Commençons par nous féliciter de ce qui ne fait plus aucun doute : le centre de gravité du pouvoir s’est déplacé, vers la rue. La rue qui a toujours été le champ des agitations individuelles au quotidien, devient le sanctuaire de l’expression politique collective dans sa forme la plus crue et la plus décomplexée. Le peuple que l’on souhaitait voir “assigné à résidence”, condamné par la sentence électoraliste à attendre les prochaines élections pour s’exprimer, se refuse au spectacle d’un climat politique délétère dont il est la première victime. Rehaussé par la décrispation, il fait irruption dans l’espace public avec son cortège de revendications.
En dernière minute, les doctrinaires de la majorité parlementaire qu’ils croyaient immuable se jettent dans le bain des marches populaires. À la traine de l’UDPS, de Lamuka, du CLC et des organisations de la société civile, le FCC encore tout récemment rassuré de son verrouillage des institutions et de son autoroute de manœuvres, agite ses gens et invite à manifester! La “République des juges” et l’inflexibilité d’un Président qui freine de quatre fers, contre le “deal”, y sont pour beaucoup. Tout soudain on reconnaît à la rue une force négligée et autrefois réprimée, vers elle on accoure pour solliciter qu’elle pousse, avec la force des bras, la machine qui a pris du sable. C’est dire que contrairement aux apparences tapageuses, on a été intimidé dans son for intérieur.
Intimidés, révoltés, aigris, galvanisés, tout le monde se rencontre dans la rue redevenue le creuset de la conscience politique et de l’expression citoyenne bruyante, paradoxalement à l’opposé des majorités dans les assemblées législatives dont on sait voir qu’elles ne tiennent pas à grand-chose. N’eut-été cette rue les propositions de lois Minaku-Sakata auraient eu gain de cause, la désignation de Malonda serait entérinée. Les auteurs des projets de réformes de la Justice, arborant un sourire jaune, se sont proposé un sursis pour aller expliquer à l’opinion le sens de leur soi-disant génie impénétrable; et la balle a été renvoyée aux diverses sensibilités dans l’opinion pour une meilleure désignation du président de la CENI.
“Où est donc le pouvoir?” a-t’on osé le questionnement. De toute évidence il se trouve de moins en moins au Parlement, ce jackpot de loterie annoncé comme gage de survie pendant cinq ans de mandat mais dissipé dans l’extravagance d’un duo incontinent et va-t-en-guerre, en dix-huit mois de législature.
Tout ceci peut servir à remettre le pays dans l’ordre, selon que l’on peut opter soit pour une recomposition de la majorité soit pour la convocation des élections législatives anticipées, étant donné qu’une harmonisation de vues au sein d’une coalition qui se déchire de jour en jour devient plus que jamais improbable.
Il faut sortir de l’impasse. L’année de l’action terriblement heurtée par les tempêtes politiques et la crise sanitaire mondiale a consacré la présence d’un acteur : le peuple. Face à ses différentes revendications qui tirent cependant leur force des communes aspirations, le Président de la République est encouragé à assurer des arbitrages déterminants et à se poser en véritable garant de l’ordre républicain, pour qu’il ne soit plus permis à qui que ce soit ou à quelque force politique que ce soit de faire de la République l’objet d’un monopole avilissant et moyenâgeux.
Quand c’est dans la rue que tout commence à se jouer, il faut acter le principe de l’inviolabilité de ce seul espace d’expression qui reste pour une population tenue à bonne distance des centres du pouvoir. Que l’intégrité des personnes et des biens y soit rigoureusement assuré par les forces de l’ordre, et que la dignité humaine en ressorte davantage préservée.
Simeon Nkola Matamba