Le Club de Paris a décidé d’un allègement de la dette du Soudan et prépare le réaménagement des dettes de l’Éthiopie et du Tchad. Les pays doivent prendre des engagements auprès du FMI pour que le processus se poursuive au-delà de 2021.
Au terme d’une réunion qui s’est achevée dans la nuit du 15 au 16 juillet 2021, les créanciers publics du Soudan ont annulé 14,1 milliards de dollars de dettes et ont réaménagé les échéances de 9,4 milliards USD.
Nous entrons donc, explique Emmanuel Moulin, dans « une nouvelle étape » de négociations entre le Tchad et ses créanciers multilatéraux et privés. Dans un contexte difficile en raison de la transition politique, des menaces terroristes et de la crise sanitaire, les membres du Club de Paris n’exigeront qu’« un engagement de principe » au Tchad pour que le programme du FMI puisse se débloquer.
À juin 2021, la dette du Soudan s’élevait à 56 milliards USD, dont 23,5 milliards donc, détenus par le Club de Paris, cette instance informelle de grands pays créanciers, 5,6 milliards par différentes institutions du développement et 20 milliards par des créanciers publics non-membres du Club de Paris. Essentiellement la Chine. Des institutions financières privées se partagent le reste.
Concrètement, le pays n’aura aucun paiement à effectuer jusqu’en décembre 2024. D’ici là, le pays va obtenir le statut de Pays pauvre très endetté (Initiative PPTE). Ce « point d’achèvement », pour reprendre la terminologie institutionnelle, ouvrira la voie à un nouveau rééchelonnement, voire une annulation, de la dette de 9 milliards.
Une initiative qualifiée d’ « historique » par Emmanuel Moulin, président du Club de Paris, au cours d’un point presse le 16 juillet 2021. Celui qui est également le directeur général du Trésor français a rappelé que le Club de créanciers s’est mobilisé très tôt, en 2020, face au risque de défaut de certains pays lourdement endettés.
L’initiative lancée par le G20 de suspension du service de la dette (ISSD) pèse pour 1 milliard $ pour les pays membres du Club de Paris, en 2021. Le haut fonctionnaire français rappelle l’enjeu : « Il a été décidé une nouvelle extension de l’ISSD jusqu’à décembre 2021 ; il s’agit de la dernière initiative de ce genre, après, nous essaierons d’apporter des réponses structurelles à la crise de la dette. »
Le 28 juin 2021, le Soudan a atteint « le point de décision » dans son adhésion au PPTE, a révélé le lendemain la Banque mondiale (BM). Ce qui veut dire que le pays a pris « les mesures nécessaires » exigées par la BM et le FMI pour commencer à bénéficier d’un allégement de sa dette. Une étape préalable au « point d’achèvement ».
Le Soudan atteint « un jalon important qui lui permettra de réduire considérablement la charge de sa dette. Il s’agit d’un événement qui pourrait être source de transformations pour une nation de 44 millions d’habitants qui a souffert de conflits, d’instabilité et d’isolement économique pendant des décennies », a commenté le président de la BM, David Malpass.
Une nouvelle étape pour le Tchad
De son côté, Emmanuel Moulin fait observer que le Soudan avait accumulé des arriérés, notamment auprès des institutions internationales qui ont un statut de privilégié. Il fallait donc mettre en œuvre un dispositif de paiement des arriérés auprès de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement, et du FMI. « Les actionnaires du fonds se sont mobilisés, dont la France, qui a effectué un prêt-relais. »
Concernant le Tchad, « le processus a bien avancé », en dépit des difficultés politiques consécutives à la mort du président Idriss Déby. Au premier semestre, a été conclu un programme avec le FMI qui doit l’approuver formellement. Le Club de Paris « est prêt » à accorder au Tchad un rééchelonnement de ses dettes. Ses membres « mettent la pression » sur les créanciers privés pour que les accords soient signés dans les tout prochains jours.
Nous entrons donc, explique Emmanuel Moulin, dans « une nouvelle étape » de négociations entre le Tchad et ses créanciers multilatéraux et privés. Dans un contexte difficile en raison de la transition politique, des menaces terroristes et de la crise sanitaire, les membres du Club de Paris n’exigeront qu’« un engagement de principe » au Tchad pour que le programme du FMI puisse se débloquer.
Reste une part d’ombre au tableau : quelles seront les retombées économiques à court terme de cet appui des créanciers ? Pour tout ou partie, les trois pays cités avaient cessé d’honorer leurs engagements financiers.
Que ce soit l’initiative PPTE ou celle du G20, la problématique reste la même, il faut aussi convaincre les créanciers privés ; parmi lesquels, concernant le Tchad, figure en bonne place Glencore.
Selon l’agence Bloomberg, le groupe pétrolier détiendrait près de 350 millions USD de créances, sur le milliard détenu par les créanciers privés du Tchad. En 2018, le Tchad avait déjà conclu un accord de rééchelonnement de sa dette auprès du groupe anglo-suisse, après d’âpres négociations.
Un rééchelonnement, pour quoi faire ?
Enfin, concernant l’Ethiopie, le Club de Paris doit compter avec davantage de créanciers que pour le Tchad, sachant que certains ne sont pas membres du Club de Paris et du G20.
Le processus est en cours, mais certains créanciers – les principaux sont des banques et des institutions chinoises – ont besoin d’obtenir une autorisation formelle de leurs autorités. « Nous essaierons de réunir les créanciers le plus vite possible, sachant que le programme du FMI arrive à échéance en septembre », explique le président du Club de Paris.
Reste une part d’ombre au tableau : quelles seront les retombées économiques à court terme de cet appui des créanciers ? Pour tout ou partie, les trois pays cités avaient cessé d’honorer leurs engagements financiers. Un allègement de la dette ne leur conférera pas de nouvelles marges de manœuvre financières, il ne fera simplement que supprimer une ligne comptable.
Dans ce contexte, le Tchad semble le moins pénalisé ; le pays avait doublement subi l’effondrement des cours du pétrole en 2020, la reprise de l’or noir pourrait lui donner des ressources supplémentaires. Les autres pays devraient bénéficier d’aides spécifiques au titre du dispositif IDA. Suite à l’arrivée au « point de décision » du 28 juin, la Banque mondiale a d’ailleurs acté une aide de 2 milliards USD pour le Soudan.
Par Laurent Soucaille(La Magazine de l’Afrique)