Dans sa 25ème tribune l’ancien Premier ministre de la RD Congo, Adolphe Muzito (du 10 octobre 2008 au 6 mars 2012) regrette que le pays ait fermé ses portes au FMI et à la Banque mondiale pendant la période 2012-2016
S’il est physiquement confiné dans la capitale belge, Adolphe Muzito ne l’est pas du tout intellectuellement. A preuve, ces tribunes à forte valeur d’offre politique que le leader de Nouvel Elan publie depuis Bruxelles. Dans la dernière en date, le Premier ministre honoraire jette un coup d’œil dans le rétroviseur pour regretter » l’inertie » économico-financière et donc forcément sociale qui a caractérisé la période 2012-2016.
Avec forces chiffres, l’économiste Muzito déplore que les gestionnaires qui ont pris le relai après les années de la « remontada » budgétaire (2006-2011), n’aient pu fructifier le capital trouvé. Ils n’ont pas créé les conditions pour se rabibocher avec les institutions de Bretton Woods. Résultat, le pays a vu son budget stagner. Enfilant la blouse de médecin gynécologue, Dr Muzito diagnostique la ménopause économique.
La ménopause économique imposée à la RDC
L’annulation d’une importante partie de la dette publique congolaise aurait dû permettre à la République démocratique du Congo de stimuler sa production par un nouvel endettement, afin de créer des richesses pour sa population. C’est tout le contraire qui s’est produit. En lieu et place, le pays se satisfait d’une ménopause économique qui ne lui a pas permis de se créer des opportunités de valorisation des ressources de son sol, du sous-sol et humaines.
La RDC s’est volontairement privée de l’apport extérieur, a plongé le pays dans l’autarcie financière en entretenant l’opacité de sa gestion, ceci en refusant l’accompagnement d’un partenaire dont la présence est un gage de bonne gouvernance. Ce partenaire n’est autre que le Fonds monétaire international (FMI) ainsi que sa jumelle, la Banque mondiale. La RDC n’a pas des finances qui peuvent faire face à ses défis. Elle a besoin des ressources de la coopération internationale. Or, cette coopération est organisée et dispose d’un gendarme qui définit les standards pour bénéficier des appuis dont le pays a besoin. La RDC a un budget de 5,5 milliards de dollars US, alors que les défis sont de l’ordre de 50 milliards de dollars US au minimum, pour couvrir ses besoins en infrastructures de base. Le gap ne peut être comblé que par les recours au marché financier international, eu égard aux réalités de la fiscalité du pays. Je reproche à ceux qui ont géré le pays entre 2012 et 2016 d’avoir fermé les portes au FMI et à la Banque mondiale. Il y a eu un problème de gouvernance et volonté de mettre le pays en autarcie financière pour éviter l’œil extérieur.
CHIFFRES CONTRE CHIFFRES
Pendant la période 2006-2011, le budget de l Etat en ressources propres avait augmenté de 300%. Il est passé de 850 millions de dollars américains à 3,500 milliards de dollars américains en ressources propres Par contre entre 2011 et 2016, l’augmentation enregistrée était de l’ordre de 30%. Le budget de l’État est ainsi passé de 3,5 milliards à 4,5 milliards de dollars américains, soit une augmentation d’un milliard de dollars.
On aurait pu au moins doubler le budget du pays de 3,700 à 7 milliards dollars US avec le boom minier enregistré dans la période.
Lors du mandat 2006-2011, les réserves de changes sont passées de 90 millions de dollars américains à 1,5 milliard américain avec comme bénéfice la stabilisation du franc congolais.
Entre 2012 et 2016, les réserves de change ont baissé de 1,5 milliard de dollars américain à 800 millions, avec à la clé une dégradation du franc congolais. La réduction de la valeur de la monnaie nationale a été de 40%.
Entre 2006 et 2011, la production du cuivre est passée de 30.000 tonnes à 500.000 tonnes avec incidence positive sur les réserves de change et de la stabilité de la devise nationale.
Pendant la période 2012 à 2016 la production du cuivre est passée de 500.000 tonnes à 1.500.000 tonnes. On n’a pas vu l’incidence de cette augmentation. Pendant ce quinquennat, les réserves des changes ont baissé de 1,5 milliards à 800 millions, comme indiqué ci haut. Conséquence sociale : les salaires des administrations ont connu une baisse de 40%, alors qu’il était augmenté pendant le précédent mandat.
La croissance de la période 2012 – 2016 n’a pas donc pas eu d’ incidence en terme : d’augmentation du budget de l Etat, des salaires des agents de l Etat, des réserves de change, de stabilisation du franc congolais, d’augmentation de l’épargne nationale et du crédit à économie.
DOUBLE SEUIL DE SOUVERAINETE
Après avoir quadruplé le budget entre 2006 et 2011 de 850 millions à 3’5milliards de dollars US si la gestion de la période 2012-2016 avait au minimum doublé le budget pour atteindre 7 milliards de dollars américains, le nouveau régime de Félix Tshisekedi aurait trouvé une situation meilleure, des bases solides lui léguées, permettant de doubler à son tour ce même budget jusqu’au seuil critique de souveraineté de l’État congolais que j’estime à un minimum de 15 milliards de dollars américains.
Dans la désagrégation que je fais de ces 15 milliards de dollars américains, J’estime à 5 milliards de dollars les dépenses contraignantes des rémunérations, à 5 autres milliards de dollars pour les dépenses de souveraineté comme la défense, la sécurité, la diplomatie et la territoriale, etc.
Enfin les 5 derniers milliards de dollars américains devraient servir pour le social, et les infrastructures. La gestion de la période 2012 – 2016 a fait rater à l’État congolais l’occasion de franchir ce seuil de souveraineté.
Au deuxième degré, le Congolais qui vit avec 1,3 dollar américain par jour, soit sous le seuil de pauvreté, a raté l’occasion de sortir de son état de sous- prolétaire pour vivre avec plus de 3 dollars américains par jour comme le Camerounais.
Pour arriver à l’émergence, il faut d’abord sortir le peuple congolais de la sous-pauvreté. Une population des sous-prolétaires, c’est un peuple qui est installé dans la résignation, il est impossible d’aller à l’émergence sans préalablement franchir le seuil de pauvreté.
L’opacité et l’indiscipline ont caractérisé la gestion de 8 dernières années. La période 2012- 2016 a vu le gouvernement abuser de la production minière qui avait triplé. Il a refusé l’assistance du FMI, qui est un coach et un accompagnateur qui sert donc de gage et de garantie de bonne gouvernance pour tout investisseur privé. Ils ont épongé une partie des réserves de change pour faire face au choc exogène de 2015, alors que s’ils étaient en programme avec le FMI ils auraient pu épargner les lesdites réserves en obtenant son appui à la balance des paiements.
La RDC, qui a besoin de l’assistance de la coopération internationale ne peut pas se gêner d’avoir « une gestion sous surveillance, avec un coaching qui, au bout sera sanctionné en termes d’appui budgétaire et de soutien à la balance des paiements.
PROPOSITION DE SOLUTION
Toute proposition dans ce cadre passe soit par une révolution soit par des réformes structurelles
En travaillant avec le FMI il est loisible de respecter les standards afin de bénéficier de la coopération internationale et des investissements privés. La Grèce et l’Espagne, des pays occidentaux, ont sollicité le FMI et la Banque mondiale pour sortir de leurs impasses financières. On leur a prêté l’argent après avoir engagé des réformes inspirées justement par le FMI et la Banque mondiale.
La RDC peut s’endetter jusqu’à 25 ou 30 milliards de dollars américains, grâce à son bon ratio d’endettement 6% (3,5 milliards sur 55 milliards de dollars US) avec cet argent on peut financer les infrastructures de base. Ces ressources peuvent être mobilisées par la cession ou la garantie de nos actifs géologiques, forestiers, fonciers etc.
La communauté internationale profite de nos mines, mais nous n’avons pas profité de la coopération internationale à cause de l’opacité et l’indiscipline. La RDC a besoin de l’assistance internationale et non de la charité. En refusant l’accompagnement et le coaching du FMI, la ménopause économique a été imposée à la RDC par les hommes au pouvoir.
Aujourd’hui notre déficit budgétaire ne permet pas de prendre en charge les défis du pays en infrastructures, dans le domaine du social et d’assurer la sécurité et la défense du territoire.
Pour sortir de cette situation il faut un consensus natinal pour engager des réformes institutionnelles, politiques et économiques. La solution se trouve dans le plan de sortie de crise préconisé par le Président élu, Martin Fayulu.
Fait à Bruxelles, le 11 juin 2020
Adolphe Muzito Premier ministre Honoraire