La République démocratique du Congo (RDC) va abriter, en juin 2019, la réunion de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs consacrée à la révision du Mécanisme régional de certification(MRC) des minerais d’origine, a annoncé le professeur Aimé Kayembe mardi à Kinshasa, à l’ouverture de l’Atelier de formation – organisé avec l’appui technique de la Coopération technique allemande (GIZ) – en faveur des membres du Réseau sur l’Initiative régionale sur les ressources naturelles (IRRN) et du Forum national multifonctionnel de la CIRGL du 19 au 22 février 2019, sous la modération de Me Joseph Ngoto Ngoie.
Le Mécanisme régional de certification, préconisé en novembre 2012 pour les minerais en provenance de la RDC, a pour but de mettre en place des chaînes de minerais durables et libres de conflit au sein et entre les Etats membres de la CIRGL, dans le but d’éliminer l’appui financier aux groupes armés qui alimentent ou prolongent les conflits et qui, par ailleurs, commettent de graves violations des droits de la personne.
« Les acheteurs, principalement les Américains et les Européens, ont refusé d’acheter le minerais qui proviennent de cette région si les vendeurs ne précisent pas leur origine et s’ils ne parviennent pas à prouver que ces minerais ne proviennent pas des sites miniers contrôlées par les groupes armés », selon les experts en ressources naturelles pour le compte de la CIRGL.
Le MRC comprend les éléments principaux suivants: (1) Inspection et certification du site minier; (2) Suivi de la chaîne de possession (CoC); (3) Certification des exportations; (4) Base de données sur le suivi des minerais; (5) Auditeurs Tierce Partie (ATP) et (6) l’Auditeur indépendant de la chaîne des minerais (AICM). La CIRGL précise les éléments suivants.
Inspection et certification des sites miniers
Les normes d’inspection et de certification des sites miniers de la CIRGL sont conçues de manière à s’assurer que les minerais désignés proviennent uniquement de sites qui sont sans conflit et qui respectent des normes sociales minimums (p. ex. aucun travail d’enfants).
Les normes d’évaluation des sites miniers (plus de détails en Annexe 3) ainsi que les étapes pour favoriser des améliorations ou sinon rompre les liens avec les sites miniers inacceptables sont en conformité avec les procédures et les normes présentées dans le Guide OCDE sur le devoir de diligence (particulièrement l’Annexe II: Modèle de politique pour une chaîne d’approvisionnement mondiale en minerais responsable provenant des zones de conflit ou à haut risque et l’Annexe III – Actions suggérées pour l’atténuation des risques et indicateurs permettant de mesurer les améliorations).
En vertu du mécanisme de la CIRGL, les sites miniers sont inspectés annuellement par un inspecteur des mines du gouvernement. Ces inspections gouvernementales font l’objet d’une contre-vérification au moyen d’audits tierce partie indépendants effectués par un auditeur ou une auditrice agréé par la CIRGL. Des évaluations continues des risques sont effectuées par le bureau de l’Auditeur Indépendant de la Chaîne des Minerais. Les mines sont classées dans l’une des trois catégories:
Certifiée (coté vert) – la mine se conforme à toutes les normes (c.-à-d. aucun conflit, aucun travail d’enfants); la mine peut produire des minerais à des fins d’exportation certifiée.
Coté jaune – infraction par rapport à un ou plusieurs critères importants; l’exploitant de la mine dispose de trois mois pour résoudre le problème. La mine peut produire des minerais à des fins d’exportation certifiée.
Non-certifiée (cotée rouge) – grave infraction par rapport à au moins un critère critique; la mine n’a pas le droit de produire des minerais pendant au moins six mois; la mine conserve sa cote rouge jusqu’à ce qu’une inspection ultérieure montre que les infractions aux critères relevées ont été résolues.
Suivi de la chaîne de possession (CoC)
Les normes de la CIRGL concernant le suivi de la chaîne de possession sont conçues de manière à garantir que les minerais désignés soient sans conflit et qu’on puisse en assurer la traçabilité complète du site minier au point d’exportation. Les gouvernements des États membres sont responsables de la mise en place et de la supervision d’un système de suivi de la chaîne de possession à l’intérieur de leurs propres frontières.
L’intégrité des systèmes de chaîne de possession des Etats membres fait l’objet d’une vérification effectuée par l’Auditeur indépendant de la chaîne des minerais dans un délai d’une année après la mise en place ou la modification de ces systèmes Les flux de minerais sont suivis et analysés par le biais d’une base de données régionale de la CIRGL qui renferme des données sur les envois individuels, recueillies et transmises à la CIRGL par le système de chaîne de possession de chaque État membre.
Les États membres doivent avoir un système de suivi de la chaîne de possession. Ils peuvent exploiter plus d’un type de système de suivi de la chaîne de possession (p. ex. pour différents minerais ou différentes régions, etc.). Les États membres peuvent choisir de déléguer la conception ou l’exploitation de leur(s) système (s) de suivi de la chaîne de possession à un acteur non étatique.
Dans de tels cas, le système de suivi de la chaîne de possession doit néanmoins être conforme aux normes de la CIRGL — c’est-à-dire qu’il doit suivre les minerais de la source à l’exportation, veiller à ce que les envois de minerais soient sans conflit et collaborer pleinement avec les audits tierce partie de la CIRGL. De plus, les Etats membres demeurent propriétaires de toutes les données produites par le système de chaîne de possession, et communiquent ces données (c.-à-d. informations sur les achats, les ventes, les envois de minerais, etc.) sans restriction, en temps opportun et sur demande du Secrétariat de la CIRGL. Seules les données sur les prix sont exclues des informations transmises à la CIRGL.
En guise de mesure supplémentaire, l’Auditeur indépendant de la chaîne des minerais (ou son représentant) doit vérifier, durant sa première année d’exploitation, que le système de chaîne de possession d’un État membre satisfait aux normes de la CIRGL.
Procédures d’exportation et de certification
Le certificat CIRGL sert d’assurance aux acheteurs qu’un envoi de minerais est libre de conflits et qu’il satisfait à toutes les autres normes de la CIRGL. Les gouvernements des États membres doivent examiner chaque exportation de matériel désigné, y compris la documentation à l’appui concernant la chaîne de possession et la mine d’origine, avant de délivrer un certificat.
On trouve à l’Annexe 5 les procédures détaillées en matière d’exportation et de certification.
Suivi régional des minerais par l’entremise d’une base de données de la CIRGL
Le suivi des flux régionaux de minerais par le biais d’une base de données publique de suivi des minerais de la CIRGL est l’un des principaux piliers du mécanisme de certification de la CIRGL. Le suivi et la conciliation des flux de minerais au sein et entre les États membres garantiront, à l’intention de toutes les parties prenantes (gouvernements des États membres, ONG locales et internationales, utilisateurs finaux du secteur privé et autres) l’intégrité des flux de minerais certifiés provenant de la région. La base de données permettra de suivre et de concilier la production, les achats et les exportations des exportateurs, des mines, des régions minières et des États membres.
L’élaboration et la mise en place de la base de données régionale de suivi des minerais sont la responsabilité du Secrétariat de la CIRGL. Les États membres, les mines, les négociants, les entreprises de traitement, les exportateurs et autres acteurs de la chaîne des minerais seront tenus de fournir toutes les données (sauf les renseignements sur les prix, qui demeurent confidentiels) sur leur production, leurs achats, leurs ventes et leurs exportations au Secrétariat de la CIRGL, lorsque celui-ci leur en fera la demande. La base de données de la CIRGL sera accessible au public afin d’assurer et de préserver la crédibilité du Mécanisme de suivi et de certification des minerais de la CIRGL.
Audit Tierce Partie
Le Système d’audit tierce partie indépendants permet une vérification indépendante pour s’assurer que l’ensemble de la chaîne des minerais, du site minier à l’exportateur, demeure en conformité avec les normes régionales de la CIRGL. Ce système respecte les lignes directrices de l’OCDE sur le devoir de diligence en matière de vérification indépendante et d’évaluation continue des risques (particulièrement les sections sur le devoir de diligence concernant la chaîne d’approvisionnement et l’évaluation des risques par les entreprises en amont du Supplément sur l’étain, le tantale et le tungstène).
Les audits de la CIRGL ciblent avant tout les exportateurs de minerais. La portée de l’audit commence avec l’exportateur et remonte tout le long de la chaîne des minerais jusqu’au site minier.
La non-conformité de n’importe lequel des négociants ou des fournisseurs en amont (jusqu’aux sites miniers, sans toutefois les inclure, car ils sont couverts par les inspections des sites miniers) débouche automatiquement sur l’attribution d’un niveau correspondant de non-conformité à l’exportateur; en d’autres mots, si l’auditeur ou l’auditrice constate qu’un négociant qui approvisionne un exportateur est en situation de non-conformité grave (cote rouge), l’exportateur lui-même est aussi jugé non conforme (cote rouge).
Un audit qui constate qu’un site minier est en situation de non-conformité grave (cote rouge) n’engendre pas l’attribution d’une cote rouge à un exportateur à moins qu’on ne puisse montrer que l’exportateur s’approvisionnait auprès de ce site minier alors qu’il était en situation de non-conformité (cote rouge).
Le Système d’audit tierce partie de la CIRGL est géré par un Comité d’audit tripartite où siègent des représentants du gouvernement, de l’industrie locale et internationale, et de la société civile locale et internationale. Les représentants de l’industrie et de la société civile locales au Comité d’audit sont élus démocratiquement parmi et par leurs pairs dans chaque Etat membre éligible. Le Comité d’audit agrée les personnes chargées de l’audit et fixe les normes et le mandat des audits tierce partie.
Les audits de la CIRGL menés tierce partie exigent que les auditeurs réalisent des inspections sur terrain tout le long de la chaîne des minerais, y compris jusqu’aux sites miniers. Les audits examinent la conformité de chacun des acteurs aux normes de la CIRGL.
Les auditeurs procèdent aussi à une évaluation des risques en étudiant, évaluant et en décrivant le « milieu conflictuel » — le risque et les circonstances factuelles de conflit et le financement de conflits associé aux exportateurs, aux négociants et aux mineurs artisanaux et industriels. Les normes et les procédures détaillées relatives aux audits tierce partie de la CIRGL peuvent être consultées à l’Annexe 8 : Audit tierce partie
Auditeur indépendant de la chaîne des minerais
L’Auditeur indépendant de la chaîne des minerais de la CIRGL est une importante garantie de conformité régionale aux normes de la CIRGL. L’Auditeur indépendant effectue de manière continue un suivi des conflits et une évaluation des risques.
Les enquêtes CIRGL de l’Auditeur indépendant de la chaîne des minerais sont conformes aux lignes directrices du devoir de diligence de l’OCDE portant sur la vérification indépendante et l’évaluation continue des risques (particulièrement les sections sur le devoir de diligence concernant la chaîne d’approvisionnement et l’évaluation des risques par les entreprises en amont du Supplément sur l’étain, le tantale et le tungstène).
L’Auditeur Indépendant de la Chaîne des Minerais est nommé par le Secrétariat Exécutif de la CIRGL pour un mandat de trois ans en vertu d’un processus de sélection indépendant. L’AICM est une personnalité dont la réputation n’est plus à faire, connue pour son intégrité et la qualité de ses enquêtes. Il est attendu que l’AICM constitue une équipe d’enquêteurs, selon les besoins, possédant une expertise du secteur minier, de la chaîne de possession des minerais, des conflits et du financement des conflits, de l’évaluation des risques ainsi que d’autres disciplines.
L’Auditeur indépendant de la chaîne des minerais a trois grandes sphères de responsabilité :
Tout d’abord, l’AICM et son équipe inspectent les systèmes de suivi de la chaîne de possession des Etats membres (dans l’année qui suit l’entrée en service de ces systèmes) pour s’assurer qu’ils respectent les normes de la CIRGL; lorsque les systèmes ne respectent pas la norme imposée, l’Auditeur et son équipe recommandent et exigent des modifications si nécessaires.
Deuxièmement, l’AICM et son équipe initient des enquêtes indépendantes sur des sujets tels que la participation des groupes armés dans la chaîne des minerais (les types de participation qui pourraient ne pas être mis à jour par des audits tiers), sur des cas présumés de contrebande de minerais à grande échelle ou sur des cas où la production d’une mine, d’une région ou d’un État membre ne correspond pas à la capacité de production probable de la mine, région ou État membre.
L’AICM peut également enquêter sur les chaînes minières en aval hors de la région, s’il existe des indications selon lesquelles les minerais désignés sont exportés clandestinement hors de la région.
Troisièmement, l’AICM et son équipe réalisent des évaluations continues du risque de conflit et de financement des conflits résultant de l’exploitation et du commerce des minerais dans la région. L’AICM et son équipe effectuent cette tâche tout d’abord en réunissant et en analysant les informations existantes relatives aux conflits dans la région de la CIRGL.
Ces renseignements existants proviennent de la partie des audits tierce partie de la CIRGL portant sur l’« environnement des conflits », des efforts de cartographie des conflits (y compris ceux prévus par le Département d’État des États-Unis ainsi que ceux produits par l’IPIS, BGR et l’ONU), des ONG et des organisations de la société civile locales qui interviennent dans les régions touchées par des conflits, des rapports et des renseignements de la MONUSCO, des rapports des médias, des rapports d’ONG internationales et des données reçues par des informateurs confidentiels (par l’entremise du Mécanisme d’Alerte Rapide de la CIRGL).
En plus de rassembler des informations, l’AICM va, au besoin, effectuer des enquêtes de terrain, pour évaluer les risques de conflit réels et potentiels dans la région. L’Auditeur indépendant de la chaîne des minerais publiera de manière périodique des rapports d’évaluation des risques. Ces rapports seront disponibles pour les entreprises de la région, les États membres et le grand public. (Les informations susceptibles de mettre les informateurs en danger ne seront pas rendues publiques).
La révision du CRM recommandée par les ministres des Mines de la CIRGL
C’est autour du thème « Renforcement de la mise en œuvre du mécanisme régional de certification de la CIRGL par une formalisation effective du secteur minier artisanal et une stratégie régionale appropriée sur l’or artisanal » que les ministres des Mines des pays membres ayant participé à leur cinquième réunion le 7 décembre 2018 à Brazzaville (Congo) ont recommandé au secrétariat général de la CIRGL d’« effectuer une évaluation de l’initiative sur la traçabilité pour explorer les possibilités de son expérimentation dans les autres Etats membres ; poursuivre les consultations dans les Etats membres sur la révision du manuel du mécanisme régional de certification ; soutenir et faciliter les arrangements logistiques pour ces consultations ».
Les Etats membres de la CIRGL ont été, eux aussi, invités à s’approprier le guide régional pour la formalisation du secteur artisanal et à petite échelle dans la région des Grands Lacs.
Formation des journalistes sur les instruments juridiques de lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles
Le programme de formation à la Maison de France/Hall de la Gombe porte sur « les instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux sur l’exploitation des ressources naturelles et les outils de la Conférence internationale sur la région des grands lacs (CIRGL) sur l’Initiative régionale sur les ressources naturelles (1) ; les stratégies pour l’appropriation communicationnelle des outils de l’IRRN par les membres du Réseau des journalistes de la CIRGL et les membres du Forum national multifonctionnel des jeunes de la CIRGL de la RDC, informations de base (2) et le rôle des médias et de la société civile (3) ».
Par Angelo Mobateli