprise de 2,2% cette année en région MENA (contre -2,1%) et de 2,7% en Afrique subsaharienne, après une contraction de 3,7%, d’après les premières estimations, en 2020.
« Pour surmonter les effets de la pandémie et affronter les vents contraires à l’investissement, nous devons donner une impulsion décisive aux efforts visant à améliorer l’environnement des affaires, accroître la flexibilité du marché du travail et des produits et renforcer la transparence et la gouvernance »,considère David Malpass.
Pendant encore de longs mois, l’activité économique risque d’être ralentie et les revenus considérablement réduits. Pour soutenir la reprise, les autorités doivent, en plus des mesures de santé, favoriser un cycle d’investissements porteur d’une croissance durable et moins tributaire de la dette publique.
« Alors que l’économie mondiale semble s’orienter vers une reprise timide, les décideurs sont confrontés à des défis redoutables pour faire en sorte que cette dynamique toujours fragile se confirme et jette les bases d’une croissance solide », confirme David Malpass, président de la Banque mondiale. Qui cite pêle-mêle « la santé publique, de la gestion de l’endettement, des politiques budgétaires, de l’action des banques centrales ou des réformes structurelles ».
Concernant 2020, la récession moyenne est moins sévère qu’attendu, du fait d’une contraction moindre dans les économies avancées et d’un redémarrage plus solide en Chine. À l’inverse, l’activité a été durement perturbée, davantage qu’escompté, dans la plupart des marchés émergents et des économies en développement.
Après une contraction estimée à 3,6 % en 2020, le PIB américain devrait rebondir à 3,5 % en 2021. La zone euro devrait afficher une croissance de 3,6 % en 2021, après un repli de 7,4 % en 2020. De son côté, l’économie chinoise devrait bondir de 7,9 % en 2021, après une croissance de 2% en 2020.
Éviter une décennie de déceptions
« La pandémie a fortement exacerbé les risques d’endettement dans les marchés émergents et les économies en développement, sachant qu’une croissance atone risque d’alourdir encore le fardeau de la dette et d’éroder la capacité des pays emprunteurs à en assurer le remboursement, souligne Ayhan Kose, vice-président par intérim de la Banque mondiale. Qui avertit : « Les pays en développement n’ont pas les moyens d’assumer une nouvelle décennie perdue. »
La BM redoute qu’à l’instar des graves crises du passé, cette pandémie ne pénalise durablement l’activité économique mondiale, entraînant sous-investissement et sous-emploi. Et d’inviter les responsables politiques à des réformes globales pour renforcer les leviers indispensables à l’avènement d’une croissance équitable et durable. Il s’agit d’éviter une « décennie de performances décevantes », en abandonnant progressivement les politiques de soutien au revenu, au profit de mesures de consolidation de la croissance.
Sur le plan financier, la BM souligne que les banques centrales de plusieurs marchés émergents et économies en développement ont fait appel, le plus souvent pour la première fois, à des programmes d’achats d’actifs. Lorsqu’ils visent des défaillances évidentes, ces programmes semblent contribuer à la stabilisation des marchés financiers dans les premières phases d’une crise. Mais s’ils se poursuivent et finissent par s’apparenter à un mode de financement des déficits budgétaires, ils risquent d’éroder l’indépendance opérationnelle de la Banque centrale et d’affaiblir la monnaie.
Dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord), l’année 2020 se solderait donc par une contraction de 5%. Le nombre de personnes ayant perdu leur travail a fait un bond et les niveaux d’emploi demeurent faibles. La contraction a été plus faible (2,2 %) en 2020 dans les pays importateurs de pétrole grâce à une propagation relativement lente de l’épidémie au premier semestre et à la baisse des cours pétroliers.
Des programmes de relance budgétaire prévoient une augmentation des dépenses de santé et de protection sociale, des réductions et des reports des paiements au titre de l’impôt ainsi que l’octroi de prêts et de garanties aux entreprises. La modeste reprise (2,1%) attendue en 2021 s’explique par des dommages persistants provoqués par la pandémie et de la faiblesse des cours du pétrole.
Sous l’hypothèse d’une amélioration de la situation pendant deux ans, en 2022, la production économique sera encore inférieure de 8 % au niveau indiqué par les estimations établies avant la pandémie. Les effets seront plus marqués pour les pays importateurs de pétrole que pour les pays exportateurs, prévient la BM.
Le Maroc devrait renouer avec une croissance de 4 % en 2021 grâce à l’accroissement de la production agricole à l’issue de la période de sécheresse et à l’allégement par l’État des mesures de confinement.
Inquiétudes en Afrique du Sud
En Afrique subsaharienne, la production s’est contractée de 3,7% en 2020. Le revenu par habitant a, de ce fait, diminué de 6,1% et le niveau de vie moyen est retombé aux niveaux enregistrés voici plus d’une dizaine d’années, dans un quart des pays de la région.
Les États les plus touchés sont ceux où la pandémie a le plus frappé, ceux qui sont fortement tributaires des secteurs du tourisme et ceux qui exportent des produits de base, en particulier du pétrole.
L’Afrique du Sud (-7,8% en 2020) a été et continue d’être gravement touchée par la pandémie. Tandis que le Nigeria (-4,1% en 2020) a subi le ralentissement de sa production de pétrole et que la pandémie continue d’entraver l’activité de tous les secteurs.
Les exportateurs de pétrole ont été confrontés à une forte baisse des cours (Angola, Congo, Guinée équatoriale, Soudan du Sud), tandis que les pays dans lesquels le tourisme joue un rôle prépondérant ont souffert de l’absence quasi-totale de voyageurs (Cap-Vert, Éthiopie, Maurice, Seychelles). L’économie a marqué un moindre repli dans les pays exportateurs de produits agricoles (Bénin, Côte d’Ivoire, Malawi, Ouganda).
- PAR KIMBERLY ADAMS ET LAURENT SOUCAILLE (Le Magazine de l’Afrique)