Réparations en l’affaire des activités armées sur le territoire du Congo par l’Ouganda, les audiences reprennent du 20 au 30 avril à la CIJ
La Cour internationale de Justice, organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies tiendra des audiences publiques sur la question des réparations relatives aux Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo VS Ouganda), du mardi 20 au vendredi 30 avril 2021, au Palais de la Paix, à La Haye, où la Cour a son siège.
Condamné en 2005 par la Cour internationale de justice (CIJ) à payer des réparations au profit de la RD Congo pour violation de la souveraineté territoriale de la RDC et des droits de l’homme entre 1998 et 2003, l’Ouganda ne s’est toujours pas exécuté.
Ainsi, les plaidoiries sont programmées du mardi 20 au 30 avril 2021, entre la RDC et l’Ouganda à la CIJ.
En effet, ayant constaté « les atermoiements » de l’Ouganda caractérisant une mauvaise foi à ne pas réparer les préjudices infligés à la nation congolaise, la RDC a reconstitué et consolidé sa défense. Elle a ramené le dossier au niveau de la Cour internationale de justice pour contraindre cette fois-ci l’Ouganda à s’exécuter.
VUE D’ENSEMBLE DE L’AFFAIRE
Le 23 juin 1999, la République démocratique du Congo (RDC) a déposé au Greffe de la Cour des requêtes introductives d’instance contre le Burundi, l’Ouganda et le Rwanda « en raison d’actes d’agression armée perpétrés en violation flagrante de la Charte des Nations Unies et de la Charte de l’Organisation de l’Unité africaine ». Outre la cessation des actes allégués, le Congo a demandé l’obtention d’une réparation pour les actes de destruction intentionnelle et de pillage, ainsi que la restitution des biens et ressources nationales dérobés au profit des Etats défendeurs respectifs.
Dans ses requêtes introductives d’instance contre le Burundi et le Rwanda, la RDC a invoqué, comme fondements de la compétence de la Cour, le paragraphe 1 de l’article 36 du Statut, la convention de New York du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la convention de Montréal du 23 septembre 1971 pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile et, enfin, le paragraphe 5 de l’article 38 du Règlement de la Cour. Cependant, le Gouvernement de la RDC a fait savoir à la Cour le 15 janvier 2001 qu’il entendait se désister de chacune des instances introduites contre le Burundi et le Rwanda en précisant qu’il se réservait la possibilité de faire valoir ultérieurement de nouveaux chefs de compétence de la Cour. Les deux affaires ont par conséquent été rayées du rôle le 30 janvier 2001.
Dans l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), la RDC a fondé la compétence de la Cour sur les déclarations d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour faites par les deux Etats. Le 19 juin 2000, la RDC a déposé une demande en indication de mesures conservatoires tendant à la cessation de toute activité militaire et de toute violation des droits de l’homme et de la souveraineté de la RDC par l’Ouganda. Le 1er juillet 2000, la Cour a ordonné à chacune des Parties de prévenir et de s’abstenir de toute action armée qui risquerait de porter atteinte aux droits de l’autre Partie ou d’aggraver le différend, de prendre toute mesure nécessaire pour se conformer à toutes leurs obligations du droit international applicables en l’espèce, ainsi que d’assurer le plein respect des droits fondamentaux de l’homme et du droit humanitaire.
L’Ouganda a déposé par la suite un contre-mémoire contenant trois demandes reconventionnelles. Par une ordonnance du 29 novembre 2001, la Cour a décidé que deux desdites demandes reconventionnelles (actes d’agression que le Congo aurait commis à l’encontre de l’Ouganda ; attaques visant les locaux et le personnel diplomatique ougandais à Kinshasa ainsi que des ressortissants ougandais, dont le Congo serait responsable) étaient recevables comme telles et faisaient partie de l’instance en cours.
Après avoir tenu des audiences publiques en avril 2005, la Cour a rendu son arrêt au fond le 19 décembre 2005. La Cour s’est d’abord penchée sur la question de l’invasion de la RDC par l’Ouganda. Après examen du dossier que lui avaient soumis les Parties, elle a estimé que, à partir du mois d’août 1998, la RDC n’avait pas consenti à la présence de troupes ougandaises sur son territoire (hormis l’exception limitée relative à la région frontalière des monts Ruwenzori contenue dans l’accord de Luanda). La Cour a également rejeté la demande de l’Ouganda selon laquelle, là où son emploi de la force n’était pas couvert par le consentement, il agissait dans le cadre de l’exercice de son droit de légitime défense. Les conditions préalables à l’exercice d’un tel droit n’étaient pas réunies. Et la Cour de considérer que l’intervention militaire illicite de l’Ouganda avait été d’une ampleur et d’une durée telles qu’elle constituait une violation grave de l’interdiction de l’emploi de la force énoncée au paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies.
La Cour a également dit que, en soutenant activement, sur les plans militaire, logistique, économique et financier, des forces irrégulières qui opéraient sur le territoire congolais, l’Ouganda avait violé le principe du non‑recours à la force dans les relations internationales ainsi que le principe de non‑intervention.
La Cour s’est ensuite penchée sur la question de l’occupation et sur celle de la violation du droit relatif aux droits de l’homme et du droit humanitaire. Ayant conclu que l’Ouganda était une puissance occupante en Ituri à l’époque pertinente, la Cour a indiqué qu’il se trouvait en tant que tel dans l’obligation, énoncée à l’article 43 du règlement de La Haye de 1907, de prendre toutes les mesures qui dépendaient de lui en vue de rétablir et d’assurer, autant qu’il était possible, l’ordre public et la sécurité dans le territoire occupé en respectant, sauf empêchement absolu, les lois en vigueur en RDC. Cela n’avait pas été fait. La Cour a également considéré qu’il existait des éléments de preuve crédibles suffisants pour conclure que les troupes des UPDF (Uganda People’s Defence Forces) avaient de manière générale commis diverses violations du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de l’homme. La Cour a estimé que ces violations étaient attribuables à l’Ouganda.
Le troisième point que la Cour a été appelée à examiner concernait l’exploitation alléguée de ressources naturelles congolaises par l’Ouganda. La Cour a estimé détenir de nombreuses preuves crédibles et convaincantes lui permettant de conclure que des officiers et des soldats des UPDF, parmi lesquels les officiers les plus haut gradés, avaient participé au pillage et à l’exploitation des ressources naturelles de la RDC et que les autorités militaires n’avaient pris aucune mesure pour mettre un terme à ces activités. L’Ouganda était responsable tant du comportement des UPDF dans leur ensemble que du comportement à titre individuel de soldats et d’officiers des UPDF en RDC. Il en était ainsi même si les officiers et soldats des UPDF avaient agi d’une manière contraire aux instructions données ou avaient outrepassé leur mandat. La Cour a en revanche conclu qu’elle ne disposait pas d’éléments de preuve crédibles permettant d’établir qu’ il existait une politique gouvernementale de l’Ouganda visant à l’exploitation de ressources naturelles de la RDC, ou que l’Ouganda ait entrepris son intervention militaire dans le dessein d’obtenir un accès aux ressources congolaises.
En ce qui concerne la première demande reconventionnelle de l’Ouganda (voir ci‑dessous concernant l’ordonnance du 29 novembre 2001), la Cour a conclu que celui-ci n’avait pas produit suffisamment d’éléments prouvant que la RDC avait fourni un soutien politique et militaire aux groupes rebelles anti‑ougandais qui opéraient sur son territoire, ou même failli à son devoir de vigilance en tolérant la présence de rebelles anti‑ougandais sur son territoire. La Cour a donc rejeté dans son intégralité la première demande reconventionnelle soumise par l’Ouganda.
S’agissant de la deuxième demande reconventionnelle de l’Ouganda (voir ci‑dessous concernant l’ordonnance du 29 novembre 2001), la Cour a tout d’abord déclaré irrecevable la partie de cette demande portant sur des mauvais traitements qu’auraient subi, à l’aéroport international de Ndjili, des ressortissants ougandais ne bénéficiant pas du statut diplomatique. S’agissant du bien‑fondé de la demande, elle a en revanche estimé qu’il existait suffisamment d’éléments de preuve attestant que des attaques avaient eu lieu contre l’ambassade et que des mauvais traitements avaient été infligés aux diplomates ougandais à l’aéroport international de Ndjili. Elle a conclu que, ce faisant, la RDC avait manqué aux obligations qui étaient les siennes en vertu de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Elle a également conclu que la saisie de biens et d’archives à l’ambassade de l’Ouganda était aussi contraire aux dispositions du droit international des relations diplomatiques.
La Cour a indiqué dans son arrêt que la question de la nature, de la forme et du montant de la réparation que chacune des Parties devait à l’autre était réservée et ne lui serait soumise que si les Parties ne parvenaient pas à un accord fondé sur l’arrêt qu’elle venait de rendre.
Après le prononcé de l’arrêt, les Parties ont informé régulièrement la Cour de l’état d’avancement de leurs négociations.
Le 13 mai 2015, estimant que les négociations menées à ce sujet avec l’Ouganda avaient échoué, la RDC a demandé à la Cour de fixer le montant de la réparation due par celui‑ci. Bien que l’Ouganda ait fait valoir que cette demande était prématurée, la Cour a constaté, dans une ordonnance en date du 1er juillet 2015, que, si les Parties avaient effectivement cherché à s’entendre directement sur la question, il était manifeste qu’elles n’avaient pas pu parvenir à un accord. Les Parties ont par la suite déposé leurs pièces de procédure écrite sur la question des réparations et l’affaire devrait être entendue en avril 2021.
Par CR/CIJ