République démocratique du Congo, études chères, parents chômeurs, impayés, sous-rémunérés, impossibilité de faire face aux différents frais (directs et indirects) exigés par les écoles pour scolariser des enfants.
La scolarisation des enfants équivalait, on ne peut pas douter, au paiement d’un lourd tribut, de quoi constituer un frein pour l’Etat de rendre effective l’obligation constitutionnelle selon laquelle tous les enfants scolarisables (âgés de 6 ans) doivent aller à l’école.
Disposition constitutionnelle (article 43) mis en état depuis sa promulgation en 2006, un mort-né qui réussite 19 ans après avec un taux d’analphabétisme en progression.
La réduction indéfectible du taux d’analphabétisme et l’allégement des charges des parents sont les deux objectifs principaux poursuivis par cette mesure de gratuité scolaire. La seule contrainte reste les mécanismes spécifiques de sa mise en œuvre, une préoccupation à laquelle le Gouvernement devra rapidement résoudre.
- De l’impact budgétaire de la gratuité scolaire
En décembre 2019, le Ministère de l’Enseignement, Primaire, Secondaire et Professionnel (EPSP) a présenté au Chef de l’Etat Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le projet de budget pour la gratuité de l’enseignement de base chiffré à 2,9 milliards USD a indiqué le Ministère de l’EPSP dans un communiqué reçu au même moment à l’ACP et publié par Médiacongo.
Selon le communiqué, pour sa mise en œuvre on note le paiement de 542.834 enseignants pour un montant de 2,7 milliards USD dont 132.614 enseignants à mécaniser, 113 millions USD pour le fonctionnement de l’enseignement de base et des bureaux gestionnaires, 8 millions USD pour la prise en charge par l’Etat des frais des bulletins pour 13.579.065 élèves.
Donc, le pays devra allouer environ 2,9 milliards USD par an au secteur de l’éducation primaire. « L’arithmétique scolaire » montre que sur 25 millions d’enfants à l’âge de scolarisation, la RDC investie par élève 38,7 USD par an. Du véritable défi à relever car, comparativement à d’autres Etats la RDC est loin de satisfaire. En Angola, le budget investi pour chaque élève par an est de 690,7 USD, la République du Congo est à 334, 60 USD. Toutefois, Paris ne s’est pas fait en un jour dit-on.
Il est d’autant plus rigoureusement vrai qu’avec un Budget de 5,9 milliards USD en 2019, les dépenses de l’Enseignement primaire et secondaire sont évaluées à 692,9 millions USD, soit 71,24% de l’ensemble du budget alloué à l’Enseignement national, 80% des allocations budgétaires de l’EPSP était affectés à la rémunération du personnel administratif et enseignant.
Par ailleurs, une étude menée par l’Observatoire de la dépense publique sur les dépenses des secteurs sociaux de 2012-2016, démontre que l’exécution du budget de l’EPSP reste marquée par une prépondérance des dépenses de la rémunération (90%) et un faible taux d’exécution des dépenses d’investissement. Avec la gratuité de l’enseignement primaire, rapporte la même source, environs 140.269 enseignants attendent la mécanisation et réclament le paiement de 100 USD pour un huissier.
Le Budget 2019 a prévu une mécanisation de 8.300 enseignants sur 140. 269. Ce Budget prévoit le financement de 2,8 millions USD pour la formation de 560.000 enseignants, soit 5,1 USD par enseignant, 28,6 millions USD pour le fonctionnement de 2.406 bureaux gestionnaires et 27.696 écoles primaires, soit 951,4 USD par école.
Tout ceci démontre que la décision prise dans le secteur de l’éducation est non seulement louable, mais aussi et surtout complexe. Mais la volonté et l’engagement politique de Felix Tshisekedi à donner au peuple congolais, la chance de rattraper le retard de l’éducation constituent un héritage indélébile avec comme impact principal et direct, la diminution du taux de l’analphabétisme au pays.
- De la réduction du taux de l’analphabétisme en RDC
Trois indicateurs pour comprendre les acquis de la réduction du taux d’analphabétisme :
- Atténuation de la tardivité d’accès à l’éducation Selon les résultats de MICS (l’enquête par grappes à indicateurs multiples), effectuée par l’Unicef, 3 % d’enfants de 3 à 4 ans ont accès aux programmes d’éducation préscolaire et le plus souvent en milieux urbains. Quant à la scolarisation primaire, 17 % seulement des enfants commencent l’école primaire à l’âge de 6 ans.
Nombreux sont ainsi les enfants qui amorcent tardivement l’éducation formelle. Cet indicateur d’accès à la scolarité a enregistré, de 1995 à 2001, une baisse globale de 6 %, passant de 23 à 17 %. En outre, le taux net de scolarisation pour les enfants âgés de 6 à 11 ans était seulement de 52 % en 2001 alors qu’il s’élevait à 56 % en 1995. - Suppression de l’inégalité Homme-Femme dans l’accès à l’éducation Quant à l’analphabétisme, il appert, à la lumière des résultats de l’enquête menée par l’Unicef en 2001, comme dans la plupart des pays du tiers-monde, plus les femmes que les hommes : 44 % des femmes contre 19 % des hommes sont analphabètes, soit un indice de parité de 0.69.
Ces estimations de l’Unicef concordent en gros avec celles de l’Institut de Statistique de l’Unesco (2002), lesquelles mentionnent pour la RDC à l’an 2000, un taux d’analphabétisme de 33% de la population adulte âgée d’au moins 15 ans. Ce taux s’élevait au cours de la même année à 23,7 % pour les hommes et 43 % pour les femmes, écart traduit par un indice de parité de 0.75.
- La décroissance du taux d’analphabétisme en milieu adulte En matière d’alphabétisation des adultes, les estimations de l’Institut de l’Unesco montrent que la situation s’améliore progressivement, de sorte qu’en 2015, le taux d’analphabétisme sera d’environ 20,8 % pour l’ensemble de la population adulte, 13,8 % pour les hommes et 27,7 % pour les femmes. Permettant ainsi à la République Démocratique du Congo d’atteindre l’objectif de la réduction de 50 % du taux d’analphabétisme par rapport à la situation de l’an 2000, cette amélioration s’accompagne de la réduction progressive des disparités entre les hommes et les femmes.
- De l’allègement des charges des parents
La gratuité de l’enseignement primaire a l’avantage de l’allégement du poids lourd qui pèse sur les parents en vue de faciliter la scolarisation primaire d’un plus grand nombre d’enfants. Donc, aucun parent ne peut ce jour trouver d’alibi sur la non scolarisation de ses enfants : le caractère obligatoire de l’enseignement primaire peut donc s’appliquer.
Et si la gratuité est appliquée effectivement, le taux d’analphabétisme sera réduit sans beaucoup d’efforts. Désormais, avec cette mesure de gratuité, l’impact pour les familles démunies est considérable car, elle permettra la libération de près de 400 millions de dollars de frais scolaire qui pourront être destinés à l’épargne ou à la consommation. Les experts estiment que l’impact au niveau de PIB est de l’ordre de 0,8% et qu’terme, près de 18 millions de personnes pourront sortir de la pauvreté extrême. En conclusion Eu égard à ce qui est dit ci-haut, la gratuité scolaire reste un acquis majeur du mandat actuel de Felix Tshisekedi, mais un seul défi reste encore à relever, c’est la définition des mécanismes spécifiques de sa mise en œuvre afin de pérenniser cet acquis de l’éducation pour des générations futures. Ceci ne pourrait se faire qu’à travers l’adoption d’une loi spéciale organisant la gratuité et mise en place des institutions étatiques et non étatiques permanentes chargées du suivi de la gratuité.
RED LANGA KOLIKITE (Avocat et Analyste politique) 0819746333
60 ans après, Un Congo Nouveau