Depuis que le président Félix Tshisekedi a lancé, dans son allocution du 23 octobre 2020, l’idée d’une « consultation » des personnalités politiques et sociales les plus représentatives, « Joseph Kabila » et sa mouvance dite « Front commun pour le Congo » sont en émoi. Des réunions s’enchainent à un rythme effréné à Kingakati où réside l’ancien Président. Les vidéos de ces rencontres sont disponibles sur les réseaux sociaux. Samedi 31 octobre 2020, les internautes ont découvert sur la toile un document non-authentifié intitulé: « Accord pour la stabilité et la paix au Congo ». Il s’agirait de l’instrumentum du fameux « deal » passé entre « Félix » et « Kabila ». Aveuglé par l’ambition de redevenir calife à la place du calife, l’ancien Président semble perdre de vue que son statut d’ancien chef d’État lui confère non seulement des droits mais aussi des obligations. C’est le cas notamment de « l’obligation de réserve ». Celle-ci est foulée aux pieds.
Une semaine après l’allocution prononcée par le président Felix Tshisekedi, le mercredi 23 octobre 2020, l’ex-président « Joseph Kabila » et ses caudataires du « Front commun pour le Congo » manifestent une agitation autant délirante qu’inaccoutumée.
Une agitation qui parait injustifiée dans la mesure où le chef de l’Etat avait, dans son speech, relevé des « divergences » majeures entre les « coalisés » sans décréter de manière formelle la fin de ce « mariage » qualifié de contre-nature.
Des observateurs ont regretté que Fatshi n’ait pas été jusqu’au bout de sa logique en dénonçant la coalition Cach-Fcc. Les premiers « sondages » ne devraient commencer que le lundi 2 novembre. Toute personne sensée aurait évité de tirer des conclusions hâtives.
Au lieu « d’attendre et voir » comme disent les Anglo-Saxons, le Fcc/Pprd a perdu sa sérénité. Cette mouvance kabiliste ressemble de plus en plus à ce chasseur qui a vidé toutes ses cartouches sans avoir vu l’ombre d’un gibier.
RENOUVELLEMENT D’ALLEGEANCE
A Kingakati, les réunions s’enchainent sous la présidence du sénateur à vie « Kabila », l’ « autorité morale » de ce cartel. L’ex-président suspecte « Fatshi » de vouloir rompre, de manière unilatérale, le « deal » conclu à la veille de la proclamation des résultats provisoires de l’élection présidentielle. Il le suspecte également de vouloir « débaucher » quelques députés de « sa majorité ». Celle-ci serait estimée actuellement à 336 élus nationaux.
Mercredi 28 octobre, tels des enfants d’une école maternelle, les 336 députés nationaux – 200, selon d’autres sources – se sont rendus à Kingakati où réside « Kabila ». Objet de la réunion: renouvellement de leur allégeance ainsi que de leur fidélité à l’autorité morale.
Au cours de cette rencontre, une députée non identifiée s’est adressée à « Kabila » en déclarant notamment: « Face au climat politique actuel, nous sommes sereins et déterminés à rester unis au sein de notre famille politique en tant que Fcc ». Selon des sources concordantes, l’ex-Président a promis à l’assistance de leur distribuer prochainement l’accord de coalition signé entre lui et Felix Tshisekedi, alors président de l’Udps. Il a invité les députés et sénateurs à opter pour la « résistance ». Vous avez bien entendu.
« ACCORD POUR LA STABILITE ET LA PAIX »
Samedi 31, un document, non-authentifié, intitulé « Accord pour la stabilité et la paix au Congo »circulait déjà sur les réseaux sociaux. S’agit-il du document promis par « Kabila »? Nul ne peut le certifier? Et ce en dépit du fait que ledit document est revêtu de ce qui apparaît comme étant les « signatures » de Felix Tshisekedi et de « Joseph Kabila ».
D’après cet écrit qui s’articule sur trois articles, « Felix » aurait, dans l’article 1er, pris l’engagement d’accorder une « immunité totale au clan Kabila » (famille et dignitaires de son régime) (sic!). « Pas de poursuites pénales pour tous les crimes possibles commis » (crimes de sang, crimes économiques et autres) (re-sic!).
Dans l’article 2, il est question de« concertation entre les deux leaders » (Tshisekedi-Kabila), lors de chaque nomination dans la force publique (services de renseignements, armée et police) ainsi que dans la magistrature, le portefeuille de l’Etat et la Territoriale. L’article 3 est stipulé comme suit: « Soutien lors de la présidentielle de 2023 par la famille politique Tshisekedi de la candidature Fcc, famille politique de Kabila ».
« LE MANDAT IMPERATIF EST NUL »
Autres détails, les présidents Uhuru Kenyatta (Kenya), Al-Sissi d’Egypte et Cyril Ramaphosa sont mentionnés dans cet écrit au titre de « témoins internationaux » sans apposer leurs signatures. Les généraux Delphin Kahimbi, Célestin Mbala, John Numbi, Amisi Kumba et Jean-Claude Yav Kabey seraient les « témoins nationaux ». Ici aussi, pas de traces de signatures.
Dans une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux, on voit « Kabila » debout sur une petite estrade. Néhémie Mwilanya Wilondja, coordonnateur du Fcc et flagorneur devant l’Eternel, prend la parole:« La majorité parlementaire est aujourd’hui convoitée, courtisée. On la veut à n’importe quel prix. Fort heureusement, elle n’est pas à vendre. La majorité parlementaire qui est devant est venue pour vous écouter et recevoir des conseils ».
Mwilanya est suivi par Jeanine Mabunda, la présidente de l’Assemblée nationale. Sur un ton obséquieux, elle dit: « Je voudrais rassurer le camarade sénateur à vie que ce sont ces 337 députés ici présents qui ont rendu service à notre famille politique en gagnant certaines batailles ». Elle cite notamment l’adoption du programme du gouvernement du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba avec 300 votes et l’adoption du budget estimé initialement à 11 milliards USD.
« RÉUNION CABALLISTIQUE »
Juristes de formation, Mabunda et Mwilanya ont violé sciemment les alinéas 3 et 4 de l’article 102 de la Constitution. Ils ne peuvent ignorer que le député national est au service de toute la nation et non d’un parti ou d’un clan. Et que« Tout mandat impératif est nul ». Le comportement de ces deux caciques du Fcc frise l’inconscience.
En invitant les 336 députés à la « résistance », « Joseph Kabila » ne viole-t-il pas la législation nationale spécialement « l’obligation de réserve » que lui impose l’article 5 de la loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens Présidents de la République? « Tout ancien Président de la République élu est soumis à une obligation générale de réserve, de dignité, de patriotisme et de loyauté envers l’Etat (…)« , stipule notamment cette disposition. Cette obligation implique notamment la non-divulgation des « secrets d’Etat ».
Après les « réunions cabalistiques » tenues à Kingakati, n’est-on pas en droit de s’interroger franchement si l’ex-président « Kabila » réunit encore les conditions légales pour bénéficier des avantages et immunités accordés aux anciens Présidents de la Républiques élus?
Par Baudouin Amba Wetshi (Congo Indépendant)