
Depuis quelques décennies, l’agriculture africaine est présentée comme une priorité économique et politique par plusieurs pays africains. S’il témoigne de la reconnaissance de l’importance du secteur, cet intérêt renouvelé tarde toutefois à se concrétiser sur le terrain.
En Afrique, le secteur agricole reste encore très largement sous-financé en dépit des multiples discours volontaristes affichés sur ces dernières années par plusieurs gouvernements. C’est la conclusion du nouveau rapport de la FAO sur les dépenses publiques consacrées à l’alimentation et à l’agriculture en Afrique subsaharienne, publié le 10 mai dernier.
Le document dresse le bilan sur la période 2004-2018, de l’un des engagements pris par 13 pays d’Afrique subsaharienne à Maputo en 2003, relatif à l’allocation d’au moins 10 % des ressources publiques à l’agriculture.
Les nations concernées par l’étude sont l’Ethiopie, le Ghana, le Mozambique, l’Ouganda, le Sénégal, le Malawi, la Tanzanie, le Bénin, le Burkina Faso, le Rwanda, le Mali, le Kenya et le Burundi. Si l’objectif budgétaire a été réitéré dans la Déclaration de Malabo sur la croissance accélérée de l’agriculture, adoptée en 2014, la FAO indique que, globalement, le chemin reste encore long.
En effet, bien que 8 nations aient eu à enregistrer une croissance à deux chiffres de leurs dépenses agricoles sur la période étudiée, le rapport souligne que seulement 6 % des budgets publics ont été consacrés en moyenne à l’agriculture.
Le Malawi est le seul pays du lot qui a réussi à faire bénéficier au secteur agricole, de manière constante, 10 % de son enveloppe budgétaire annuelle. Dans la nation est-africaine, l’agriculture fournit 30 % du PIB et 75 % des recettes d’exportation avec des filières phares comme le maïs, le tabac, le coton, le thé et le sucre.
Le pays enclavé est suivi par le Mali qui a réussi à maintenir le cap sur certaines années. Les 11 autres pays du classement en revanche ne sont pas parvenus à débloquer 10 % de leurs dépenses budgétaires annuelles à l’agriculture sur ladite période sous revue.
Alors que la faiblesse de ressources financières en faveur de l’agriculture et de l’alimentation est déjà préoccupante, la FAO indique qu’environ 20 % des budgets alloués officiellement ne sont pas dépensés, du fait des capacités d’exécution insuffisantes. Sur le terrain de l’utilisation des fonds, le rapport indique que l’essentiel des ressources publiques a servi au financement des programmes de subventions d’intrants.
Même si ces efforts ont permis d’accroître les rendements dans certains pays, à court terme, l’organisation indique que leur efficacité réelle à long terme dans la transformation structurelle du secteur agricole n’est pas prouvée.
Pour la FAO, il urge non seulement d’accroître les investissements publics, mais aussi de mieux dépenser les ressources limitées actuelles afin d’impulser le développement agricole du continent.
Selon le rapport, les interventions publiques devraient ainsi se concentrer en majorité sur des aspects critiques comme la Recherche-Développement dans l’agriculture, l’amélioration de la qualité des sols ou encore la construction d’infrastructures dans les zones de production.
Le secteur agricole africain souffre d’un manque d’investissements annuels de 23 à 31 milliards $, d’après les données de l’Institution de financement du développement britannique (CDC Group).
RDC : le budget destiné à l’agriculture exécuté à 28% seulement en 2019, soit 57 millions USD en 2019

La République démocratique du Congo a dépensé à peine 95 769 717 357 FC (57,38 millions USD) pour le secteur agricole contre des prévisions linéaires de l’ordre de 339 402 422 291 FC (201, 54 millions USD) , soit un taux d’exécution de 28,47%, indique la Direction de la préparation et de suivi du budget.
Sur ressources propres, le gouvernement a effectué des investissements à hauteur de 1 348 813 857 FC (808 156 USD) sur contre des prévisions linéaires estimées à 24 904 000 000 FC (14,92 millions USD), soit un taux d’exécution de 5,41%.
Les investissements sur Ressources extérieures ont été exécutées à hauteur de 58 545 396 934 FC (35,078 millions USD,) contre des prévisions linéaires estimées à 217 044 673 813 FC (130,044 millions USD), soit un taux d’exécution de 26,97%.
Presque le tiers des dépenses effectuées dans le secteur de l’agriculture en 2019 ont été destinées aux rémunérations du personnel, soit 34 716 306 361 FC (20, 808 millions USD).
La République démocratique du Congo dépense chaque année environ 2 milliards USD pour importer les produits alimentaires de première nécessité alors que le pays dispose de plus de 80 millions d’hectares de terres arables.
PROTOCOLE DE MAPUTO : SUR LES 53 PAYS AFRICAINS, SEULS 7 ONT TENU LEUR ENGAGEMENT D’ALLOUER 10% DE LEUR BUDGET À L’AGRICULTURE
La société civile africaine tire la sonnette d’alarme. Le protocole de Maputo signé en juillet 2003 par les 53 pays du continent africains tarde à se concrétiser. Selon des responsables d’ONG qui tiraient le bilan de ce protocole, sur les 53 pays africains, seuls sept ont tenu leur engagement d’allouer 10% de leur budget national à l’agriculture, en l’occurrence le Burkina Faso, la Guinée, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Malawi et l’Ethiopie.

Sur cette portion congrue de pays respectant le protocole, Mamadou Alassane Ba, coordonnateur pour l’Afrique de l’Ouest de l’Association pour la Promotion de l’élevage au Sahel et en savane (Apess), estime que c’est le résultat d’une « mauvaise volonté politique ». Pour étayer ses propos, il indique qu’un pays comme le Nigéria, qui peut être le moteur économique de l’Afrique se situe à 2% et peut pas évoquer le manque de moyens.
Pour sa part, Eric Hazard du Bureau d’Oxfam à Dakar, soutient que si dans des pays où 60% de la population dépend de l’agriculture, on n’arrive pas à mobiliser au minimum 10% du budget national pour ce secteur, il y a véritablement un problème en termes de d’équité et de justice.
Par ailleurs, de l’avis de Moustapha Dia, du Réseau « Bilital Maroobe », regroupant des éleveurs et pasteurs d’Afrique, même si le pourcentage de 10% a été atteint dans 7 pays, ce taux n’a pas permis de booster l’agriculture dans ces pays, ni de donner satisfaction aux acteurs de l’agriculture eux-mêmes. Il poursuit pour dire que la répartition des ressources n’est pas adéquate et déclare qu’au Sénégal, l’élevage constitue le parent pauvre du monde agricole, car moins de 1% du budget de l’agriculture lui est consacré.
Comme alternative à cette posture peu reluisante du secteur agricole, les ONG nourrissent beaucoup d’espoirs pour le Programme détaillé de Développement de l’Agriculture africaine (PDDAA), de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui a permis l’élaboration de plans nationaux d’investissements agricoles (PNIA) dans chacun des 15 pays ouest-africains.
Espoir Olodo ((Agence Ecofin)/Amédée Mwarabu (Deskeco)/ Moustapha Dia (Lejecos)